Fonction publique
le 24/11/2022

Procédure disciplinaire et communication à un agent public des procès-verbaux d’auditions réalisées dans le cadre d’une enquête administrative

CE, 21 octobre 2022, n° 456254

Par un arrêt en date du 21 octobre 2022, le Conseil d’Etat a considéré que, malgré l’absence de communication des procès-verbaux d’audition réalisés dans le cadre d’une enquête administrative, un agent ayant été par la suite fait l’objet d’une fin de fonctions n’était pas fondé à soutenir qu’il n’avait pas été mis à même d’obtenir communication de l’intégralité de son dossier et que la mesure avait été prise en méconnaissance de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905.

Dans cette affaire, le requérant reprochait précisément à l’administration le fait que son dossier ne comprenait pas les cinquante-huit procès-verbaux des auditions menées dans le cadre d’une enquête administrative le concernant. Cependant, l’intéressé avait connaissance de cette liste qui figurait en annexe du rapport qui lui avait été communiqué.

Le Conseil d’Etat avait déjà précisé que lorsqu’une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d’un agent public, le rapport établi à l’issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu’ils existent, les procès-verbaux des personnes entendues dans ce cadre, font partie des pièces dont ce dernier doit obtenir communication, sauf si la communication de ces procès-verbaux est de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné (CE, 5 février 2020, n° 433130).

Pour sa part, l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 dispose qu’un agent public faisant l’objet d’une mesure prise en considération de sa personne, qu’elle soit ou non justifiée par l’intérêt du service, doit être mis à même d’obtenir communication de son dossier. Le juge administratif interprète classiquement ces dispositions comme imposant seulement à l’administration la communication du dossier individuel à la demande de l’agent.

Dans l’espèce ici commentée, se posait la question de savoir si la communication de tels procès-verbaux devait se faire automatiquement lorsque l’agent sollicitait la transmission du rapport d’enquête administrative, ou s’il appartenait à l’agent de demander spécifiquement la communication des procès-verbaux d’audition. L’enjeu de cette question était de déterminer si la procédure était au cas particulier irrégulière, le requérant n’ayant pas obtenu la communication spontanée de ces procès-verbaux lors de la transmission du rapport d’enquête.

A cette question délicate, de l’avis même du rapporteur public, le Conseil d’Etat répond par la négative, en considérant qu’il appartenait à l’agent de solliciter la communication de ces pièces, dès lors qu’il avait été informé de la possibilité de consulter son dossier et de l’existence de ces procès-verbaux d’auditions. Ce faisant le Conseil d’Etat adopte une solution qui peut au premier abord paraître sévère pour l’agent mais qui est en fait des plus pragmatiques en ce qu’il suffirait sinon aux agents sanctionnés ou faisant l’objet d’une mesure prise en considération de la personne de s’abstenir de réclamer des pièces pour ensuite obtenir une annulation de la décision.

C’est d’ailleurs exactement ce que le Rapporteur public soulignait dans ses conclusions « la solution inverse permettrait à l’agent public qui constate l’absence d’un document dans son dossier de procédure de garder un silence stratégique au stade de la procédure administrative afin d’obtenir au contentieux l’annulation de la mesure alors même qu’il aurait pu avoir en temps utile accès au document ».

Il s’agit là d’une décision fort utile à l’administration qui, si elle omet une transmission de pièce, ne peut donc voir le requérant le lui reprocher que si, informé de l’existence de celle-ci, il l’a vainement réclamée.