le 17/01/2017

La survivance du recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes d’approbation du contrat

CE, 23 décembre 2016, Association Etudes et consommation CFDT du Languedoc-Roussillon, n° 392815

Le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur la possibilité pour les tiers à un contrat administratif de contester par la voie du recours pour excès de pouvoir, un acte portant approbation de ce contrat.

Ce faisant, la Haute juridiction apporte une nouvelle pierre à l’édifice du contentieux des contrats administratifs, largement rénové depuis la célèbre décision Tropic Travaux Signalisation.

Le Juge administratif, on s’en souvient, a ouvert à « tout concurrent évincé de la conclusion d’un contrat administratif » (CE, Ass., 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545), puis à « tout tiers » (CE, Ass., 4 avril 2014, département de Tarn-et-Garonne, n° 358994), un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles.

L’ouverture de cette nouvelle voie de contestation a eu pour corolaire la fermeture de la voie du recours pour excès de pouvoir à l’encontre des actes dits « détachables » du contrat. A partir de la conclusion du contrat, et dès lors qu’ils disposent du recours ci-dessus défini, les concurrents évincés ne sont plus recevables à demander l’annulation pour excès de pouvoir des actes préalables qui en sont détachables. L’objectif poursuivi pour les seuls candidats malheureux et étendu ensuite à tous les tiers lésés est de « déplacer l’intégralité du débat contentieux devant le juge du contrat […], de telle sorte qu’aucune autre voie contentieuse ne puisse prospérer une fois le contrat signé » (conclusions du rapporteur public Bertrand Dacosta sur l’arrêt département de Tarn-et-Garonne).

Si le travail d’uniformisation du contentieux contractuels semblait achevé en 2014, un doute subsistait pourtant quant à la contestation des actes portant approbation du contrat, actes administratifs qui présentent la particularité d’être « détachables » du contrat,sans être préalables à sa formation.

Pour certains contrats d’une particulière importance en effet, le pouvoir législatif ou réglementaire peut prévoir que leur entrée en vigueur est subordonnée à l’édiction d’un acte administratif unilatéral postérieur à leur signature. Il en va ainsi notamment des concessions autoroutières à péage pour lesquelles l’article L. 122-4 du Code de la voirie routière prévoit que la convention de délégation ainsi que le cahier des charges sont approuvés par décret en Conseil d’Etat.

Or, l’étude de la jurisprudence révèle au moins deux informations à propos des actes d’approbation du contrat. D’une part, ces actes ne sont pas de nature réglementaire (CE, 13 juin 1997, Société des transports pétroliers par pipe-line, n° 167907 et 168940).

D’autre part, l’annulation de ces actes n’est pas neutre pour le contrat dont le Juge est parfois tenu de constater la nullité (CE, 1er octobre 1993, Société « Le yacht-club international de Bormes-les-Mimosas, n° 54660).

Dès lors, la question de la voie à emprunter pour contester ces actes administratifs particuliers pouvait légitimement se poser. En effet, maintenir la possibilité d’annuler pour excès de pouvoir les actes d’approbation du contrat présente le risque de fragiliser ce dernier et ouvre en tout état de cause une brèche dans le processus de concentration du débat contentieux entre les mains du Juge du contrat.

C’est pourtant la solution retenue par le Conseil d’Etat dans la décision commentée, près de trois ans après que le rapporteur public Bertrand Dacosta a indiqué qu’il ne voyait pas d’inconvénient à ce que les actes d’approbation « puissent continuer de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir » (conclusions précitées).

L’état du droit est désormais fixé. Si les actes détachables préalables à la signature du contrat et expressément listés par le Conseil d’Etat dans sa décision d’Assemblée département de Tarn-et-Garonne (1) ne peuvent être contestés qu’à l’occasion d’un recours de plein contentieux, les actes portant approbation du contrat continuent de pouvoir être attaqués, et le cas échéant annulés, par la voie du REP, sans que la voie du recours de pleine juridiction ne leur soit symétriquement fermée.

La brèche est cependant de faible importance. En effet, la décision ne concerne que les actes portant approbation du contrat, rares en pratique, et le Juge a pris soin de circonscrire le nouveau recours. D’une part, les requérants, tiers au contrat, devront justifier d’intérêts« auxquels l’exécution du contrat est de nature à porter une atteinte directe et certaine ». D’autre part, ne pourront être soulevés à l’appui de ce recours « que des moyens tirés de vices propres à l’acte d’approbation, et non des moyens relatifs au contrat lui-même ».

Au cas présent, les requêtes des deux associations ont été rejetées comme irrecevables sans que le Juge n’ait eu à se prononcer sur le caractère opérant ou non des moyens invoqués.

  • CE, Ass., 4 avril 2014, département de Tarn-et-Garonne, n° 358994 : « la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer, ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini [recours de pleine juridiction] ».