le 25/03/2020

Covid-19  et enquêtes publiques : quel fondement pour l’interruption ?

Les mesures de confinement qui ont été mises en place par le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020, portant règlementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19, ont dû entraîner en urgence le report des enquêtes publiques qui étaient prévues prochainement ou l’interruption des enquêtes publiques qui étaient alors en cours. 

Toutefois, ni le Code de l’environnement en ses articles L. 123-1 et suivants (lorsque les projets, plans ou programmes sont susceptibles d’avoir un impact sur l’environnement), ni le Code de l’expropriation en ses articles L. 110-1 et suivants n’ont prévu le cadre dans lequel doit intervenir ces interruptions ou suspensions d’enquêtes. 

Les circonstances exceptionnelles ne sont en effet nullement prévues comme motifs d’interruption ou de suspension d’enquêtes publiques. 

L’interruption des enquêtes publiques est seulement prévue au cas où le commissaire-enquêteur serait empêché (C. envir., art. R. 123-5, al. 4, mod. par D. n° 2017-626, 25 avr. 2017, art. 4, 4°, e). 

Dans cette hypothèse, il appartient au président du tribunal administratif (ou à un conseiller délégué par lui) de désigner un commissaire enquêteur remplaçant et de fixer la date de reprise de l’enquête. Les conditions de reprise de l’enquête publique après son interruption sont les mêmes que celles applicables après une suspension d’enquête. 

La suspension de l’enquête publique, quant à elle, ne peut intervenir que si la personne responsable du projet, plan ou programme estime nécessaire d’apporter à celui-ci, à l’étude d’impact ou au rapport sur les incidences environnementales afférent, des modifications substantielles, l’autorité compétente pour ouvrir et organiser l’enquête pourra, après avoir entendu le commissaire enquêteur ou le président de la commission d’enquête, suspendre l’enquête pendant une durée maximale de six mois. Cette possibilité de suspension ne pourra être utilisée qu’une seule fois (C. envir., art. L. 123-14).  

Il n’existe donc, en l’état du droit commun des enquêtes publiques, aucune disposition législative ou règlementaire permettant à une enquête publique d’être interrompue ou suspendue en raison de circonstances exceptionnelles telles que la crise sanitaire du covid-19. 

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, prévoit toutefois en son article 11-8-f) que pourront être prises par ordonnances, des mesures dérogatoires « aux règles applicables en matière de consultations et de procédures d’enquête publique », si nécessaire, de manière rétroactive au 12 mars 2020, ce qui permettrait de donner un cadre juridique aux interruptions ou suspensions actuelles des enquêtes publiques. 

Cette disposition, de même que celle de l’article 11-2-a) qui prévoit, suivant la même logique, la possibilité de prendre par ordonnance des mesures adaptant « les délais et les modalités de consultation du public », si elle pourra permettre d’interrompre ou de suspendre des enquêtes publiques, pourra plus largement avoir un impact sur l’ensemble des procédures visant à consulter le public. En effet, la loi ne faisant pas spécifiquement référence aux procédures d’enquête publique prévues par le Code de l’environnement, diverses mesures pourront être prises dans le cadre de la participation du public à toutes les décisions ayant une incidence sur l’environnement, notamment les participations prévues pour les plans, programmes et projet ayant une incidence sur l’environnement mais non soumis à enquête publique (art. L. 123-19 C. envir.), ceux faisant l’objet d’une évaluation environnementale, ou encore les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les plans de gestion des risques inondation et les plans d’action pour le milieu marin. Il en va de même pour les procédures de participation du public hors procédures particulières (art. L. 123-19-1 et suivants C. envir.) et plus largement pour toutes les procédures de participation du public à l’élaboration des plans, programmes et projets ayant une incidence sur l’environnement, c’est-à-dire préalablement au dépôt de la demande d’autorisation des projets ou pendant la phase d’élaboration d’un plan ou programme et notamment la mise en place de débats publics. Il en va de même pour l’ensemble des consultations du public qui peuvent être prévues par divers autres textes, hors du Code de l’environnement, par exemple la participation du public prévue par l’article L. 103-1 du Code de l’urbanisme.  

Il apparait ainsi, au vu de la rédaction très large de la loi qui mentionne la « consultation du public » sans spécifier le cadre de cette consultation, que toutes les procédures prévoyant une consultation du public pourront être concernées par les mesures qui pourront être prises par ordonnance. 

 

Par Martin Mattiussi-Poux et Solenne Daucé