le 06/12/2018

Projet de loi portant suppression de sur-transposition de directives européennes en droit français : les évolutions à attendre en droit de l’environnement

Projet de loi portant suppression de sur-transposition de directives européennes en droit français

Le Gouvernement a soumis au Sénat le 3 octobre dernier, un projet de loi visant à supprimer, dans la législation française, certaines dispositions qui, en transposant les directives communautaires, les ont rendues plus contraignantes. Il s’agit ici de réduire la production normative et de simplifier la vie administrative en supprimant les dispositions « qui ne correspondent à aucune priorité nationale identifiées et qui pèsent, de façon injustifiée, sur la compétitivité et l’attractivité de la France en Europe ».

Le texte concerne de multiples domaines : le droit des sociétés, le domaine financier, les transports ferroviaires, les communications électroniques, la culture et, domaine plus particulièrement examiné ici, le droit de l’environnement.

Il a d’abord été soumis au Conseil d’Etat qui a rendu un avis le 27 septembre 2018. On notera sur ce point que les propositions du Gouvernement visant à exempter d’évaluation environnementale les modifications mineures des plans et programmes qui n’ont pas d’incidence notable sur l’environnement en renvoyant à une liste qui devait être établie par décret ont été supprimées après que la Haute juridiction a considéré que les règles communautaires avaient fait l’objet d’une transposition fidèle en prévoyant déjà les hypothèses de recours à la procédure au cas par cas (article L. 122-4 Code de l’environnement).

Saisi en application de la procédure accélérée, le Sénat s’est prononcé sur une première version du texte, le 7 novembre dernier, en modifiant certaines propositions initiales du projet de loi notamment en ce qui concerne le droit de l’environnement.

Les mesures environnementales qui auraient vocation à évoluer avec le projet de loi concernent, d’une part, le droit des déchets (I) et, d’autre part, les mesures relatives aux espèces protégées ainsi que le domaine de l’eau (II).

I. Les évolutions en matière de déchets

A titre liminaire, on notera que le projet de loi soumis à l’avis du Conseil d’Etat prévoyait de modifier la définition du terme « réemploi », donnée à l’article L. 541-1-1 Code de l’environnement en élargissant cette notion à une technique de traitement.

Il ressort de l’avis du Conseil d’Etat que cette modification était notamment motivée par le fait que la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets, utilise la notion de « réemploi » à la fois en matière de prévention et de traitement des déchets alors que la législation française distingue d’une part, la notion de « réemploi » en la cantonnant à une technique de prévention des déchets et, d’autre part, la « préparation en vue de la réutilisation », en la cantonnant à une technique de traitement des déchets. La Haute juridiction, qui y voyait un risque de confusion justement évitée lors de la transposition de la directive par la loi Grenelle 2, a alors émis un avis défavorable à cette disposition.

Ceci précisé, on notera que la première mesure du projet de loi relative à la modification du droit des déchets concerne la liste, énoncée à l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement, qui exclut l’application du régime des déchets dans certains cas (sols pollués, effluents gazeux émis dans l’atmosphère, paille et autre matériau non dangereux issues de l’agriculture ou de la sylviculture et qui sont utilisées dans le cadre de l’exploitation agricole ou sylvicole, les matières radioactives soumises à un régime particulier…).

Le projet de loi propose d’intégrer à cette liste, et donc de soustraire au régime du droit des déchets :

  • d’une part les sous-produits animaux et les produits dérivés à l’exception de ceux qui sont destinés à l’incinération, à la mise en décharge ou à l’utilisation dans une usine de biogaz ou de compostage et les carcasses d’animaux morts autrement que par abattage, y compris les animaux mis à mort pour l’éradication d’une épizootie, et qui ont été éliminées conformément au règlement (CE) n° 1069/2009 ;
  • d’autre part, les explosifs déclassés placés sous la responsabilité du ministère de la défense qui n’ont pas fait l’objet d’opérations de démilitarisation dans des conditions prévues par décret.

