le 20/04/2020

Précisions sur la notion d’« extension de l’urbanisation » au sens de la loi littoral

CE, 3 avril 2020, n° 419139

Par sa décision en date du 3 avril 2020, le Conseil d’Etat a jugé que le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme.  

Dans cette affaire, plusieurs permis de construire avaient été accordés par le maire de la commune de l’Ile-de-Batz, dont l’un portait sur l’extension d’une maison d’habitation.  

M. F, propriétaire de terrains non constructibles situés à proximité des terrains d’assiette des projets litigieux, avait contesté ces arrêtés devant le tribunal administratif de Rennes, puis devant la cour administrative d’appel de Nantes. Le Conseil d’Etat, saisi une première fois, avait annulé les arrêts rendus par cette dernière. Sur renvoi, la Cour avait rejeté les demandes de M. F pour défaut d’intérêt à agir. C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat a été saisi à nouveau de l’affaire.

Sur la question de la recevabilité des requêtes, le Conseil d’Etat rappelle d’abord que « le propriétaire d’un terrain non construit est recevable, quand bien même il ne l’occuperait ni ne l’exploiterait, à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager si, au vu des éléments versés au dossier, il apparait que la construction projetée est, eu égard à ses caractéristiques et à la configuration des lieux en cause, de nature à affecter directement les conditions de jouissance de son bien ». 

Appliquant ce principe au cas d’espèce, il considère les requêtes recevables dans la mesure où le requérant ne se contentait pas d’invoquer « de façon générale la qualité environnementale du site » mais se prévalait de ce que les constructions autorisées étaient de nature à porter atteinte aux conditions de jouissance du bien du requérant « en ce qu’elles altéraient la qualité d’un site aux caractéristiques particulières, essentiellement naturel et identifié comme un espace remarquable, à l’intérieur duquel se trouvaient leurs terrains d’assiette et ses propres terrain ». Le Conseil d’Etat annule par conséquent les arrêts attaqués qui avaient rejeté les requêtes du requérant pour défaut d’intérêt à agir.  

Le Conseil d’Etat règle ensuite l’affaire au fond et tranche notamment la question de savoir si l’extension d’une construction constitue une « extension de l’urbanisation » au sens de l’article L. 146-4 I du Code de l’urbanisme (repris désormais à l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme). 

En effet, aux termes de ces dispositions, « l’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants […]». 

Or, comme le souligne dans ses conclusions, Monsieur Stéphane Hoynck, Rapporteur public dans cette affaire, ce point n’était, jusqu’alors, « pas expressément tranché » par la jurisprudence.  

Le terrain d’assiette du projet était en effet situé dans une zone d’urbanisation diffuse, et la question se posait donc de savoir si l’extension de la maison d’habitation autorisée par l’un des permis de construire était soumise au principe de continuité posé par l’article L. 146-4 I. précité.  

Sur ce point, le Conseil d’Etat considère que si, en adoptant les dispositions de l’article L. 146-4 I. du Code de l’urbanisme, « le législateur a entendu interdire en principe toute opération de construction isolée dans les communes du littoral, le simple agrandissement d’une construction existante ne peut être regardé comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions ».   

Il en résulte que la simple extension d’une construction – dans la mesure où elle ne constitue pas, en tant que telle, une extension de l’urbanisation – ne relève pas du principe de continuité posé par les dispositions précitées.