le 20/04/2017

Premières décisions du Conseil d’Etat sur les « cars Macron »

Conseil d’Etat, Région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, 23 décembre 2016 n° 399081 et 399723 et 20 mars 2017, n° 401751

Il s’agissait de l’une des mesures phares de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi « Macron » : la libéralisation des activités de transport public régulier interurbain de voyageurs par autocar. Les premiers contentieux viennent d’être tranchés par le Conseil d’Etat.

Pour mémoire, depuis l’entrée en vigueur de ces dispositions, ces services de transports sont complètement libéralisés pour les liaisons supérieures à 100 kilomètres. Pour les liaisons inférieures ou égales à 100 kilomètres, l’opérateur économique souhaitant s’implanter doit déclarer son projet à l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). A l’occasion de la publication de la déclaration (qui est obligatoire), une autorité organisatrice des transports (AOT) peut alors interdire ou limiter le service envisagé, après avis conforme de l’ARAFER (l’Autorité doit se prononcer dans le délai de deux mois à compter de sa saisine), dès lors qu’il est porté «  une atteinte substantielle à l’équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d’être concurrencées ou à l’équilibre économique du contrat de service public de transport concerné » (article L. 3111-18 du Code des transports, alinéa 2), et, plus concrètement, à l’équilibre économique de la ou des ligne(s) de train(s) TER concurrencée(s).

Ainsi la libéralisation des services de transports réguliers interurbains de voyageurs par autocar assurant une liaison inférieure ou égale à 100 kilomètres est en réalité encadrée par un système de déclaration préalable, laquelle donne lieu, le cas échéant, à un projet d’interdiction ou de limitation par l’AOT à la suite d’un avis conforme (c’est-à-dire auquel l’AOT doit se soumettre), de l’ ARAFER. Ces avis sont contestables devant le Conseil d’Etat.

Saisi par la Région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (devenue Région Nouvelle-Aquitaine) d’avis défavorables de l’ARAFER s’agissant de projets d’interdiction ou de limitation de services libéralisés qu’elle entendait prendre, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rendre très récemment ses premières décisions en la matière.

Dans les trois affaires, le Conseil d’Etat rejette les prétentions de l’AOT régionale. Ces décisions ne présentent malheureusement qu’une analyse peu développée.

Néanmoins, on peut relever que la Haute juridiction retient que c’est à raison que l’ARAFER a analysé l’impact du service libéralisé au regard des « recettes commerciales du service de transport organisé par la région », d’une part, et du « montant de la compensation versée par la région au titre de ce service », d’autre part.

Par ailleurs, dans les trois cas, elle considère qu’ « au regard du montant des subventions publiques versées par la région », l’atteinte portée au service TER organisé par l’AOT n’est pas substantielle.

Ainsi, le Conseil d’Etat tient compte de la faiblesse des recettes commerciales par rapport aux subventions publiques régionales dans le financement des services conventionnés (services TER) pour considérer que l’atteinte auxdits services par les services librement organisés par autocar n’est pas substantielle.

Ce raisonnement semble pour le moins critiquable, puisque les subventions publiques participent précisément de l’équilibre économique des services de transports ferroviaires de voyageurs, qui sont par nature largement déficitaires, et qu’il n’est par ailleurs nullement précisé par les textes que l’impact du service libéralisé devrait s’apprécier au regard des seules recettes commerciales de la ligne impactée.

Enfin, on peut regretter que la Haute juridiction ne porte son analyse ni sur le périmètre pris en compte par l’ARAFER pour apprécier l’impact économique du service libéralisé sur le service conventionné, ni sur la méthodologie employée par l’Autorité pour apprécier la substituabilité entre ces deux services.

Mais ces moyens n’avaient peut-être pas été soulevés par la requérante. Il conviendra donc d’être particulièrement attentif aux prochaines décisions rendues par le Conseil d’Etat qui lui donneront, il faut l’espérer, l’occasion d’enrichir sa jurisprudence.