On notera, s’agissant des sous-produits animaux et des produits dérivés que leur intégration dans la liste de l’article L. 541-4-1 Code de l’environnement a déjà été opérée, par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, à peu près dans les mêmes termes que l’article 14 du projet de loi : la loi du a inclus par ailleurs expressément les sous-produits dérivés transformés, contrairement au texte examiné ici, mais ne concerne toutefois pas les carcasses d’animaux morts, comme le prévoit le projet de loi. 

La seconde mesure relative au droit des déchets porte sur la procédure de sortie du statut de déchet. Dans le droit en vigueur, un déchet cesse d’être considéré comme tel après avoir été traité dans une installation classée pour l’environnement soumise à autorisation ou à déclaration ou dans une installation classée au titre de la nomenclature IOTA soumise à autorisation, à enregistrement ou à déclaration et avoir subi une opération de valorisation, notamment de recyclage ou de préparation en vue de la réutilisation.

Or, d’après les auteurs du projet de loi, l’obligation de traitement dans une ICPE ou une IOTA n’est pas prévue par la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets, de sorte qu’elle n’a plus à figurer dans la législation française. Le projet de loi initial, qui n’avait pas fait l’objet d’observation particulière de la part du Conseil d’Etat, proposait dès lors de supprimer purement et simplement les dispositions rendant ces traitements obligatoires. Le texte adopté par le Sénat le 7 novembre dernier revient en partie sur cette proposition en prévoyant simplement une dérogation à ce principe « pour certaines catégories de déchets non dangereux ».

II. Les évolutions en matière d’espèces protégées et de gestion de l’eau

S’agissant, d’une part, des modifications portant sur les espèces protégées, le projet de loi prévoit de modifier les règles de dérogation au principe posé à l’article L. 424-2 Code de l’environnement, d’interdiction de chasser en dehors des périodes d’ouverture de chasse.

L’article 16 du projet de loi propose dès lors l’insertion de nouvelles dispositions visant, en premier lieu à inscrire expressément dans la loi la condition selon laquelle les dérogations sont admises lorsqu’il « n’existe pas d’autre solution satisfaisante et à la condition du maintien dans un bon état de conservation des populations migratrices concernées ».

En second lieu, le projet de loi prévoit les hypothèses de dérogations, le Sénat ayant, sur ce point, complété le texte. Il est alors prévu d’autoriser les dérogations dans les cas suivants:

  • pour prévenir les dommages importants aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux ;
  • pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées et de manière sélective, la capture, la détention ou toute autre exploitation judicieuse de certains oiseaux en petites quantités ;
  • dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ;
  • dans l’intérêt de la sécurité aérienne ;
  • pour la protection de la flore et de la faune ;
  • pour des fins de recherche et d’enseignement, de repeuplement, de réintroduction ainsi que pour l’élevage se rapportant à ces actions. 

S’agissant, d’autre part, des dispositions relatives au droit de l’eau, elles ont pour objet de reporter les délais pour que soit atteint le bon état chimique des masses d’eau. Aujourd’hui ce délai est fixé au 22 décembre 2015 avec possibilité pour le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux de fixer des échéances plus lointaines, en les motivant, « sans que les reports ainsi opérés puissent excéder la période correspondant à deux mises à jour du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux ».

La proposition de loi propose de supprimer cet encadrement des reports en prévoyant que la possibilité de fixer des échéances plus lointaines soit conditionnée au fait que « l‘état de la masse d’eau concernée ne se détériore pas davantage » et que « les reports ainsi opérés ne peuvent excéder la période correspondant à deux mises à jour du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, sauf dans les cas où les conditions naturelles sont telles que les objectifs ne peuvent être réalisés dans ce délai ». 

Une dernière mesure doit encore être mentionnée, qui concerne la définition de la stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), prévue à l’article L. 219-1 Code de l’environnement. Le projet de loi propose d’exclure de cette stratégie l’espace aérien surjacent.

Le texte, dans sa version ici examiné a été transmis  pour examen à l’Assemblée Nationale le 8 novembre dernier.

Par Clémence Du Rostu