le 22/11/2018

Référé suspension : exemples de moyens caractérisant l’urgence et faisant naître un doute sérieux sur la validité d’un marché public

CE, 10 octobre 2018, CIREST, req. n° 419406

Cette affaire fournit d’utiles illustrations de moyens conduisant le juge des référés à prononcer, sur le fondement de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative, la suspension de l’exécution d’un marché public dont la validité est contestée.

A l’origine, la Communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) et son Président, M. Virapoullé, ont saisi le Tribunal administratif de la Réunion d’un recours en contestation de la validité d’un marché de services de tri, traitement, stockage, enfouissement et valorisation des déchets non dangereux passé par le Syndicat mixte de traitement des déchets du Nord et de l’Est (SYDNE), dont la CIREST est membre et M. Virapoullé vice-président. Dans le même temps, ils ont présenté, devant le juge des référés de ce Tribunal, une demande de suspension de l’exécution de ce marché, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative. Par une ordonnance du 13 février 2018, le juge des référés a rejeté cette demande.

Saisi par la CIREST et M. Virapoullé d’un pourvoi, le Conseil d’Etat statue par une décision du 10 octobre 2018.

Tout d’abord, la Haute Juridiction considère que la condition de l’urgence est remplie dans la mesure où une atteinte grave et immédiate aux intérêts du SYDNE, dont peuvent se prévaloir les requérants, est caractérisée par les circonstances de l’espèce. Ces circonstances ont trait, d’une part, au risque que les finances du SYDNE soient affectées de façon substantielle et difficilement réversible par l’exécution du marché, eu égard à son montant (243 millions d’euros), à sa durée (quinze ans) et à l’ampleur des travaux prévus et, d’autre part, aux conséquences indemnitaires d’une annulation ou d’une résiliation du contrat par le juge du fond qui seraient d’autant plus graves pour les finances du SYDNE que les investissements liés à l’exécution du marché auraient déjà été réalisés. Par ailleurs, le Conseil d’Etat juge que la suspension du marché ne porterait pas une atteinte grave et immédiate à un intérêt public.

Ensuite, le Conseil d’Etat considère que les moyens développés par les requérants sont de nature à créer un doute sérieux sur la validité du contrat et à conduire à la cessation de son exécution ou à son annulation. En l’occurrence, les requérants soutenaient que le SYDNE avait méconnu les dispositions de l’article 30 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 en recourant à une procédure négociée sans publicité ni mise en concurrence au motif que la société Inovest était le seul opérateur en capacité de répondre à son besoin dans les délais impartis, alors qu’il existait une solution alternative ou de remplacement raisonnable et que l’absence de concurrence résultait d’une restriction artificielle des caractéristiques du marché.

Par ailleurs, un doute sérieux sur la validité du marché attaqué a pu être constaté eu égard à la circonstance qu’au terme du marché, le centre de tri qui devait être réalisé n’était pas destiné à faire retour à la collectivité, la durée du contrat, fixée à quinze ans, méconnaissait les dispositions de l’article 16-I du décret précité obligeant à tenir compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une remise en concurrence périodique.

Par suite, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance du Tribunal administratif et prononce la suspension de l’exécution du marché public attaqué.