le 07/11/2019

Projet de loi anti-gaspillage pour une économie circulaire: les principales mesures adoptées par le Sénat

Le Sénat a adopté en première lecture, le 27 septembre 2019, le projet de loi relatif à lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire[1], de manière quasi unanime (342 voix pour et 1 voix contre). Les quatre jours de débats en séance publique ont permis aux sénateurs d’adopter 222 amendements.

Dans sa note de synthèse n° 002 sur le sujet[2], la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, en charge du texte, apparait très critique quant à la portée politique de cette loi. La Commission dénonce notamment un texte présenté par le gouvernement comme le symbole du tournant écologique du quinquennat, tandis qu’elle souligne que de nombreux sujets ne sont pas abordés par le texte (réduction des déchets à la source, lutte contre le suremballage) et que d’autres sont soustraits au débat parlementaire car renvoyés à des ordonnances (sanctions applicables dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs par exemple).

Le Sénat a ainsi amendé le texte original en insérant des objectifs chiffrés (1) et en introduisant ou modifiant des dispositions relatives à la responsabilité élargie des producteurs (2), au système de consigne (3), aux informations des consommateurs (4), à la destruction des invendus (5), à la réparation et la réutilisation (6) ainsi que diverses autres mesures relatives à la lutte contre les déchets (7).

 

  1. L’introduction d’objectifs chiffrés

Le Sénat a tenu à inscrire dans le texte de loi un certain nombre d’objectifs chiffrés concernant le recyclage ou la réduction des déchets.

Ainsi, alors que le texte proposé originellement par le Gouvernement prévoyait de tendre vers l’objectif de 100 % de plastique recyclé en 2025, il impose désormais d’atteindre cet objectif, rendant cette obligation plus contraignante.

D’autres objectifs ont en outre été introduits : la réduction de 50 % de mise sur le marché de plastique à usage unique en 2030 et la réduction de 50 % supplémentaires par rapport à cette date en 2040, ainsi que l’augmentation de l’objectif de réduction des déchets, avec une réduction de 15 % supplémentaires des déchets ménagers et assimilés par habitant en 2030 par rapport au niveau de 2020.

 

  1. La responsabilité élargie des producteurs

Le texte tel qu’amendé par le Sénat prévoit de renforcer le principe de la responsabilité élargie des producteurs (REP), qui impose aux producteurs, importateurs et distributeurs de produits générateurs de déchets dans un certain nombre de filières identifiées de contribuer à la prévention et à la gestion de ces déchets. Le Sénat a également introduit au nouvel article L. 541-10-1 du Code de l’environnement la liste des filières concernées.

Certaines filières se trouvent ainsi étendues, intégrant davantage de produits concernés au sein de ces filières (emballages, véhicules hors d’usage et produits chimiques ménagers) tandis que d’autres ont été intégrées. Le texte prévoit notamment de mettre en place la REP pour les cigarettes à filtre en plastique, les jouets, les articles de sport et de loisirs, les articles de bricolage et de jardin à compter du 1er janvier 2021, pour les produits et matériaux de construction à compter du 1er janvier 2022 et les textiles sanitaires, y compris les lingettes pré-imbibées pour usages corporels ou domestiques à compter du 1er janvier 2024.

Ces nouvelles filières doivent ainsi faciliter la collecte et le recyclage de ces déchets ainsi que la prise en charge des coûts de traitement par les fabricants.

Il faut par ailleurs noter que, concernant les déchets du bâtiment, le principe de la REP est assorti d’une faculté, pour les professionnels concernés, d’y déroger par un système équivalent sous la forme d’une convention tripartite entre l’Etat, les collectivités territoriales et les professionnels du bâtiment.

 

  1. Les systèmes de consignes

L’une des mesures phares portées par le Gouvernement consistait en la mise en place d’une consigne pour les bouteilles en plastique. Cette mesure a suscité de vifs débats et le refus des sénateurs qui ont dénoncé un « non-sens écologique », à savoir vouloir moins de plastique et promouvoir un système qui l’accroît en ne le recyclant pas. La note de synthèse fait état d’une double régression écologique par la pérennisation de la bouteille en plastique à usage unique et la « monétisation » du geste de tri, ainsi que d’une double peine pour le citoyen en tant que consommateur (augmentation du prix des bouteilles) et que contribuable local (financement d’un nouveau système de collecte)[3].

Le texte n’abandonne pour autant pas la mise en place de systèmes de consignes et prévoit de se recentrer sur les consignes pour le réemploi et la réutilisation (en opposition avec les consignes à but de recyclage uniquement). Dans ce cadre, le texte prévoit que le montant de la consigne ne peut faire l’objet de réfaction (c’est-à-dire que le prix de la consigne devra être répercuté à l’identique jusqu’au consommateur final), empêchant ainsi la pratique des offres promotionnelles, afin de protéger les petites enseignes. Il dispose également que le remboursement de la consigne se fera uniquement en numéraire et non pas en bons d’achats, pour ne pas rendre le consommateur captif de certaines enseignes.

