le 21/12/2017

Mobiliers urbains d’information : le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris annule la procédure de passation relative au contrat de concession de services provisoire

TA Paris, 5 décembre 2017, Société Extérion Média France, n° 1717601

Par deux ordonnances du 5 décembre 2017 (TA de Paris, ord., 5 décembre 2017, Société Extérion Média France, n° 1717601 et TA de Paris, ord., 5 décembre 2017, Société Clear Channel France, n° 1717558), le juge des référés du Tribunal administratif de Paris a annulé la procédure de passation du contrat de concession de services provisoire attribué à la Société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (Somupi).

A titre liminaire, un bref rappel, s’agissant du contexte particulier de la passation de cette concession de services provisoire, s’impose.

La Somupi, filiale de la société JCDecaux et de Publicis, est titulaire, jusqu’au 31 décembre 2017, du contrat portant sur l’exploitation de mobiliers urbains d’information supportant de la publicité à Paris.

En mai 2016, la Ville de Paris avait engagé une procédure en vue de la passation d’une concession de services relative à l’exploitation de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local supportant de la publicité. Trois candidatures avaient été retenues : celles de la Somupi, de Clear Channel France et d’Exterion Media France. Ces deux dernières sociétés, estimant que la procédure de passation était entachée de diverses irrégularités, avaient renoncé à déposer une offre et la SOMUPI avait été désignée comme attributaire de la concession de services. Elles avaient alors saisi le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Paris afin qu’il annule cette procédure, en faisant valoir que les documents de la consultation relatifs à l’affichage et à la publicité numérique étaient contraires au règlement local de publicité (RLP) applicable à Paris.

Par deux ordonnances du juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Paris en date du 21 avril 2017, confirmées par un arrêt du Conseil d’Etat du 18 septembre 2017 (CE, 18 septembre 2017, Ville de Paris, n°s 410336, 410337, 410364, 410365), cette procédure a été annulée en raison de la non-conformité des documents de la consultation (qui autorisaient que 15 % des mobiliers urbains supportent de l’affichage et de la publicité numérique) au règlement local de publicité applicable à Paris, adopté en 2011 et toujours en vigueur – dont les articles P3 et P4 interdisent la publicité lumineuse autre que la publicité éclairée par projection ou transparence. (cf. notre brève du 21 septembre 2017 sur cet arrêt : http://www.seban-associes.avocat.fr/consultation-lancee-ville-de-paris-vue-de-passation-dune-concession-de-service-relative-a-l’affichage-publicitaire-mobilier-urbain-a-ete-annulée/?id=88643).

C’est dans ce contexte que, le 22 novembre 2017, le Conseil de Paris a approuvé un projet de contrat de concession de services provisoire pour l’exploitation de mobiliers urbains d’information. Celui-ci devait être confié à la Somupi pour une durée prévue entre le 13 décembre 2017 et le 13 août 2019, soit vingt mois.

Les sociétés Clear Channel France et Exterion Média ont alors chacune présenté une requête en référé précontractuel, tendant à l’annulation de la procédure de passation de ce contrat, auprès du Tribunal administratif de Paris.

Par les deux ordonnances commentées, le juge des référés précontractuels a annulé la procédure de passation du contrat en considérant, en l’espèce, que la Ville de Paris ne pouvait déroger à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en invoquant des motifs d’urgence, des considérations d’intérêt général ou encore des raisons techniques.

Ces ordonnances du juge des référés contractuels, relativement argumentées, suscitent l’intérêt notamment en ce qu’elles fournissent des indications utiles quant aux conditions dans lesquelles une personne publique peut conclure, sur le fondement de la jurisprudence SMPA (CE, 14 février 2017, Société de manutention portuaire d’Aquitaine, n° 405157), un contrat de concession de services provisoire sans respecter, au préalable, les règles de publicité et de mise en concurrence.

Pour mémoire, aux termes de cet arrêt, la conclusion d’une concession de services provisoire sans respecter les règles de publicité préalables est permise si deux éléments cumulatifs sont réunis : (i) l’urgence « résultant de l’impossibilité pour la personne publique, indépendamment de sa volonté, de continuer à faire assurer le service par son cocontractant ou de l’assurer elle-même » ; (ii) « un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service ».

Mais, en ce cas, « la durée de ce contrat ne saurait excéder celle requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, si la personne publique entend poursuivre l’exécution de la concession de services ou, au cas contraire, lorsqu’elle a la faculté de le faire, pour organiser les conditions de sa reprise en régie ou pour en redéfinir la consistance ; ».

Au cas particulier, le juge des référés constate, tout d’abord, qu’aucune des deux conditions précitées n’est remplie.

En premier lieu, sur l’urgence, il relève que la situation invoquée par la Ville de Paris n’est pas – à tout le moins en partie – indépendante de sa volonté car celle-ci s’est abstenue de relancer une procédure de publicité avec mise en concurrence jusqu’au 3 novembre 2017, alors qu’elle aurait pu le faire dès la fin du mois d’avril 2017, c’est-à-dire à compter de la date à laquelle les ordonnances du juge des référés du Tribunal administratif de Paris ont été rendues. Dès lors, « la situation d’urgence que fait valoir la Ville de Paris pour passer le contrat litigieux [était], nécessairement, pour partie, la conséquence de ce retard ».

En second lieu, le juge des référés refuse d’accueillir l’argument selon lequel un motif financier – à savoir, au cas d’espèce, les redevances dues au titre de la convention litigieuse – serait susceptible de constituer le motif d’intérêt général justifiant la passation d’un contrat de concession de services provisoire sans publicité préalable sur le fondement de la jurisprudence SMPA. En effet, conformément à la lettre de cette décision, le « motif d’intérêt général susceptible de permettre […] la passation d’un contrat de concession sans publicité est, exclusivement, celui qui s’attache à la continuité du service objet du contrat». A ce titre, le juge des référés précontractuels précise d’ailleurs, de manière détaillée, que l’information par voie d’affichage constitue seulement une des modalités du service de l’information municipale, ce dernier étant également assuré, à Paris, par d’autres dispositifs (tels que les kiosques, les abris destinés aux voyageurs des bus, les journaux électroniques d’information sur mâts, les sites internet de la Ville de Paris, les réseaux sociaux, « fil twitter », « newsletter », les courriers, en ce compris électroniques, ou encore le magazine « A nous Paris »). Eu égard à ce constat, il en conclut que la seule impossibilité temporaire de recourir à l’information par voie d’affichage sur des mobiliers urbains d’information n’est pas, au cas particulier, suffisante pour caractériser un motif d’intérêt général tenant à la continuité du service de l’information municipale.

Ensuite, le juge relève, en l’absence d’éléments contraires convaincants, que la durée du contrat litigieux (soit vingt mois) excède la durée requise pour mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence.