le 14/05/2020

Loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire : le Conseil Constitutionnel se prononce sur le dispositif de traçage

Conseil Constitutionnel, 11 mai 2020, Décision n° 2020-800 DC

La loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire a été adoptée le samedi 9 mai 2020. En application de l’article 61 de la Constitution, cette loi a été déférée au Conseil Constitutionnel qui a rendu sa décision le 11 mai 2020. 

Il s’agissait notamment pour le Conseil Constitutionnel de se prononcer sur la conformité à la Constitution de l’article 11 de la loi qui organise les conditions dans lesquelles les données médicales des personnes atteintes par le Covid-19 et de celles ayant été en contact avec ces dernières, peuvent être partagées entre certains professionnels chargés de traiter les chaînes de contamination. Le Conseil prononce à cet égard deux censures partielles et trois réserves d’interprétation.  

En premier lieu, le Conseil rappelle qu’il résulte du droit constitutionnel au respect de la vie privée que la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Le Conseil reconnaît que face à l’ensemble des dispositions qui doivent être mises en œuvre, le législateur tient à renforcer les mesures instaurées de lutte contre l’épidémie en poursuivant un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.  

De plus, le Conseil relève que le traitement et le partage de données personnelles, sans le consentement des personnes atteintes du Covid-19 et des personnes avec lesquelles elles ont été en contact, dans le cadre d’un système ad hoc et dans le cadre d’une adaptation des systèmes d’information relatifs aux données existantes, portent atteinte au droit au respect de la vie privée. 

Le Conseil veille cependant à ce que la collecte et le traitement de ces données, tel que le Règlement général de la protection des données le prévoit, répondent à quatre finalités : l’identification des personnes infectées par le Covid-19; l’identification des personnes qui, ayant été en contact avec ces dernières, présentent un risque d’infection ; l’orientation des unes et des autres vers des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques ainsi que leur accompagnement pendant et après la fin de ces mesures d’isolement ; la surveillance épidémiologique nationale et locale ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation. 

En deuxième lieu, le Conseil encadre le champ des données de santé qui peuvent être collectées, « aux seules données relatives au statut virologique ou sérologique des personnes à l’égard de la maladie covid-19 ou aux éléments probants de diagnostic clinique et d’imagerie médicale précisés par décret en Conseil d’État pris après avis du Haut Conseil de la santé publique ». 

Il formule cependant, plusieurs réserves d’interprétation.  

La première vise à juger que, dans le cadre du respect à la vie privée, la suppression des seules données collectées des intéressés est insuffisante et doit s’étendre aux coordonnées de contact téléphonique ou électronique des intéressés. Le Conseil relève que la liste des personnes ayant accès à ses données est trop étendue, mais que cet accès est rendu nécessaire face aux nombres d’informations et la finalité poursuivie. C’est pour cette raison qu’il ne censure l’accès qu’à un type de personnes, les accompagnants sociaux, car leur rôle ne relève pas directement de la lutte contre l’épidémie et que la collecte de ces données n’est pas subordonnée au recueil du consentement des intéressés. Ces agents ne peuvent également communiquer les données collectées aux personnes en contact avec un individu malade, sans accord express de l’intéressé.  

La deuxième réserve vise à définir le pouvoir règlementaire comme le pouvoir compétent pour définir les modalités de collecte, traitement, partage des informations et habilitation des agents. 

La troisième réserve traite du respect à la vie privée par les sous-traitants. Tout recours à des sous-traitants doit être effectué en conformité avec les exigences de nécessité et de confidentialité. 

Enfin, le Conseil relève que le législateur a entendu encadrer l’utilisation de ce dispositif, qui ne peut s’appliquer au-delà du temps strictement nécessaire à la lutte contre l’épidémie, ou au plus tard, au-delà de six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 et que les données collectées doivent être supprimées trois mois après leur collecte. 

Le Conseil considère que les autres dispositions organisant le traçage ne méconnaissent pas le droit au respect de la vie privée.