Le projet prévoit en outre que les collectivités qui assurent la collecte de produits consignés se verront verser le montant correspondant à la consigne acquittée par les producteurs et organisateurs de la consigne et seront ainsi indemnisées pour l’organisation de cette collecte.

Enfin, la consigne devra faire l’objet d’un bilan environnemental global positif. Un décret en Conseil d’Etat devra préciser la méthode d’évaluation de ce bilan.

 

  1. L’information des consommateurs

Le projet de loi s’intéresse également à l’information des consommateurs. Certaines nouveautés ont ainsi fait leur apparition dans le texte. Parmi elles, la possibilité pour les producteurs et importateurs de produits générateurs de déchets de dématérialiser les informations relatives aux qualités environnementales des produits via la mise en place de QR codes, informations qui devaient précédemment figurer directement sur l’emballage du produit.

Ces informations devront notamment renseigner sur l’incorporation de matière recyclée dans les produits ainsi que sur la présence de substances dangereuses.

La définition des modalités pratiques est cependant renvoyée au gouvernement par voie de décret.

 

  1. Les sanctions relatives à la destruction des invendus

L’interdiction de la destruction des invendus alimentaires a débuté avec les lois Garot[4] et Egalim[5].

Le présent projet de loi prévoit une extension de cette interdiction à la destruction des invendus non alimentaires, avec une obligation de réemploi, de réutilisation ou de recyclage des invendus de produits neufs, à l’exception des produits non réutilisables pour des questions de santé ou de sécurité. Ces mesures sont notamment justifiées par la destruction de 630 millions d’euros de produits par an.

Le Sénat vient ainsi préciser les contrôles et les sanctions applicables en cas de non-respect de ces dispositions, à savoir une amende administrative de 3 000 euros au plus pour les personnes physiques et de 15 000 euros au plus pour les personnes morales, ce à quoi s’ajoute la publication de la décision aux frais de la personne condamnée.

Un amendement prévoit également un alourdissement des sanctions en cas de gaspillage alimentaire. L’amende forfaitaire passe ainsi de 3 750 euros à 10 000 euros pour la destruction d’invendus alimentaires.

 

  1. Réparation et réutilisation

Dans l’optique du développement de l’économie circulaire, le Sénat a prévu la mise en place d’un Fonds pour le réemploi solidaire, qui sera financé par une partie des contributions perçues par les éco‑organismes, cette partie étant fixée à un minimum de 5 % des contributions reçues.

Ce fonds est chargé de contribuer au développement de la prévention des déchets par le réemploi et la réutilisation exercés par des associations à caractère social.

Également dans cette optique de réparation et de réemploi, le projet de texte s’engage dans la lutte contre l’obsolescence programmée numérique. Il prévoit ainsi l’interdiction des pratiques qui visent à empêcher la réparation ou le reconditionnement d’équipements hors de circuits agréés par les fabricants et impose aux fabricants de téléphones mobiles et de tablettes tactiles de proposer à leurs clients des mises à jour correctives du système d’exploitation utilisé par leur appareil jusqu’à dix ans après leur mise sur le marché. Le texte encourage ainsi l’utilisation des appareils électroniques jusqu’à dix ans, contre deux ans actuellement.

 

  1. Autres mesures de lutte contre les déchets

Un ensemble de mesures complémentaires a également été retenu par le Sénat dans une optique de lutte contre les déchets, notamment plastiques, telles que l’interdiction au 1er janvier 2021 de la distribution gratuite de bouteilles en plastique dans les établissements recevant du public et à usage professionnel ou l’obligation de mettre à disposition de l’eau du robinet dans les établissements de restauration.

En termes de plan de prévention, le projet de loi prévoit également la mise en place par les pouvoirs publics d’une trajectoire pluriannuelle de réduction de la mise sur le marché d’emballages ou encore l’obligation pour les entreprises les plus gourmandes en emballages de réaliser des plans quinquennaux de prévention et d’écoconception.

Des mesures financières ont également été votées, notamment la mise en place d’un système de bonus-malus financier (via la modulation des éco-contributions), tenant compte de la quantité de matière utilisée dans un produit ou encore l’affectation d’une partie des contributions financières versées par les producteurs au financement d’un programme d’amélioration de la collecte séparée hors foyer.

Le texte a été transmis à l’Assemblée nationale le 30 septembre, où il est actuellement étudié en première lecture par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

[1] Projet de loi disponible via le lien suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl2274.asp

[2] Sénat, Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Note de synthèse n° 002 relative au projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire adopté en première lecture par le Sénat le 27 septembre 2019, https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/redaction_multimedia/2019/2019-Documents_pdf/20190701_V2_Eco_circulaire_10P_ApresSeance.pdf

[3] Sénat, Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Note de synthèse n° 002 relative au projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire adopté en première lecture par le Sénat le 27 septembre 2019, p. 3-4.

[4] Loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

[5] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

Par Solenne Daucé et Cécile Jauneau