le 25/03/2020

Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 : dispositions intéressant le fonctionnement et les compétences des personnes publiques locales

Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19

Diverses mesures relatives au fonctionnement institutionnel et aux compétences matérielles des collectivités territoriales ont été prévues dans la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, que nous présenterons ci-après. 

La loi adoptée constitue en effet un outil permettant de nombreuses modifications du fonctionnement institutionnel et matériel des collectivités territoriales, dans un souci d’assurer la continuité de l’exercice de leurs compétences. Ces modifications sont pour certaines d’ores et déjà applicables pour tenir compte de la situation (notamment électorale), alors que d’autres modifications sont susceptibles d’être instituées dans les semaines à venir dans les territoires, où l’état d’urgence sanitaire viendra à être déclaré et, le cas échéant, complété par des mesures permettant de garantir la santé publique. 

  

I – Les mesures institutionnelles permises par la loi  

En premier lieu, l’article 10 de la loi est relatif aux modalités de vote des délibérations dans les zones où l’état d’urgence sanitaire est déclaré dans les conditions prévues notamment à l’article L. 3131‑12 du code de la santé publique. 

Il est ainsi prévu que des règles de quorum différentes ainsi que des modalités d’organisation du vote sont applicables dans les communes, les départements, les régions, la collectivité territoriale de Corse, la collectivité territoriale de Guyane, la collectivité territoriale de Martinique, et les « établissements publics qui en relèvent », sur le territoire desquels l’état d’urgence sanitaire reçoit application. 

Ainsi, la règle classique du quorum fixé à la présence de la moitié des membres en exercice est assouplie pour permettre d’atteindre le quorum lorsque le tiers des membres en exercice seulement est présent. La règle par défaut, selon laquelle une nouvelle convocation sans quorum à trois jours d’intervalle a lieu si le premier quorum n’est pas atteint, est maintenue. 

La règle relative aux pouvoirs est également assouplie puisqu’il est alors permis qu’un membre de l’organe délibérant puisse être porteur non d’un seul mais de deux pouvoirs, qu’il s’agisse de la première réunion sur quorum ou sans quorum. 

Les modalités de vote des délibérations au scrutin public ou au scrutin ordinaire, à l’exception du scrutin secret, peuvent également être aménagées pour permettre le recours à un dispositif de vote électronique ou de vote par correspondance dans les conditions fixées par décret préservant la sécurité du vote. 

La portée de cette disposition peut soulever des interrogations dès lors qu’elle vise les collectivités territoriales citées et « les établissements publics qui en relèvent », cette dernière notion ne permettant pas de déterminer si les syndicats mixtes dits ouverts notamment, qui regroupent certaines ou plusieurs de ces collectivités, font partie du champ d’application matériel de ce dispositif, ce d’autant plus que le texte en cause ne renvoie pas aux dispositions qui leurs sont propres dans le CGCT. La question pourrait également être posée s’agissant des EPCI et des syndicats mixtes fermés mais apparaît soulever moins de difficultés dès lord que les dispositions qui leur sont applicables renvoient à l’article L. 2121-17 du CGCT, expressément visé par la loi.

 

En second lieu, l’article 11 de la loi est relatif à l’habilitation législative donnée au Gouvernement pour prendre des mesures relevant du domaine de la loi par ordonnance. 

Des mesures, visées au I, 2°, i) de l’article, pourront concerner d’une part les modalités d’organisation de fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives, afin de limiter la propagation de l’épidémie. La dématérialisation des réunions nécessaires pour le fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives fait partie des règles qui pourront faire l’objet d’aménagements dans le cadre d’une ordonnance.    

D’autres mesures, visées au I, 8°, a) et g), pourront également, d’autre part, concerner le fonctionnement des institutions locales (collectivités territoriales et établissements publics locaux) afin d’en assurer la continuité du fonctionnement, l’exercice des compétences et la continuité budgétaire et financière. Là encore, des mesures portant sur la dématérialisation des réunions collégiales pourront être prises. Par ailleurs, les instances consultatives dont la composition est modifiée lors du renouvellement général des conseillers municipaux pourront bénéficier de mesures permettant d’aménager les mandats des membres représentants les élus locaux. 

Il est également à noter que des dispositions incluses dans le titre relatif aux dispositions électorales sont également susceptibles d’avoir des incidences sur le fonctionnement institutionnel des collectivités

 

Ainsi, l’article 19 institue une obligation d’information des candidats élus au premier tour en énonçant en son XIV que ceux-ci deviennent destinataires d’une copie de tous les actes du Maire relevant de ses attributions exercées au nom de la commune jusqu’à leur installation. Il s’agit donc des pouvoirs exercés par le Maire sur délégation du conseil municipal ainsi que tout acte de même nature pris par le Président de l’EPCI sur délégation de l’organe délibérant. Là encore la portée de cette disposition, qui renvoie à l’article L. 2122-22 du CGCT et n’évoque que les Présidents d’EPCI, soulève des interrogations quant à l’applicabilité de ces dispositions à l’ensemble des syndicats mixtes cette fois.  

Par ailleurs, l’article 20 de la loi institue une habilitation législative au Gouvernement qui pourra ainsi prendre par ordonnance toutes mesures relatives aux modalités d’organisation de l’élection des maires, des adjoints aux maires ainsi que des présidents et vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, y compris en cas de maintien de l’état d’urgence sanitaire. Ces ordonnances pourront en particulier prévoir que la réunion peut se tenir en tout lieu permettant de préserver la santé des élus et des agents publics, que des règles procédurales simplifiées seront applicables notamment en ce qui concerne le calcul du quorum et le nombre de pouvoirs, et instituer toute forme appropriée de vote à l’urne ou à distance garantissant le secret du vote. 

