le 16/09/2021

Peut-on être enseignant dans le cadre d’un IEJ et membre du jury d’admission au CRFPA la même année ?

TA Lyon, 8 juillet 2021, Mme B., n° 2002605, C+

Dans un jugement du 8 juillet 2021, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la délibération ajournant une candidate à l’examen d’entrée au centre de formation professionnelle des avocats. La juridiction estime que la présence d’une enseignante de l’Institut d’Études Judiciaires (IEJ) dans le jury de l’épreuve de « Grand Oral » méconnaît les textes réglementaires et constitue un vice de procédure non « danthonysable » en l’espèce.

En effet, aux termes de l’arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle d’avocats, « Les examinateurs et les membres du jury ne peuvent enseigner simultanément dans une formation publique et privée préparant à l’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats au cours de l’année universitaire au titre de laquelle l’examen est organisé et l’année universitaire précédant celle-ci ».

La rédaction n’est pas si claire et l’on peut comprendre qu’un enseignant peut participer au jury, sauf s’il a été « simultanément » enseignant dans une formation publique (IEJ) ET une formation privée (par ex. Dalloz ou SupBarreau). C’est d’ailleurs, semble-t-il, l’interprétation retenue par d’autres tribunaux administratifs au sujet de membres du jury ayant enseigné à la fois dans le cadre de la formation publique et dans le cadre d’une formation privée (TA Versailles, 12 mars 2020, n° 1901552 ; TA Montreuil, 13 octobre 2020, n° 2001113). Le Tribunal administratif de Lyon, qui classe son jugement en C+ pour lui donner une visibilité particulière et assume donc sa solution, a néanmoins estimé que l’arrêté interdisait d’être enseignant et membre du jury. Et, bien qu’il soit frappé d’appel, la solution est pour l’heure que cette double casquette constitue un vice de procédure.

Or, dans les procès administratifs, un grand nombre de vices de procédure ont tendance à être neutralisés en application de la célèbre jurisprudence « Danthony », dans laquelle le Conseil d’État a jugé qu’un vice de procédure « n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie » (CE, Ass., 23 décembre 2011, Danthony, 335033).

Pour que le vice de procédure invoqué puisse prospérer, il appartient aux requérants d’insister sur le fait qu’ils ont été privés d’une garantie ou que le vice a eu une influence sur le sens de la décision.

La privation d’une garantie est par exemple constituée par le fait de ne pas informer l’agent en abandon de poste que s’il ne revient pas, il s’expose à une radiation des cadres (CE, 6 mai 2021, CH Francilien Sud, 428957). Tandis que l’influence sur le sens de la décision est par exemple établie lorsque la composition irrégulière d’une commission administrative paritaire conduit à un vote dans lequel l’écart des voix est faible (CE, 7 avril 2016, 376597).

C’est sur ce second critère que le Tribunal administratif a refusé de « danthonyser » le vice de procédure.  En l’espèce, la candidate a été ajournée avec une moyenne générale de 139,50/280, ce qui veut dire qu’il lui manquait exactement 0.5 points pour être admise. À noter qu’il n’est pas rare en pratique qu’au moment de la délibération finale de l’examen, des points jury soient accordés dans ce type de proportion. Le tribunal a jugé, « en l’espèce », que la présence litigieuse de l’enseignante dans le jury avait été de nature à influencer la délibération de l’ajournement.

Si le tribunal devait être conforté dans son interprétation de l’arrêté, laquelle demeure sujette à discussion, il ne faut en tout état de cause pas conclure que ce vice de procédure pourra désormais prospérer dans toutes les situations d’ajournement dans lesquelles un membre du jury aura été enseignant dans la préparation.

 

Par Caroline LANTERO, Avocate Associée – SEBAN Auvergne