le 06/04/2020

Modifications des règles applicables en matière pénale pendant la période d’urgence sanitaire

Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19

Circulaire présentant les dispositions de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (NOR : JUSD2008571C)

 

Par ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 précisée par la Circulaire JUSD2008571C du 26 mars 2020, les règles de procédure pénale ont été temporairement modifiées pour s’adapter aux enjeux sanitaires et aux contraintes des plans de continuation d’activité juridictionnelle liées aux mesures de confinement. 

Plusieurs dispositions dérogeant aux principes directeurs de la procédure pénale, à l’instar de la publicité des débats et de la collégialité, ont ainsi été adoptées afin notamment d’alléger le formalisme des procédures et adapter les contraintes de délais. 

Outre un recours accru aux audiences dématérialisées, les délais de procédure ont été modifiés : 

  • Les délais de prescription de l’action publique et de la peine sont ainsi suspendus rétroactivement à compter du 12 mars 2020.  
  • Les délais de voies de recours sont doublés sans pouvoir être inférieurs à dix jours, étant précisé, en outre, que l’appel et le pourvoi en cassation peuvent dorénavant être formés par lettre recommandée avec accusé de réception ou par courriel adressé à la juridiction.  
  • A défaut d’autres dispositions dérogatoires, les autres délais en matière pénale – notamment en matière d’instruction (observations et demandes en matière d’expertise, demandes d’actes, observations à l’issue de l’avis de fin d’information judiciaire etc.) –, doivent être considérés comme inchangés. 

Par ailleurs, afin de composer avec un effectif réduit de magistrats et de greffiers présents dans les juridictions, le recours à la visioconférence est désormais possible, sans l’accord des parties, devant toutes les juridictions pénales, à l’exception des Cours d’assises. 

S’agissant du fonctionnement des audiences, il est prévu, afin de veiller au respect des mesures barrières, une dérogation aux règles de publicité ; avant l’ouverture de l’audience, le Président de la juridiction peut ainsi décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte, voire à huis clos. 

Des mesures visent également la composition des tribunaux avec plusieurs dérogations permettant le recours à la procédure à juge unique, sous réserve toutefois d’un renvoi de l’affaire dans une formation collégiale en cas de complexité ou de gravité des faits : 

  • La Chambre de l’instruction peut ainsi statuer, en matière correctionnelle, en n’étant composée que de son seul Président ; 
  • Le Tribunal correctionnel peut également statuer, quelle que soit la nature du délit dont il est saisi et quel que soit le mode de sa saisine, en n’étant composé que de son seul Président ; 
  • La Chambre des appels correctionnels et la Chambre spéciale des mineurs, peuvent statuer, dans tous les cas, en n’étant composées que de leur seul Président ; 
  • Sur décision spéciale du Président du Tribunal judiciaire, le Tribunal pour enfants, le Tribunal de l’application des peines et la Chambre de l’application des peines de la Cour d’appel peuvent également statuer à juge unique. 

 

L’ordonnance consacre également un chapitre au déroulement des mesures de garde à vue, permettant que l’entretien et l’assistance de la personne par un avocat au cours de ses auditions, se déroulent par l’intermédiaire d’un moyen de communication électronique, y compris téléphonique, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges.   

Notons, par ailleurs, que les délais maximums de placement en détention provisoire et d’assignation à résidence sous surveillance électronique durant l’instruction et pour l’audiencement, sont prolongés de plein droit de : 

  • deux mois lorsque la peine d’emprisonnement encourue est inférieure ou égale à cinq ans ; 
  • trois mois dans les autres cas ; 
  • six mois en matière criminelle et, en matière correctionnelle, pour l’audiencement des affaires devant la cour d’appel. 

En matière d’exécution des peines privatives de liberté, plusieurs mesures viennent assouplir les conditions de fin de peine, en prévoyant notamment des réductions de peine de deux mois liées aux circonstances exceptionnelles. 

Enfin, les mesures de placement des mineurs poursuivis ou condamnés, ordonnées par le juge des enfants peuvent être prorogées pour une durée qui ne peut excéder quatre mois. 

Précisons enfin que ces mesures dérogatoires ne sont pas limitées à la durée du confinement et pourront être prolongées pendant un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020. 

Par Marlène Joubier