le 04/02/2021

Précisions sur le pouvoir d’appréciation des collectivités en matière de raccordement des propriétés au réseau public d’eau potable

CE, 26 janvier 2021, M. A. et Mme C, n° 431494

Conclusions du rapporteur public M. Laurent Cytermann

 

Par une décision n° 431494 du 26 janvier 2021, classée A, le Conseil d’Etat a précisé la portée du schéma de distribution d’eau potable ainsi que la marge d’appréciation des collectivités lorsqu’elles doivent se prononcer sur une demande de réalisation de travaux de raccordement d’une propriété au réseau public d’eau potable, selon que cette propriété est ou non située au sein d’une zone de desserte identifiée par ce schéma.

Dans cette affaire, les requérants, deux personnes privées, ont demandé au maire de la commune de Portes-en-Valdaine que celui-ci réalise des travaux de raccordement de leur propriété au réseau public d’eau potable, celle-ci étant située à l’extérieur du village. Le maire avait refusé de faire droit à leur demande.

Le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que, en application de l’article L. 2224-7-1 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents doivent arrêter un schéma de distribution d’eau potable identifiant les zones desservies par ce réseau. L’étendue de la marge d’appréciation des collectivités quant à la réalisation de travaux de raccordement dépendra selon que la propriété est située au sein de l’une de ces zones (1°) ou non (2°).

 

1°) Au sein de ces zones, le Conseil d’Etat énonce que les communes et EPCI « sont tenus, tant qu’ils n’en ont pas modifié les délimitations, de faire droit aux demandes de réalisation de travaux de raccordement, dans un délai raisonnable », le caractère raisonnable de ce délai devant être apprécié au regard du coût, de la difficulté et des modalités envisageables de financement des travaux, dès lors que la propriété en cause a fait l’objet d’une autorisation (permis de construire, d’aménager, de démolir, déclaration préalable) ou d’un agrément d’urbanisme (article L. 510-1 du Code de l’urbanisme).

Comme l’exposait le rapporteur public dans ses conclusions sur cette décision, « le raccordement est donc en principe obligatoire dans la zone de desserte. Ceci n’implique pas qu’il doive toujours être immédiat. Là encore, comme pour l’assainissement, la commune doit disposer d’un « délai raisonnable » pour les réaliser ». Le rapporteur public considère en outre que le point de départ du délai raisonnable est l’adoption du schéma de distribution d’eau potable et non la demande de raccordement au réseau ; dès l’adoption du schéma, la collectivité devrait en effet s’engager « dans une démarche active de planification et ne doit pas attendre que des demandes  lui parviennent pour la mettre en œuvre ».

 

2°) Le Conseil d’Etat précise également que, dans l’hypothèse où la propriété ne serait pas située au sein d’une zone de desserte identifiée par le schéma de distribution d’eau potable, « la collectivité apprécie la suite à donner aux demandes d’exécution de travaux de raccordement, dans le respect du principe d’égalité devant le service public, en fonction, notamment, de leur coût, de l’intérêt public et des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable ». Une marge d’appréciation plus importante est alors laissée à la collectivité, dont la décision sera soumise à un contrôle restreint du juge.

Dans le cas d’espèce de la décision du 26 janvier 2021, le Conseil d’Etat considère que la Cour administrative d’appel n’ayant pas recherché si la propriété des requérants était située dans une zone de desserte identifiée par le schéma de distribution de l’eau potable, celle-ci a entaché sa décision d’une erreur de droit.

Si le rapporteur public évoque la circonstance que le sens de cette décision du Conseil d’Etat pourrait avoir un effet dissuasif sur l’identification de zones de desserte au sein des schémas de distribution d’eau potable, il considère néanmoins qu’« il est probable que la question concerne surtout, comme en l’espèce, des habitations anciennement non raccordées ».