le 18/10/2017

Une nouvelle obligation relative à la mise en demeure préalable a l’abandon de poste

CAA MARSEILLE, 6 juin 2017, Commune de Calvi, n°15MA02573

Les règles encadrant l’abandon de poste sont simples, mais le Juge administratif veille à leur respect avec une particulière rigueur pour l’employeur, et une grande bienveillance pour l’agent public, le tout légitimement motivé par le caractère drastique de la conséquence de l’acte : la perte pour le fonctionnaire de son emploi, de son statut, et sans indemnisation chômage encore, le caractère volontaire de la perte d’emploi faisant défaut.
Pour mémoire, dès lors qu’une absence sans justificatif de l’agent est constatée, son employeur est en droit de lui adresser par courrier recommandé une mise en demeure comportant certaines mentions précises outre un délai pour reprendre son poste. A défaut de retour de l’agent dans le délai prescrit, ou de toute explication justifiant son absence, l’employeur est alors en droit de constater la rupture du lien et de le radier des cadres.
C’est ainsi que dans un arrêt de principe (10 octobre 2007, Centre Hospitalier André Grégoire) le Conseil d’Etat a considéré que :
« lorsque l’agent ne s’est ni présenté ni n’a fait connaître à l’administration aucune intention avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l’absence de toute justification d’ordre matériel ou médical, présentée par l’agent, de nature à expliquer le retard qu’il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé »
La procédure menant à la radiation des cadres de l’agent repose donc sur un seul acte : la mise en demeure. C’est à cette dernière qu’il convient d’apporter tout le soin lui permettant de produire un effet utile.
En l’espèce, après avoir vu revenir deux mises en demeure comme n’ayant pas été délivrées à la bonne adresse, pourtant la seule officiellement déclarée par l’agent, le Ministre a reconnu devant le Juge que l’agent l’avait informé verbalement de sa nouvelle adresse, raison pour laquelle il avait pu lui notifier régulièrement l’arrêté de radiation des cadres.
Hélas, c’est pour avoir méconnu cette information pourtant verbale, et donc non conforme aux prescriptions de l’article 24 du décret n°95-654 du 9 mai 1995 relatif aux fonctionnaires actifs des services de police, que la radiation de l’agent a été finalement annulée comme étant entachée d’un vice de procédure.
La Cour administrative d’appel puis le Conseil d’Etat ont en effet considéré qu’une fois que l’administration disposait de la « bonne » adresse, elle devait reprendre la procédure ab initio et adresser une mise en demeure à l’agent au lieu de lui notifier l’arrêté de radiation.

C’est là encore un renforcement des garanties visant à préserver l’agent d’une radiation trop rapide des cadres.
En effet, jusqu’à présent la jurisprudence était davantage orientée sur les obligations des agents : il avait été jugé qu’il revenait à l’agent d’une part d’informer son employeur de sa nouvelle adresse, (Conseil d’Etat, 1er octobre 1986 n°57325), et d’autre part de faire le nécessaire auprès des services postaux pour faire suivre son courrier en cas de changement d’adresse (Conseil d’Etat, 24 octobre 2005 n°240646), à défaut de quoi il ne pouvait pas critiquer utilement le fait de ne pas avoir reçu la mise en demeure.
Dans l’arrêt ici brièvement commenté, il revenait à l’administration, afin que l’agent soit pleinement informé des conséquences de son absence de prise de poste, de lui adresser une nouvelle mise en demeure à cette adresse dont elle savait qu’il y résidait.
On pourrait presque imaginer que cette solution repose sur le devoir de loyauté qu’a l’administration envers ses agents tel qu’exposé dans une décision récente (cf. Conseil d’Etat, 12 juillet 2014, Ganem), mais cela ne ressort malheureusement pas de l’arrêt. On peut le regretter, car cela aurait pu permettre de justifier le refus de prise en compte du décret de 1995.