le 15/02/2018

Port de signes religieux par les infirmières

CE, 28 juillet 2017, n° 390740 Boutaleb et a

Le Conseil d’Etat a rendu, le 28 juillet 2017, un arrêt précisant les droits au port de signes religieux par les élèves infirmiers (CE, 28 juillet 2017 n° 390740 Boutaleb et a.).
Jusqu’alors, un arrêté ministériel imposait que le règlement des instituts de formation paramédicaux, interdise de porter des signes et tenues manifestant ostensiblement l’appartenance à une religion non seulement dans l’enceinte de l’établissement public d’enseignement supérieur, mais également au cours de toutes les activités se déroulant sous sa responsabilité ou celle de ses enseignants, y compris lorsqu’elles se déroulent dans d’autre lieux d’enseignement, et, enfin, dans les établissements de santé où les élèves apprennent la pratique de leur profession.
Deux élèves infirmières qui avaient fait l’objet de mesures disciplinaires, pour avoir méconnu ces dispositions, avait obtenu l’annulation de ces sanctions devant la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris 6 déc.2016 n°15PA03527), puis avaient, avec une association, demandée aux ministres compétents d’abroger ces dispositions. Sans réponse de leur part, elles avaient saisi le Conseil d’Etat.
Ce dernier, considérant que les instituts de formation, établissements d’enseignement supérieur, n’étaient pas concernés par la loi du 15 mars 2004, a estimé qu’en tant qu’usagers, les infirmières avaient droit au port de signes religieux dans l’établissement de formation, dès lors que ces signes ne portent pas atteinte ni au bon fonctionnement du service, ni à la liberté d’autrui.
Toutefois, le Conseil d’Etat nuance fortement son propos, dans le cas où une partie de la formation (académique par exemple) serait suivie dans un lycée public. Ici, la loi du 15 mars 2004 interdisant à tous les élèves et même ceux qui sont considérés comme des étudiants, le port de ces signes, les élèves infirmiers devraient se plier à ces dernières dispositions.
Le Conseil d’Etat a également précisé le cas où l’élève infirmier est en stage dans un établissement de santé. La question est différente ici. Exerçant leur futur métier lors des stages, ils ne sont pas des étudiants. Ils sont des agents du service public s’ils exercent dans des établissements chargés d’une mission de service public. Les stagiaires exerçant dans des établissements privés non chargés d’une mission de service public sont des salariés.
Dans le premier cas, le stagiaire est soumis à une obligation de stricte neutralité. Dans le second cas, le stagiaire est soumis au règlement intérieur de l’établissement qui doit lui-même être conforme aux dispositions du Code du travail. La liberté de porter de signes religieux ne peut être limitée que si le règlement intérieur de l’établissement le prévoit et si la restriction est justifiée par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et si elle est proportionnée au but poursuivi (Code du travail art. L. 1321-2-1).
Le Conseil d’Etat a conclu « qu’en interdisant aux élèves des instituts de formations paramédicaux […] de manifester leurs convictions religieuses sans distinguer entre les situations dans lesquelles les élèves sont susceptibles de se trouver en tant qu’usagers du service public ou en tant que stagiaires dans un établissement de santé chargé d’une mission de service public, le ministre a édicté une interdiction qui, par son caractère général, est entachée d’illégalité ».
Il a enjoint à la ministre en charge de la santé d’abroger ces dispositions ou de les modifier conformément aux motifs de la présente décision.