le 21/11/2019

Vers un changement de paradigme sur la justification d’une discrimination en raison d’un accord collectif ?

Cass. Soc., 9 octobre 2019, FS-P+B, n° 17-16.642

L’article L.1134-1 du Code du travail organise un régime probatoire particulier en matière de discrimination : le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, l’employeur devant quant à lui prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Se posait alors la question de déterminer si les différences de traitement résultant de l’application d’un accord collectif sont présumées justifiées et que dès lors la charge de la preuve de leur caractère injustifié reposerait sur le salarié.

Dans l’espèce objet de l’arrêt sus visé, une salariée occupait au sein d’une société le poste de conseiller privé et avait obtenu en 2011 la médaille d’honneur du travail pour trente-cinq années de service et en 2015 la médaille d’honneur du travail, échelon grand or, correspondant à quarante années de service. La salariée s’est estimée victime d’une discrimination fondée sur l’âge découlant des dispositions transitoires d’un accord collectif signé le 24 janvier 2011 au sein de la société et prévoyant de nouvelles modalités d’attribution des gratifications liées à l’obtention des médailles d’honneur du travail.

La Cour d’appel déboute la salariée au motif que, s’agissant de l’application d’un accord collectif négocié et signé par des organisations syndicales représentatives, les différences de traitement qu’elle invoquait, étaient étrangères à toute considération de nature professionnelle.

Au terme de l’arrêt sus visé, la Cour de cassation censure les juges du fond motif pris que « sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les stipulations transitoires de l’accord collectif du 24 janvier 2011 ne laissaient pas supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison de l’âge en privant les salariés ayant entre trente-six et quarante années de service au moment de l’entrée en vigueur de l’accord et relevant d’une même classe d’âge de la gratification liée à la médaille or du travail et, dans l’affirmative, si cette différence de traitement était objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime et si les moyens de réaliser ce but étaient nécessaires et appropriés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

Ainsi, il ne peut plus être affirmé conformément à la jurisprudence de 2015 (Cass. Soc., 27 janvier 2015, nos 13-22.179, 13-25.437 et 13-14.773) que « les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ».

La Cour de cassation invite, ainsi que cela avait été le cas antérieurement aux arrêts de 2015 (Cass. Soc., 28 octobre 2009, n° 08-40.457), les juges du fond à rechercher si les différences de traitement entre salariés résultant d’un accord collectif « reposent sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ».

La simple existence d’un accord collectif ne peut à lui seul suffire à justifier une inégalité de traitement.