le 27/08/2020

Précisions du Conseil d’Etat sur les principes régissant la mobilité des fonctionnaires

CE, 29 juillet 2020, n° 437891

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 29 juillet 2020 mentionné aux tables du recueil Lebon, a rappelé plusieurs principes de droit en matière de mobilité des fonctionnaires, à l’occasion de l’étude de la légalité d’une note de service relative à un mouvement de mobilité collectif organisé au sein du ministère de l’agriculture.  

Deux questions ont en particulier été étudiées à l’occasion de ce recours.  

La première question était celle de la nécessité d’une saisine du comité technique avant l’adoption de la note de service. Malgré le fait qu’elle énonçait les règles de mouvement des fonctionnaires au sein du ministère, en définissant ses principes cadres, le Conseil d’Etat a considéré que son adoption n’avait pas à être précédée d’une consultation du comité technique. Celui-ci, pour rappel, est compétent, pour connaitre des questions « relatives à l’organisation et au fonctionnement des services, des questions relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences, des projets de statuts particuliers ainsi qu’aux questions énoncées à l’article 34 du décret n° 2011-184 du 15 février 2011 relatif aux comités techniques dans les administrations et les établissements publics de l’Etat[1]. Or, aucun de ces champs de compétences n’a été considéré comme intégrant la question des mouvements de personnel.  

Pour quelques temps encore en effet, les commissions administratives paritaires connaissent, à titre individuel, de chaque décision de mutation. Il en ira en revanche différemment lorsque seront créés les comités sociaux d’administration, qui se substitueront aux comités techniques au prochain renouvellement des instances paritaires. A cette date, l’examen des décisions individuelles par les CAP se verra substituer un examen, par les comités sociaux, des « lignes directrices de gestion en matière de mobilité et de promotion et valorisation des parcours professionnels »[2], et il fait peu de doute, à notre sens, que les note de service telles que celle en litige dans l’arrêt étudié entrera bien dans ce champ de compétence. La décision, sur ce point, n’a donc pas un grand avenir jurisprudentiel devant elle. 

Il en va différemment de la seconde question, qui relevait cette fois du fond de la note de service. Le syndicat requérant avait en effet relevé qu’un certain nombre d’emplois permanents, occupés par des agents contractuels employés dans le cadre de contrats à durée indéterminée n’avaient pas été intégrés au mouvement général de mobilité, et contestait ainsi la note de service sur ce point. 

Le Conseil d’Etat a écarté ce moyen : il est vrai que l’administration reste tenue de publier la vacance de tout emploi, et qu’un emploi occupé par un agent contractuel, même en CDI, reste considéré comme vacant puisque, comme l’a rappelé le syndicat requérant, le licenciement de l’agent peut être justifié par la nomination d’un fonctionnaire sur cet emploi[3].  

Toutefois le Conseil d’Etat a rappelé sa jurisprudence, selon laquelle la publication de vacance, et l’ouverture à la mutation sur cet emploi, n’est pas systématique et ne s’impose que lorsque l’administration décide de pourvoir l’emploi, ce qu’elle peut très bien s’abstenir de faire si l’intérêt du service le justifie[4].   

Et, partant de ce principe, il juge que l’administration peut justement écarter de la campagne de mobilité les emplois pourvus par un agent contractuel, dès lors, notamment que le licenciement de tels agents, dans une telle hypothèse, ne peut être prononcé qu’à condition que le reclassement soit impossible. Autrement dit, le Conseil d’Etat semble considérer que la seule circonstance que l’intégration des emplois pourvu par contrat dans la campagne de mobilité, contraindrait l’administration à devoir procéder à une série de reclassement, constitue un intérêt du service de nature à justifier que l’administration ne les ouvre pas à la mobilité. 

La décision est intéressante sur ce point : elle constitue sans conteste une nouvelle atténuation du principe posé par l’article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, selon lequel les emplois publics sont pourvus par des fonctionnaires : concrètement, l’administration semble désormais pouvoir systématiquement exclure les emplois occupés par des agents contractuels du champ de ceux auquel les fonctionnaires sont susceptibles de candidater. 

Cette jurisprudence, cohérente avec les nouvelles orientations définies pour la fonction publiques par la loi de transformation de la fonction publique, qui tend à favoriser l’emploi contractuels, ne manquera pas de nourrir d’houleux débats dans les futurs comités sociaux d’administration. 

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[1] « 1° A l’organisation et au fonctionnement des administrations, établissements ou services ; 2° A la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences ; 3° Aux règles statutaires et aux règles relatives à l’échelonnement indiciaire ; 4° Aux évolutions technologiques et de méthodes de travail des administrations, établissements ou services et à leur incidence sur les personnels ; 5° Aux grandes orientations en matière de politique indemnitaire et de critères de répartition y afférents ; 6° A la formation et au développement des compétences et qualifications professionnelles ; 7° A l’insertion professionnelle ; 8° A l’égalité professionnelle, la parité et à la lutte contre toutes les discriminations ; 9° A l’hygiène, à la sécurité et aux conditions de travail, lorsqu’aucun comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail n’est placé auprès d’eux ». 

[2] Cf. nouvel article 15, issu de l’article de 4 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique 

[3] Cf. 3° de l’article 45-3 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’Etat pris pour l’application des articles 7 et 7 bis de la loi du 11 janvier 1984 

[4] CE, 20 juin 2016, Synd. nat. CGT des Chancelleries et services judiciaires, n° 389730