le 27/04/2020

Un décret reconnaît le droit aux préfets de déroger aux normes réglementaires pour motif d’intérêt général

Décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet

Le Gouvernement a décidé d’entériner l’expérimentation conduite depuis le 1er janvier 2018 permettant aux préfets de déroger aux normes réglementaires dans certains domaines. Cette expérimentation, qui a été conduite pendant deux ans dans sept départements métropolitains et trois territoires d’outre-mer, a été considérée comme concluante par le Gouvernement qui pérennise donc, par le décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet, la possibilité pour les préfets de région et de département en métropole et les autorités identifiées à l’article 4 du décret dans les territoires d’outre-mer, de déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’Etat pour un motif d’intérêt général pour prendre des décisions non réglementaires relevant de sa compétence.  

Soulignons ainsi que le préfet ou l’autorité désignée à l’article 4 du décret ne peut déroger qu’à des normes arrêtées par l’administration de l’Etat, c’est-à-dire des normes réglementaires étatiques, à l’exclusion donc par exemple des lois ou des normes européennes. Ces dérogations ne peuvent en outre être prises qu’en vue de prendre des décisions non réglementaires et strictement dans le respect de la compétence de l’autorité qui en est à l’origine. 

Ce dispositif vise à permettre aux préfets ou aux autorités désignées à l’article 4 de tenir compte de certaines circonstances locales dans les matières identifiées par le décret, parmi lesquelles l’environnement, l’agriculture et les forêts (article 1er, 3°).  

L’article 2 du décret prévoit quatre conditions devant être remplies afin de mettre en œuvre la dérogation. Tout d’abord, la dérogation doit être justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales. Ensuite, elle doit avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques. La dérogation doit par ailleurs être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France et, enfin, ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé. 

Il est par ailleurs précisé que la décision de déroger doit prendre la forme d’un arrêté motivé, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture en métropole, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, du haut-commissariat en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie et de l’administration supérieur dans les îles Wallis et Futuna et dans les Terres australes et antarctiques françaises.   

Il est à noter que le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur le décret expérimental de 2017 et a jugé, par une décision du 17 juin 2019 (n° 421871) que, contrairement à ce que soulevait l’association requérante, le décret ne méconnaissait pas le principe de non-régression prévu à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, dans la mesure où il ne permettait « pas de déroger à des normes réglementaires ayant pour objet de garantir le respect de principes consacrés par la loi tel que le principe de non-régression ». Toutefois, et malgré cette décision, ce décret fait l’objet de critiques, notamment de la part d’associations environnementales, qui craignent une protection moins efficace de l’environnement.