le 19/12/2019

Précision du Conseil d’Etat sur l’application du droit au déréférencement

CE, 6 décembre 2019, n° 391000

Le 6 décembre 2019, le Conseil d’Etat a rendu 13 arrêts relatifs à l’application du droit au déréférencement sur un moteur de recherche. Ces arrêts interviennent à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne C-136/17 rendu le 24 septembre 2019 (voir notre précédente brève de novembre 2019 sur cet arrêt).

Dans une démarche pédagogique, le Conseil d’Etat accompagne la publication de ces décisions d’une fiche juridique précisant la portée de ces arrêts. Le Conseil d’Etat rappelle que le droit au déréférencement peut être obtenu par toute personne auprès de l’exploitant du moteur de recherche. En cas de refus de faire droit à cette demande, l’intéressé peut saisir soit le juge judiciaire, soit la CNIL. Si la CNIL refuse de faire droit à la demande de la personne concernée, cette dernière peut contester ce refus devant le Conseil d’Etat. Le juge administratif se prononcera alors en fonction des circonstances de droit et de fait applicables à la date à laquelle il statue.

Dans ces décisions du 6 décembre 2019, le Conseil d’Etat expose la grille d’analyse que la CNIL doit suivre pour faire droit ou non à la demande de déférencement. En particulier, le Conseil d’Etat distingue trois cas de figure selon la nature des données personnelles dont il est question.

 

  1. Dans le cas où le lien litigieux mène vers des données personnelles non sensibles

Le Conseil d’Etat considère que la CNIL peut refuser de faire droit à une demande de déréférencement lorsqu’il existe un intérêt prépondérant du public à accéder à l’information dont il est question. En conséquence, la CNIL doit mettre en balance trois paramètres principaux selon :

  • Les caractéristiques des données personnelles en cause, c’est-à-dire la nature des données en cause, leur contenu, leur caractère plus ou moins objectif, leur exactitude, leur source, les conditions et la date de leur mise en ligne et les répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée ;
  • Le rôle social du demandeur en tenant compte de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société ;
  • Les conditions d’accès de l’information en cause en prenant en compte la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée ainsi que le rôle qu’a, le cas échéant, joué cette dernière dans la publicité conférée aux données la concernant.

 

  1. Dans le cas où le lien litigieux mène vers des données personnelles sensibles

Le Conseil d’Etat considère que l’ingérence dans la vie privée des personnes est particulièrement grave. En conséquence, la CNIL doit apprécier de façon plus exigeante les paramètres liés aux caractéristiques des données personnelles en cause, au rôle social du demandeur et aux conditions d’accès de l’information.

En effet, le Conseil d’Etat considère que, dans ce cas de figure, l’accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de cette personne doit être strictement nécessaire à l’information du public.

En outre, le Conseil d’Etat estime que si les données sensibles ont été rendues publiques par la personne concernée, alors la CNIL doit analyser la demande comme si les données en question n’étaient pas sensibles.

 

  1. Dans le cas où le lien litigieux mène vers des données relatives à une procédure pénale

Dans cette hypothèse, le Conseil d’Etat reprend la grille d’analyse applicable aux données sensibles mais ajoute une obligation d’actualisation de la liste des résultats à la charge de l’exploitant du moteur de recherche.

En effet, le Conseil d’Etat estime que bien que le référencement de données relatives à une procédure pénale non actualisée soit légal, l’exploitant du moteur de recherche doit aménager la liste des résultats de telle sorte que celle-ci fasse d’abord apparaitre au moins un lien menant vers une page web comportant des informations à jour, afin que l’image en résultant soit fidèle à la situation judiciaire actuelle de l’intéressé.