le 13/10/2016

Vers la possibilité de conclure une délégation de service public multi services

CE, 21 septembre 2016, Société Q Park, n° 399656

Le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur la possibilité pour une autorité concédante de conclure une délégation de service public (DSP) portant sur plusieurs services publics. Cette décision est importante car c’est la première fois que le Juge reconnait la possibilité de confier à un délégataire, dans le cadre d’un contrat unique, la gestion de plusieurs services publics, ce qui va à rebours des principes applicables en matière de marché public pour lequel l’allotissement est de principe lorsque des prestations homogènes peuvent être identifiées.

Plus précisément, en juillet 2015, la Communauté Urbaine du Grand Dijon (CUDJ) avait lancé une consultation pour la conclusion d’une délégation de service public portant sur l’exploitation des services de la mobilité sur son territoire. L’objet de cette délégation se rattachait toutefois directement à la compétence « mobilité urbaine » exercée par la collectivité.

Seules deux sociétés, les sociétés Keolis et Effia, avaient candidaté mais trois entreprises, les sociétés Q Park, Indigo Infra et SAGS, ont saisi le Juge du référé précontractuel d’une demande d’annulation de la procédure.

En première instance, le Tribunal administratif, après avoir reconnu l’intérêt à agir des requérants considérant que « les trois sociétés requérantes ont un intérêt à contester la conclusion de la convention en litige car, de part leur spécialité, elles avaient vocation à candidater au moins pour la partie stationnement des missions déléguées », annule la procédure en relevant que la convention de DSP « comprend [outre l’exploitation des services de mobilité] la commande de prestations d’assistance à maîtrise d’ouvrage, de maîtrise d’œuvre et d’évaluation des prestations de maintenance de cocontractants de la collectivité locale liés à elle, et au délégataire, par des contrats de partenariat. Or, de telles missions, qui tendent à satisfaire les besoins propres de la collectivité locale délégante et non à assurer la gestion du service public, n’ont pas le caractère de délégation de service public normalement rétribuée par l’exploitation du service ».

Saisi d’un pourvoi par les Société requérantes et la CUDJ, le Conseil d’Etat a annulé cette décision en considérant « qu’aucune disposition législative ni aucun principe général n’impose à la collectivité publique qui entend confier à un opérateur économique la gestion de services dont elle a la responsabilité de conclure autant de conventions qu’il y a de services distincts » et que des prestations complémentaires et accessoires, mais non constitutives d’un service public, peuvent être confiées au délégataire.

Il tempère néanmoins sa position en indiquant que l’autorité concédante « ne saurait toutefois, sans méconnaître les impératifs de bonne administration ou les obligations générales de mise en concurrence qui s’imposent à elle, donner à une délégation un périmètre manifestement excessif ni réunir au sein de la même convention des services qui n’auraient manifestement aucun lien entre eux ».

Dès lors, il est possible de conclure une DSP portant sur plusieurs services publics (en l’espèce le stationnement, le transport urbain et la mise en fourrière), mais présentant un lien suffisant et cohérent (ces services publics sont d’ailleurs regroupés sous une même compétence « mobilité urbaine »). Il est également possible de confier des missions connexes non constitutives d’un service public à proprement parler.

La décision est donc fondamentale même si elle semble devoir être appréhendée avec précaution, notamment lorsqu’il s’agira de confier à un opérateur plusieurs services public,s mais relevant cette fois de compétences distinctes (comme par exemple la valorisation des déchets et la production/distribution de chaleur). Dans ce cas en effet, il conviendra de justifier le regroupement de ces services par le lien qui existe entre eux, et de s’assurer que le périmètre de la délégation n’est pas manifestement excessif.