le 21/06/2018

Responsabilité décennale – qualité pour agir après réception sans réserve de travaux effectués sur un monument historique

CAA Bordeaux, 9 mai 2018, n° 16BX00321

Cette affaire récente illustre parfaitement le principe selon lequel les bénéficiaires de l’action en garantie décennale sont, sauf exception, les propriétaires de l’ouvrage et en particulier le maître d’ouvrage (CE, 17 juin 1998, n° 149793).
Aux termes de l’article 9 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques : « Le ministre chargé des affaires culturelles peut toujours faire exécuter par les soins de son administration et aux frais de l’Etat, avec le concours éventuel des intéressés, les travaux de réparation ou d’entretien qui sont jugés indispensables à la conservation des monuments classés n’appartement pas à l’Etat. L’Etat peut, par voie de convention, confier le soin de faire exécuter ces travaux au propriétaire ou à l’affectataire ».
C’est sur ce fondement que, en l’espèce, des travaux de restauration extérieure d’une église classée monument historique, propriété de la commune de Saint-Quentin La Chabanne, ont été réalisés sous la maîtrise d’ouvrage déléguée de l’Etat en vertu d’une convention passée entre les deux parties.
A la suite de l’apparition de désordres affectant la toiture de l’église, l’Etat a recherché la responsabilité de différents intervenants sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs devant le tribunal administratif de Limoges, lequel a fait droit à sa demande.
En appel, la Cour a toutefois considéré que la demande présentée en première instance par l’Etat sur le fondement de la garantie décennale était en réalité irrecevable.
En effet, la juridiction a retenu que « si l’Etat, qui assume au nom et pour le compte de la commune, la direction et la responsabilité des travaux a qualité pour mettre en cause la responsabilité contractuelle des entrepreneurs et des architectes jusqu’à la réception définitive, la commune, propriétaire des ouvrages, a seule qualité, après cette réception, pour invoquer la garantie décennale qui pèse sur les constructeurs en application des principes dont s’inspirent les articles 1792 et suivants du code civil ».
Ainsi, si l’Etat pouvait engager, avant la réception des ouvrages, la responsabilité contractuelle des constructeurs, il lui était en revanche impossible de mettre en jeu leur responsabilité décennale à compter de la réception, laquelle avait mis fin à sa mission.
Il aurait pu en être différemment si la convention conclue entre la commune et l’Etat avait prévu une clause confiant à ce dernier le suivi décennal des ouvrages.
Faute pour la commune de pouvoir régulariser la demande en s’appropriant les conclusions de l’Etat pour la première fois en appel, la condamnation in solidum du maître d’œuvre et de la société titulaire du marché en cause est alors annulée.