le 21/06/2018

Précisions sur la qualification des contrats de mobilier urbain

CE, 25 mai 2018, Commune de Saint-Thibault-des-Vignes, n° 416825

Dans une récente décision du 25 mai 2018, le Conseil d’État est venu préciser les critères de qualification des contrats de mobilier urbain.
En l’espèce, la commune de Saint-Thibaud-des-Vignes (ci-après, la « Commune ») avait publié en juin 2017 un avis d’appel public à la concurrence en vue de l’attribution d’un contrat qu’elle avait qualifié de « marché de mise à disposition de mobiliers urbains destinés à l’affichage de l’information municipale avec ou sans publicité ».
L’objet du contrat consistait en l’installation, l’exploitation et l’entretien de plusieurs mobiliers urbains appartenant à la commune, le titulaire étant en contrepartie autorisé « à exploiter, à titre gratuit, sans paiement de la redevance d’occupation du domaine public, l’ensemble des faces d’affichages à des fins commerciales et publicitaires, des abris voyageurs et des faces d’information comportant un plan de la ville ».
La société Girod Médias (ci-après, la « Société évincée »), société évincée à l’issue de la procédure précitée, a intenté un référé précontractuel à l’encontre de la procédure précitée devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun. La Société évincée faisait notamment valoir que la Commune n’avait prévu aucun critère prix dans les critères d’attribution du contrat en violation de l’article L.62 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
Le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a adopté un raisonnement similaire à la Société évincée. Il a commencé par qualifier le marché en cause de marché public au motif que « le contrat, en conférant à la société attributaire un monopole sur l’exploitation à des fins publicitaires du mobilier urbain installé par ses soins, ne comporte aucun risque réel d’exploitation. Dans ces conditions, la part de risque transféré au cocontractant n’impliquant pas une réelle exposition aux aléas du marché, celui-ci ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l’exploitation du service ». Partant le juge des référés a jugé que la Commune aurait dû prévoir un critère prix pour attribuer ledit marché, conformément aux dispositions de l’article L.62, et a annulé la procédure de passation du marché.
Saisi d’un pourvoi en cassation à l’encontre de l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Melun, le Conseil d’État commence par relever que pour juger que le contrat litigieux « était un marché public et non une concession de service, [le juge des référés] s’est borné à constater qu’il confiait à titre exclusif l’exploitation des mobiliers à des fins publicitaires à son attributaire, pour en déduire qu’aucun risque n’était transféré à ce dernier ; qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la société attributaire du contrat assumait un risque réel d’exploitation, il a commis une erreur de droit ».
Après avoir annulé l’ordonnance attaquée en raison de cette erreur de droit, le Conseil d’État envisage la qualification juridique du contrat en cause. En premier lieu, le Conseil d’État relève que le contrat ne prévoit par le versement d’un prix par la Commune. En second lieu, il constate que le titulaire du contrat « est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d’espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu’aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter ». Le Conseil d’État en déduit que l’attributaire se voit transférer un risque lié à l’exploitation des ouvrages à installer et que le contrat constitue donc un contrat de concession et non un marché public.
Il s’ensuit de cette qualification que la Société évincée ne pouvait pas utilement soulever des manquements au décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics dès lors que celui-ci n’est pas applicable à la passation des contrats de concession.
Le Conseil d’État écarte également le moyen au terme duquel la Société évincée reprochait à la Commune de ne pas avoir respecter les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la passation des délégations de service public dès lors que la concession de services en cause ne confiait pas à son attributaire la gestion d’un service public.
Au regard de ce qui précède, le Conseil d’État rejette les prétentions de la Société évincée.
Par cette décision précise la qualification des contrats de mobilier urbain et plus largement la distinction entre les marchés publics et les concessions. Ainsi que le rappelle le rapporteur public dans cette affaire « ce qui distingue le contrat de concession du marché public, qui tendent tous deux à procurer à la personne publique la satisfaction de l’un de ses besoins, est la nature de la contrepartie de la prestation dont bénéficie la personne publique. Il s’agit dans les deux cas d’une contrepartie de nature économique, ce qui confère à ces deux contrats un caractère onéreux. Mais, alors que la contrepartie due au titulaire d’un marché est un prix versé par la personne publique, le concessionnaire se voit attribuer un droit d’exploiter dont le produit assurera au moins en partie sa rémunération. Au moins en partie car, ainsi que cela ressort de la définition que nous venons de lire, l’attribution de ce droit peut être assortie d’un prix ».
En conséquence, il convient d’apprécier, pour chaque contrat de mobilier urbain si un risque d’exploitation est transféré au titulaire du contrat pour en déduire la qualification de concession de services. Au regard de la décision du 25 mai 2018, c’est le cas lorsque le titulaire du contrat se rémunère sur les recettes publicitaires tirées de la vente d’espaces à des annonceurs publicitaires et qu’aucune stipulation ne prévoit le versement d’un prix à son titulaire éliminant tout risque réel d’exploitation et qu’aucune stipulation ne prévoit la prise en charge, totale ou partielle, par le pouvoir adjudicateur des pertes qui pourraient résulter de l’exploitation commerciale du mobilier urbain.