le 10/01/2018

Substitution de motifs et servitudes de surplomb

CAA de Bordeaux, 15 novembre 2017, n° 15BX02991

Mme C. avait envisagé de réaliser un lotissement sur sa propriété sise au lieu-dit « Mont Vert » sur le territoire de la commune du Robert et a demandé en conséquence à la société anonyme EDF Martinique (ci-après, « EDF ») de réaliser une étude de faisabilité de déplacement de la ligne électrique de 63 kilovolts qui surplombe sa propriété. Dans le prolongement de cette étude, Mme C. a sollicité l’enlèvement de la ligne électrique. EDF devait rejeter cette demande. Mme C. a alors introduit un recours en excès de pouvoir devant le Tribunal administratif de la Martinique contre cette décision de rejet. Le Tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision d’EDF aux motifs qu’EDF était dépourvue de titre l’autorisant à faire passer la ligne électrique en surplomb de la propriété de Mme C.  

EDF a donc interjeté appel de ce jugement.

Dans la décision du 15 novembre 2017 ici commentée, la Cour administrative d’appel de Bordeaux procède à une substitution de motifs sur le fondement de la décision dite « Hallal » du Conseil d’Etat du 6 février 2004 aux termes de laquelle « l’administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis l’auteur du recours à même de présenter ses observations sur ce nouveau motif, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif. Dans l’affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué »[1].

En effet, dans le cadre de son recours, EDF a fait valoir, pour la première fois devant la Cour administrative d’appel, qu’elle était titulaire d’une servitude l’autorisant à faire passer la ligne électrique en surplomb de la propriété de Mme C. dès lors que le préfet de la Martinique avait, par un arrêté, déclaré d’utilité publique la réalisation des travaux prévus au programme général d’électrification du département, puis, par deux arrêtés ultérieurs, approuvé le projet de construction d’une ligne haute tension 63 kilovolts « Fort-de-France/Lamentin/Robert/Trinité » ainsi que les servitudes qui en découlent.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a en conséquence jugé, d’une part, qu’EDF était en droit de procéder à une substitution de motifs de sa décision dès lors qu’elle répondait aux critères de la jurisprudence « Hallal » précité et, d’autre part, que dans ces conditions, la circonstance qu’EDF soit titulaire d’une servitude de surplomb de la propriété de Mme C. était de nature à justifier légalement le refus d’enlèvement de la ligne électrique.

En conséquence, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de la Martinique et rejeté le recours de Mme C.

[1] CE, 6 février 2004, Hallal, n° 240560.