le 15/11/2016

Non-conformité à la Constitution de la procédure de rattachement d’une commune nouvelle à un établissement public de coopération intercommunale

Cons. const. 21 octobre 2016, Communauté de communes des sources du lac d’Annecy et autre, n° 2016-58 QPC

Saisi par le Conseil d’Etat (CE, 20 juillet 2016, Communauté de communes des sources du lac d’Annecy et autre, n° 399801 et 400367) d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur le II de l’article L. 2113-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions non conformes à la Constitution dans une décision du 21 octobre dernier.

En application du texte examiné, lorsqu’une commune nouvelle est créée à partir de communes appartenant à plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, son conseil municipal choisit l’établissement public dont elle souhaite être membre. Si le Préfet n’est pas d’accord, il saisit la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) d’un autre projet de rattachement. Cette commission peut, à la majorité des deux tiers de ses membres, faire prévaloir le souhait de rattachement de la commune nouvelle. À défaut, la commune nouvelle rejoint l’EPCI à fiscalité propre retenu par le Préfet.

Il était notamment fait grief à ces dispositions de méconnaître le principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par l’article 72 de la Constitution.

S’agissant de ce principe, et en ce qui concerne plus particulièrement la limitation du choix des communes pour se rattacher ou non à un EPCI, le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion d’affirmer que :

« Si le législateur peut, sur le fondement des articles 34 et 72 de la Constitution, assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations ou les soumettre à des interdictions, c’est à la condition, notamment, que les unes et les autres répondent à des fins d’intérêt général. Ni le principe de la libre administration des collectivités territoriales, ni le principe selon lequel aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre, ne font obstacle, en eux-mêmes, à ce que le législateur organise les conditions dans lesquelles les communes peuvent ou doivent exercer en commun certaines de leurs compétences dans le cadre de groupements » (Cons. const. 26 avril 2016, Commune de Puyravault, n° 2013-687 QPC ; Commune de Maing, n° 2013-304 QPC ; Commune de Couvrot, n° 2013-315 QPC ; 25 avril 2014, Commune de Thonon-les-Bains et autre, n° 2014-391 QPC).

Cette fois, le Conseil constitutionnel, après avoir reconnu que les règles posées par le II de l’article L. 2113-5 du CGCT, en autorisant le Préfet à imposer à la commune nouvelle un autre rattachement que celui qu’elle souhaite, affectaient bien la libre administration des communes concernées, a considéré que le législateur avait, ce faisant, poursuivi un but d’intérêt général en évitant que le choix de la commune nouvelle « puisse porter atteinte à la cohérence ou à la pertinence des périmètres intercommunaux existants » (cons. 8).

Le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas limité son analyse à la commune nouvelle ni à l’EPCI à fiscalité propre de rattachement. Il a en effet observé que « le rattachement à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre a nécessairement des conséquences pour la commune nouvelle, pour les communes membres des établissements publics concernés et pour ces établissements publics eux-mêmes » (cons. 9).

Il a ensuite relevé que les dispositions en cause ne prévoyaient la consultation ni de l’organe délibérant de l’EPCI à fiscalité propre auquel le rattachement est envisagé, ni des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre dont la commune nouvelle est susceptible de se retirer, ni des conseils municipaux des communes membres de ces EPCI à fiscalité propre.

En outre, le Conseil constitutionnel a indiqué que ni ces établissements publics, ni ces communes ne bénéficiaient, en cas de désaccord avec le projet de rattachement, d’une garantie similaire à celle de la commune nouvelle, qui peut voir son projet validé par un vote en ce sens à la majorité des deux tiers de la CDCI.

Ces deux lacunes ont conduit les Sages à conclure à la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales, en incluant les EPCI à fiscalité propre.

Comme il peut le décider sur le fondement de l’article 62 de la Constitution, le Conseil a décidé de reporter l’abrogation des dispositions concernées au 31 mars 2017, dès lors qu’une abrogation immédiate aurait créé un vide juridique quant à la détermination de l’EPCI à fiscalité propre de rattachement de la commune nouvelle issue de la fusion de communes membres d’EPCI à fiscalité propre différents (cons. 12).

Il a également précisé que, dans le cadre des instances en cours ou à venir, en cas d’annulation, par le Juge administratif, de l’arrêté préfectoral prononçant le rattachement de la commune nouvelle à un EPCI à fiscalité propre, par exception à la règle qui interdit à une commune d’appartenir à plusieurs EPCI à fiscalité propre, la commune nouvelle reste membre des établissements publics auxquels appartenaient ses communes d’origine, en étant représentée par les anciens conseillers communautaires de ces dernières jusqu’à l’entrée en vigueur du nouvel arrêté préfectoral (cons. 13).

Le législateur n’a, au demeurant, pas tardé à prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel puisque les sénateurs ont introduit, en première lecture, un amendement en ce sens à la proposition de loi tendant à faciliter la mise en place et le fonctionnement des intercommunalités.

Le dispositif proposé est assez complexe.

Le principe posé est le suivant : lorsque les communes délibèrent sur la création de la commune nouvelle, elles précisent l’EPCI à fiscalité propre auquel elles souhaitent que celle-ci soit rattachée.

Si une majorité se dégage en faveur d’un EPCI à fiscalité propre, le Préfet consulte ce dernier ainsi que les autres EPCI à fiscalité auxquels appartiennent les communes concernées et leurs communes membres.

En cas de désaccord, ceux-ci, comme le Préfet, pourront saisir la CDCI.

La CDCI pourra imposer son choix au Préfet à la majorité des deux tiers, sinon, c’est l’option du représentant de l’État qui l’emporte.

Si la CDCI, saisie par un EPCI ou une commune « tierce », propose un autre rattachement à la majorité des deux tiers, s’engage une nouvelle consultation des intéressés (EPCI de rattachement proposé par la CDCI, autres EPCI dont sont membres le communes constitutives de la commune nouvelle et conseils municipaux des autres communes membres de ces EPCI).

Si cette proposition ne recueille pas l’accord de l’EPCI de rattachement proposé et d’une majorité de ses communes membres, le rattachement se fait à l’EPCI envisagé à l’origine.

Cette procédure doit désormais être examinée par l’Assemblée nationale. Il conviendra dès lors d’en suivre l’éventuelle évolution.

Précisons enfin, pour être complet sur le sujet des communes nouvelles, qu’une loi n° 2016-1500 du 8 novembre 2016 tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d’une commune nouvelle a été publiée au JO du 9 novembre dernier.