le 07/06/2018

Troubles anormaux et spéciaux subis par des riverains à raison de la proximité d’une chaufferie : détermination des règles de responsabilité entre l’exploitant et l’autorité délégante

CAA Lyon, 15 février 2018, Commune de Valence, req. n° 15LY00602

Des particuliers avait acquis un immeuble d’habitation à quelques dizaines de mètres d’un équipement de production de chauffage urbain soumis à la législation sur les installations classées pour la protection de l’environnement. Cet ouvrage était constitué d’une chaufferie à gaz et d’une centrale de cogénération dont la gestion avait été déléguée par délégation de service public sous forme d’affermage à la Société Omnitherm.

Le couple propriétaire considérait qu’il subissait une gêne quotidienne à raison de fonctionnement des ouvrages et des nuisances sonores que ceux-ci occasionnaient, et avaient saisi le Tribunal administratif d’un recours indemnitaire. Malgré la désignation d’un expert qui avait constaté les nuisances anormales et spéciales, le Tribunal avait rejeté leur demande au motif qu’ils ne pouvaient ignorer ces nuisances lorsqu’ils avaient acquis l’immeuble.

Les époux avaient alors interjeté appel du jugement.

Pour la Cour, « si le propriétaire d’une maison d’habitation ne peut ignorer, à la date de l’acquisition de l’immeuble, les inconvénients résultant de la proximité d’un ouvrage public préexistant et ne peut dès lors prétendre obtenir une indemnisation des préjudices subis à ce titre, il en va toutefois différemment d’un dommage résultant pour lui du non-respect des prescriptions légales ou réglementaires régissant le fonctionnement de l’ouvrage public, dans le cas où il ne pouvait en avoir connaissance lors de l’acquisition de son habitation ou qu’il ne pouvait raisonnablement le prévoir, et dès lors que ce dommage présente un caractère grave et spécial ».

Au cas présent, la Cour constate que le rapport d’expertise avait conclu, après des mesures acoustiques, au non-respect de la réglementation relative aux niveaux sonores en période nocturne et à la non-conformité nocturne de chaque composant de la chaufferie. Elle relève également que les époux n’avaient pas connaissance de cette réglementation et qu’ils ne pouvaient prévoir lors de l’acquisition de leur habitation un éventuel dépassement.

Par conséquent, le préjudice invoqué devait être indemnisé.

La question se posait également toutefois de savoir qui, de l’autorité délégante ou du délégataire, devait être tenu responsable. C’est sur ce point que cette décision apporte d’intéressantes précisions.

En effet, la Cour pose le principe selon lequel « en cas de délégation limitée à la seule exploitation de l’ouvrage, comme c’est le cas en matière d’affermage, si la responsabilité des dommages imputables à son fonctionnement relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement, appartient à la personne publique délégante ; que ce n’est qu’en cas de concession d’un ouvrage public, c’est-à-dire d’une délégation de sa construction et de son fonctionnement, que peut être recherchée par des tiers la seule responsabilité du concessionnaire, sauf insolvabilité de ce dernier, en cas de dommages imputables à l’existence ou au fonctionnement de cet ouvrage ».

En l’espèce, la Cour considère que dans le cadre de ce contrat d’affermage, les nuisances sonores ne sont pas imputables à l’existence, à la nature ou au dimensionnement de la centrale de chauffage, mais trouvent leur origine dans le fonctionnement même de l’ouvrage.

C’est donc au délégataire qu’il appartient d’indemniser les requérants.