le 03/04/2017

Obligation d’achat de l’énergie photovoltaïque : l’un des critères d’identification d’une aide d’Etat est rempli

CJUE, Ordonnance n° C-515/16 du 15 mars 2017, Enedis SA c/ Axa Corporate Solutions SA et Ombrière Le Bosc SAS

Saisie dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après, CJUE) a considéré, après avoir reformulé et restreint le champ de la question posée, que le dispositif français d’obligation d’achat d’énergie issue d’installations photovoltaïques remplissait l’un des critères d’identification d’une aide d’Etat.

On rappellera que le Tribunal de commerce de Nanterre avait été saisi d’un litige ayant trait à l’engagement de la responsabilité d’ENEDIS du fait du retard pris par cette dernière dans l’instruction de sa demande de raccordement au réseau de distribution électrique d’une installation de production utilisant l’énergie photovoltaïque.

La société Ombrière Le Bosc avait adressé, le 1er avril 2009, à ERDF une demande en vue du raccordement d’une centrale de production d’électricité d’origine photovoltaïque au réseau de distribution électrique. Par lettre du 3 avril 2009, ERDF avait indiqué que la demande était complète et qu’une proposition technique et financière serait adressée au plus tard le 1erjuillet 2009, de sorte que la société Ombrière Le Bosc aurait dû être soumise aux dispositions de l’arrêté du 10 juillet 2006 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 (JORF n° 171 du 26 juillet 2006, p. 11133, ci-après l’« arrêté ministériel du 10 juillet 2006 »). Or, cette proposition n’a finalement été communiquée que le 22 janvier 2010, postérieurement à l’abrogation de l’arrêté précité du 10 juillet 2006 par l’arrêté du 12 janvier 2010 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 (JORF n° 11 du 14 janvier 2010, p. 727). De nouveaux tarifs, inférieurs aux précédents, ont été fixés par ce décret du 12 janvier 2010.

La société a alors assigné ERDF devant le Tribunal de commerce, lequel a fait droit à sa demande en condamnant ERDF à payer, à titre de dommages et intérêts, pour chaque kilowattheure acheté par EDF, une somme égale à 80 % de la différence entre, d’une part, le prix calculé en application des stipulations du contrat d’achat finalement conclu et, d’autre part, le prix calculé selon les dispositions de l’arrêté ministériel du 10 juillet 2006, telles qu’elles auraient été appliquées à la société si la proposition de raccordement avait été formulée plus tôt. Un appel a été interjeté devant la Cour d’appel de Versailles dans le cadre duquel l’assureur d’ERDF soutient que le mécanisme de rachat prévu par le droit français constitue une aide d’Etat n’ayant pas été au préalable notifiée à la Commission européenne. C’est l’appréciation de cette question qui a été renvoyée à la CJUE.

Celle-ci, dans son ordonnance du 15 mars 2017 relève toutefois que par la formulation retenue, la Cour d’appel de Versailles doit être regardée comme s’interrogeant uniquement sur le point de savoir si l’un des quatre critères d’identification d’une aide d’Etat est rempli, à savoir le critère relatif à l’existence d’une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources étatiques.

La CUJE limite, en conséquence, la réponse apportée et répond par l’affirmative en considérant que le mécanisme institué « par la réglementation nationale en cause au principal, d’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative solaire à un prix supérieur à celui du marché et dont le financement est supporté par les consommateurs finals d’électricité doit être considéré comme une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État » (point 23).

La CJUE précise néanmoins immédiatement qu’il appartiendra à la Cour d’appel de Versailles d’apprécier si les trois autres conditions constitutives d’une aide d’Etat sont remplies afin en l’espèce « de tirer toutes les conséquences de cette illégalité, notamment en ce qui concerne la validité des actes d’exécution de cette mesure. ». Or, on rappellera que le Conseil d’Etat a d’ores et déjà jugé que l’obligation d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur à sa valeur de marché, mécanisme similaire à celui portant sur le photovoltaïque, constituait une aide d’Etat illicite dès lors qu’elle n’avait pas été précédée d’une notification à la Commission Européenne (CE, 28 mai 2014, Association Vent de Colère !, n° 324852)

On précisera également que les dispositions concernées devraient exclusivement être celles issues des deux décrets précités des 10 juillet 2006 et 12 janvier 2010. En effet, par la suite, le décret du 9 décembre 2010 (D. n° 2010-1510, 9 déc. 2010 : JO 10 déc. 2010, p. 21598) est venu suspendre, pour une durée de trois mois, l’obligation faite à EDF et aux entreprises locales de distribution d’acheter l’électricité produite par les installations photovoltaïques. Enfin, par un nouvel arrêté du 4 mars 2011 (fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil telles que visées au 3° de l’article 2 du décret n° 2000-1196 du 6 décembre 2000 ; NOR: DEVR1106450A ) l’Etat a profondément redéfini son cadre de régulation, en diminuant substantiellement le niveau tarifaire.