le 29/08/2018

Précisions sur l’appréciation des offres anormalement basse et la bonne information des candidats évincés

CE, 18 juillet 2018, Partenord Habitat, n° 417421

L’office public de l’habitat Partenord Habitat (ci-après, l’ « OPH ») avait engagé une procédure d’appel d’offres ouvert, portant sur plusieurs lots, pour la passation d’un accord cadre à bons de commande portant sur la réalisation de prestations de services relatives à l’entretien des réseaux et appareils d’eau, d’électricité et de chaleur. A l’issue de cette procédure de passation, l’OPH a notifié à la société Services Thermi Sanit (ci-après, la « Société STS »), candidate à l’attribution des lots 3 et 4 du marché, le rejet de son offre et l’a informée que ces lots avaient été attribués à la société Proxiserve. Par une ordonnance du 3 janvier 2018, le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Lille a, sur la demande de la Société STS, annulé la procédure de passation des lots 3 et 4 du marché litigieux au double motif, d’une part, que la notation du critère du prix par l’OPH n’avait pas pris en compte une partie des prestations et, d’autre part, que l’OPH aurait dû solliciter des explications à la société Proxiserve dont l’offre était susceptible d’être regardée comme anormalement basse. L’OPH a exercé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance et le Conseil d’État a statué le 18 juillet 2018 dans cette affaire.

En premier lieu, le Conseil d’État commence par relever que le premier motif de l’ordonnance attaquée, tiré de ce que le rapport d’analyse des offres de l’OPH révélait une absence de prise en compte, pour l’évaluation du sous-critère « remplacement », de prestations pourtant prévues par le règlement de consultation, avait été soulevé d’office par le juge des référés sans que les parties en aient été préalablement informées. L’OPH est donc fondé à soutenir que l’ordonnance est, dans cette mesure, entachée d’irrégularité.

En second lieu, le Conseil d’État rappelle que le juge administratif ne saurait uniquement se fonder sur le seul écart de prix existant entre les offres concurrentes à un marché pour juger que l’une d’entre elles est anormalement basse et qu’il lui appartient de rechercher si « le prix en cause [est] en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché ». En l’espèce, le Conseil d’État relève que le second motif de l’ordonnance attaquée, tiré de ce que les offres de la société Proxiserve étaient susceptibles d’être regardées comme anormalement basses, se fonde exclusivement sur l’écart de prix de certaines prestations avec le prix proposé par la Société STS. Il en conclut que l’OPH est fondé à soutenir que ce motif est entaché d’erreur de droit. 

Au regard de cette double irrégularité, le Conseil d’État annule l’ordonnance litigieuse et juge l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative.

Répondant au moyen de la Société STS selon lequel l’OPH aurait méconnu l’obligation de motiver le rejet des offres qui résulte de l’article 99 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, le Conseil d’État rappelle qu’il faut et qu’il suffit, pour satisfaire l’obligation de motiver le rejet des offres, que l’acheteur précise au candidat évincé les notes qui lui ont été attribuées pour chacun des critères de jugement de l’offre ainsi que son classement, et de lui indiquer les caractéristiques et les avantages de l’offre de la société attributaire. En l’espèce, le Conseil d’État relève que l’OPH a satisfait à ces exigences par trois courriers en date des 30 novembre et 15 décembre 2017. En conséquence il rejette le moyen soulevé.

Appréciant ensuite le moyen relatif au caractère anormalement bas de l’offre de l’attributaire, le Conseil d’État juge « qu’il ne résulte pas de l’instruction que le montant des offres de la société Proxiserve, au demeurant très proche de celui des offres de la société STS, ait été manifestement sous-évalué » et rejette donc également ce moyen.

Au regard de ce qui précède, le Conseil d’État conclut que la Société STS n’est pas fondée à demander l’annulation de la procédure engagée par l’OPH en vue de la passation du marché litigieux.