le 16/07/2020

Ne constitue pas une contrefaçon le fait d’entreposer des produits irrégulièrement revêtus d’une marque de l’Union Européenne mais leur mise en vente en ligne peut être sanctionné par les règles du commerce électronique

CJUE, 2 avril 2020, Coty Germany GmbH/Amazon C-567/18

Le 2 avril 2020 la Cour de Justice de L’union Européenne a répondu à la question préjudicielle posée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice Allemande) qui s’interrogeait sur le fait de savoir si le fait d’entreposer des produits portant atteinte à une marque de l’Union Européenne sans avoir connaissance de cette atteinte pouvait constituer un usage contrefaisant.

En effet, les articles 9§2 b) du Règlement n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire (dans sa version antérieure au Règlement de 2015) et 9§3 b) du Règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque communautaire confère au titulaire d’une marque de l’Union Européenne un droit exclusif sur leur marque lui permettant d’interdire au tiers d’en faire usage dans la vie des affaires et notamment de lui interdire d’offrir des produits, de les mettre sur le marché et de les détenir sous le signe litigieux.

En l’espèce, une société a constaté que des flacons de parfum revêtu de la marque dont elle est licenciée étaient offerts à la vente par le revendeur Amazon Allemagne dans le cadre du programme « expédié par Amazon ».

Cette société a saisi la Cour fédérale de Justice allemande en reprochant à la société Amazon d’avoir porté atteinte à sa marque en entreposant et expédiant ces flacons de parfum.

La Cour Fédérale Allemande a saisi la CJUE afin de savoir si une personne qui stocke pour un tiers des produits portant atteinte à un droit de marque sans avoir connaissance de cette atteinte peut-elle être considérée comme faisant usage du signe litigieux au sens des textes européens et par voie de conséquence se livre-t-elle à des actes de contrefaçons.

La Cour a d’abord précisé qu’ « « il ressort du libellé de l’article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement no 207/2009, dont la substance est reprise à l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement 2017/1001, que cette disposition vise spécifiquement l’offre de produits, leur mise dans le commerce, leur détention « à ces fins » ou encore la fourniture de services sous le signe concerné ». « C’est le tiers qui, seul, entend offrir les produits ou les mettre dans le commerce. Il s’ensuit qu’elles (les deux sociétés Amazon mises en cause) ne font pas, elles-mêmes, usage du signe dans le cadre de leur propre communication commerciale ».

La Cour a pu relever que la société Amazon n’offrait pas elle-même les produits litigieux à la vente et ne les avait pas elle-même mis dans le commerce, que seul le tiers avait pris la décision d’offrir ces produits à la vente et était seul en mesure de les retirer du commerce.

En partant de ces textes et de cette observation, la CJUE a donc répondu par la négative et à contrecourant de la position de l’avocat Monsieur Manuel général SÁNCHEZ-BORDONA à la question préjudicielle qui lui était posée en considérant que « pour que l’entreposage de produits revêtus de signes identiques ou similaires à des marques puisse être qualifié d’« usage » de ces signes encore faut-il que l’opérateur économique effectuant cet entreposage poursuive lui-même la finalité visée par ces dispositions, qui consiste en l’offre de produits ou en leur mise dans le commerce.

À défaut, il ne saurait être considéré que l’acte constituant l’usage de la marque est le fait de cette personne, ni que le signe soit utilisé dans le cadre de sa propre communication commerciale ».

La société Amazon ne fait donc pas elle-même usage d’un signe dans le cadre de sa propre communication commerciale en ne faisant qu’entreposer des produits contrefaisants.

Toutefois, la CJUE relève, au sein de son communiqué n° 39/20 du 2 avril 2020, que « d’autres dispositions […], notamment celles relatives au commerce électronique et au respect des droits de propriété intellectuelle, permettent d’agir en justice contre un intermédiaire qui a permis à un opérateur économique de faire illégalement usage d’une marque ».