 

II – Les mesures matérielles organisées par la loi 

Sur le plan matériel ensuite, diverses dispositions viennent adapter le droit budgétaire applicable aux collectivités territoriales.  

Ainsi, divers aménagements relatifs aux dispositions budgétaires sont prévus par l’article 9 : le calendrier budgétaire est en effet aménagé, et les conséquences juridiques en sont tirées, notamment au regard des pouvoirs du Préfet et des règles d’engagement des dépenses d’investissement. Ainsi, la date d’adoption du budget pour l’exercice est reportée du 30 avril au 31 juillet 2020 au plus tard. Pendant cette période, l’exécutif peut toutefois engager, liquider et mandater les dépenses d’investissement dans la limite des sept douzièmes des crédits ouverts au budget de l’exercice précédent non compris les crédits afférents au remboursement de la dette. Le pouvoir de règlement du budget par le Préfet après saisine de la chambre régionale des comptes est donc reporté à cette date du 31 juillet 2020. En l’absence de communication avant le 31 mars à l’organe délibérant d’informations indispensables à l’établissement du budget, le vote de l’organe délibérant arrêtant les comptes de la collectivité territoriale ou de l’établissement public au titre de l’exercice 2019 doit toutefois intervenir au plus tard le 31 juillet 2020. 

L’article 12 dispense, quant à lui, les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre qui sont soumis à la contractualisation financière entre l’État et les collectivités territoriales pour consolider leur capacité d’autofinancement et organiser leur contribution à la réduction des dépenses publiques et du déficit public, de comparer les dépenses réelles de fonctionnement au titre de l’année 2020 au montant contractualisé ou arrêté en 2018 et les exclut ainsi que de la procédure de reprise financière en cas de dépassement de la trajectoire ainsi définie. 

Par ailleurs, l’habilitation législative conférée par l’article 11, I, 5°, a) et b) est susceptible d’intéresser les collectivités territoriales qui assurent des prestations sociales au titre du code de l’action sociale et des familles ou du code de la sécurité sociale. Peuvent ainsi être adoptées des dérogations pour adapter les conditions d’ouverture ou de prolongation des droits ou de prestations aux personnes en situation de handicap, aux personnes en situation de pauvreté, notamment les bénéficiaires de minima sociaux et prestations sociales, et aux personnes âgées. L’on peut ainsi penser aux départements qui sont compétents pour définir et mettre en œuvre la politique d’action sociale. 

Plus substantiellement, l’habilitation législative est ensuite susceptible d’intéresser particulièrement le droit matériel des collectivités territoriales, au regard des mesures susceptibles d’être adoptées et visées au I, 8°, b) à f) de l’article 11. 

Ainsi, l’habilitation législative est susceptible d’intéresser non seulement l’exercice des compétences par les collectivités territoriales, la terminologie retenue à cet égard étant particulièrement large, mais également la répartition des compétences entre les organes des collectivités territoriales puisque les règles relatives aux délégations pouvant être consenties par les assemblées délibérantes à leurs organes exécutifs sont susceptibles d’être modifiées. La portée de ces dispositions demeure à préciser au regard de l’emploi du terme d’« établissements publics locaux » dans le 8° : si les groupements de collectivités territoriales ne sont pas expressément visés ici, ils nous semblent néanmoins pouvoir être inclus parmi ces établissements publics, à tout le moins plus aisément que dans les établissements « relevant » des collectivités, mentionnés ci-avant. Toutefois, la rapidité avec lequel le processus législatif a eu lieu explique sans doute toutes ces imprécisions sémantiques, les différences terminologiques d’un dispositif à l’autre n’étant vraisemblablement pas volontaires pour une très large partie d’entre elles.  

L’habilitation législative est également susceptible d’intéresser la compétence budgétaire et financière afin d’assurer la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux : les modalités d’adoption des délibérations touchant aux bases et aux taux dans le cadre de l’établissement des impôts locaux pourront en effet être aménagées notamment au regard du calendrier encadrant strictement l’adoption de ces délibérations, ainsi que les modalités d’adoption des délibérations relatives aux tarifs des redevances.  

A ce titre, il faut relever que l’habilitation législative conférée par le I, 1°, h) de l’article 11 permettra au Gouvernement, afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, de prendre toute mesure dérogeant à l’article 60 de la loi n°63-156 du 23 février 1963 de finances pour 1963 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics dans l’exercice de leur fonction. Il n’est pas davantage précisé par la loi, de sorte que ces dérogations pourraient semble-t-il concerner aussi bien le régime de la responsabilité des comptables que les modalités de sa mise en œuvre.   

A noter également, au titre des mesures matérielles applicables lorsque des mesures permettant de garantir la santé publique prises au titre de l’état d’urgence sanitaire sont en vigueur, l’article 18 de la loi qui intéresse l’exercice par le département de sa compétence aide sociale à l’enfance. Celui-ci prévoit que pendant la durée des mesures prises en application des articles L. 3131-15 à L. 3131-17 du code de la santé publique, il ne peut être mis fin à la prise en charge par le conseil départemental des majeurs ou mineurs émancipés précédemment pris en charge en tant que mineurs, mineurs émancipés ou jeunes majeurs de moins de vingt et un ans. 

 

Par Mélissa Goasdoué et Théophile Keïta