le 07/06/2018

Sur la constitutionnalité du champ restrictif d’application de la procédure d’expropriation pour risques naturels majeurs

Conseil Constitutionnel, 6 avril 2018, n°2018-698 QPC

Par une décision du 6 avril 2018, le Conseil Constitutionnel a déclaré que l’article L. 561-1 du Code de l’environnement dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement est conforme à la Constitution.e

Il convient de rappeler que l’alinéa 1er de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement dispose que :

« Sans préjudice des dispositions prévues au 5° de l’article L. 2212-2 et à l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, lorsqu’un risque prévisible de mouvements de terrain, ou d’affaissements de terrain dus à une cavité souterraine ou à une marnière, d’avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine menace gravement des vies humaines, l’État peut déclarer d’utilité publique l’expropriation par lui-même, les communes ou leurs groupements, des biens exposés à ce risque, dans les conditions prévues par le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et sous réserve que les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que les indemnités d’expropriation ».

Par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, le législateur a souhaité étendre le champ d’application de la procédure d’expropriation pour risques naturels majeurs à la suite des dommages causés par la tempête Xynthia ayant fortement impacté les côtes charentaises et vendéennes dans la nuit du 27 au 28 février 2010.

En l’espèce, un syndicat des copropriétaires d’un immeuble situé en Gironde, face à la mer, a indiqué que son immeuble se situant initialement à 200 mètres du rivage se trouvait désormais à 10 mètres environ dudit rivage par l’effet de l’érosion dunaire.

Compte tenu de cette circonstance, il a demandé au Préfet d’être exproprié sur le fondement de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement en raison du risque d’effondrement de cet immeuble lié au  risque naturel que constitue le phénomène d’érosion dunaire (encore appelé « érosion côtière »).

Le Préfet a refusé de faire droit à cette demande.

Le syndicat des copropriétaires a donc déposé une question prioritaire de constitutionnalité en soutenant que les dispositions de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement méconnaissait, à son sens :

–          1°) Le principe d’égalité devant la loi dans la mesure où elles créeraient une différence de traitement injustifiée entre le propriétaire d’un bien situé sur un terrain exposé au risque d’érosion côtière et le propriétaire d’un bien menacé par l’un des risques mentionnés à l’article L. 561-1 du Code de l’environnement et, plus particulièrement, le risque de mouvements de terrain lié à une cavité souterraine ou à une marnière. En définitive, le syndicat des copropriétaires reproche au dispositif législatif prévu à l’article L. 561-1 du Code de l’environnement d’avoir un champ d’application trop restrictif.  

–          2°) Le droit de propriété dès lors que, faute de pouvoir bénéficier des dispositions précitées, le propriétaire d’un bien immobilier évacué par mesure de police en raison du risque d’érosion côtière se trouverait exproprié sans indemnisation.

Dans sa décision du 6 avril 2018, le Conseil Constitutionnel juge les dispositions de l’article L. 561-1, al. 1 du Code de l’environnement conformes à la Constitution.

1°) Sur le principe d’égalité devant la loi :

  • Le Conseil constitutionnel retient que, en droit, le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
  • Faisant application de cette règle de droit, le Conseil constitutionnel juge, en l’espèce, que :
  • Le législateur a créé cette procédure d’expropriation pour risque naturel aux fins de protéger les vie des personnes habitant dans les logements exposés à certains risques naturels. En ce sens, le législateur n’a pas entendu instituer un dispositif de solidarité pour tous les propriétaires d’un bien exposé à un risque naturel mais uniquement à permettre l’expropriation des biens exposés à certains risques naturels limitativement énumérés.
  • Le législateur peut étendre cette procédure à d’autres risques naturels mais peut donc également traiter différemment le propriétaire d’un bien exposé à un risque d’érosion côtière et celui exposé à l’un des risques visés à l’article L. 561-1, al.1 du Code de l’environnement, car ces personnes sont placées dans des situations différentes.

Ainsi, le principe d’égalité devant la loi n’a pas été méconnu par les dispositions de l’article L. 561-1, al. 1 du Code de l’environnement.

2°) Sur le droit de propriété :  

Le Conseil constitutionnel énonce que :

  • L’objet principal de la procédure d’expropriation est de priver le propriétaire de son bien. Ainsi, le refus d’engager une procédure d’expropriation à l’encontre d’une personne ne peut être regardé comme une atteinte au droit de propriété.
  • Si le maire dispose de la possibilité de prescrire l’exécution de mesures de sûreté dans le cadre de son pouvoir de police pour prévenir les accidents naturels, en ce compris l’érosion côtière, le Conseil constitutionnel n’est pas saisi des dispositions l’habilitant à agir sur ce fondement.

Ainsi, par sa décision, le Conseil constitutionnel énonce que les dispositions de l’article L. 561-1, al. 1 du Code de l’environnement sont conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit.