Environnement, eau et déchet
le 14/01/2021
Julie CAZOU
Solenne DAUCÉ

Loi de finances pour 2021 et environnement : des mesures nombreuses mais à l’ambition critiquée

Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021

CC, 28 décembre 2020, n° 2020-813 DC 

Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, 30 septembre 2020

Avis du Haut Conseil pour le Climat sur le plan de relance

 

La loi n° 2020-1721 de finances pour 2021 a été publiée au Journal officiel du 30 décembre 2020, qui inclut le « plan de relance », lequel fait l’objet d’une mission budgétaire spécifique.

 

Et, parmi ses dispositions, la loi en cause comporte plusieurs dispositions ayant trait aux thématiques environnementales. Ainsi, elle instaure ou proroge plusieurs dispositifs dont le but recherché est de soutenir les opérations de rénovation énergétique (I), d’inciter à la création d’obligations réelles environnementales (II), de réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques (IV) ou encore de lutter contre l’artificialisation des sols (VI). D’autres mesures se rattachent aux domaines des déchets (III), de la prévention des risques (V), de la gestion des forêts (VII) ou encore des transports (VIII) ; des mesures environnementales diverses sont également à mentionner (IX).

 

Il importe au préalable de souligner que le projet de loi de finances déposé par le Gouvernement a été soumis à un exercice inédit, en application de l’article 179 de la loi de finances pour 2020, celui de l’évaluation de l’impact environnemental des dépenses du budget de l’Etat. Ainsi, le compte rendu du Conseil des ministres du 28 septembre 2020 exposait que « la totalité des dépenses du budget de l’État et des dépenses fiscales font l’objet d’une cotation indiquant leur impact environnemental (climat, adaptation au changement climatique, ressource en eau, économie circulaire, lutte contre les pollutions, biodiversité). La France est pionnière au niveau mondial dans cette démarche de transparence, qui enrichit l’information du Parlement et des citoyens sur les effets de l’action publique sur l’environnement ».

 

Relevons également que certaines des dispositions de la loi de finances pour 2021 ont fait l’objet d’un contrôle a priori par le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi par plus de 60 députés et par plus de 60 sénateurs. Par sa décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré la conformité partielle de la loi à la Constitution, en censurant sept de ses dispositions qui constituaient des cavaliers budgétaires, leur objet ne se rattachant pas de manière suffisamment directe aux finances et au budget de l’Etat (Conseil constitutionnel, 28 décembre 2020, n° 2020-813 DC) ; celles concernant des aspects environnementaux seront évoquées ci-après.

 

Enfin, il est à noter que les dispositions environnementales adoptées dans le cadre de la loi de finances l’ont été en faisant l’objet de plusieurs critiques.

Ainsi, il avait été reproché au projet de loi initial (PLF) de ne pas répondre à l’urgence écologique et au plan de relance de viser « avant tout à rétablir au plus vite le fonctionnement du marché ; il privilégie de façon déraisonnable le secteur marchand, au détriment des politiques publiques » en matière environnementale (l’annexe 16 du Tome III du rapport parlementaire n° 3399, de M. Laurent SAINT-MARTIN, fait au nom de la commission des finances et déposé le 8 octobre 2020). A ce stade des discussions parlementaires, le manque de moyens de plusieurs institutions était ainsi souligné, notamment la baisse des effectifs du Ministère de la transition écologique, l’abaissement du plafond des redevances des Agences de l’eau ou encore la sous-dotation du dispositif de contrôle des installations industrielles dangereuses.

En outre, en décembre 2020, le Haut Conseil pour le Climat a également rendu un avis sur la mission « plan de relance », intégrée dans la loi de finances pour 2021, et expose notamment que « les mesures permettant d’enclencher les transformations structurelles nécessaires pour décarboner l’économie française n’apparaissent pas clairement. Par ailleurs les deux tiers du plan soutiennent l’activité économique dans la continuité des pratiques actuelles ».

Ainsi, si des mesures environnementales ont été prises, les critiques formulées ont pu souligner le défaut de leur caractère structurel.

I. Dispositifs temporaires de soutien à la rénovation énergétique

La loi de finances pour 2021 met en place plusieurs dispositifs limités dans le temps visant à encourager et soutenir la rénovation énergétique des bâtiments.

1°) Concernant les ménages, tout d’abord, la loi de finances pour 2021 étend les bénéficiaires du dispositif « MaPrimeRénov’ » (article 241), lequel vise à financer les projets de rénovation énergétique des ménages les plus modestes. Le texte élargit ainsi, jusqu’au 31 décembre 2022, les bénéficiaires aux « propriétaires-occupants des 9ème et 10ème déciles de revenus ainsi qu’aux propriétaires bailleurs de tous les déciles de revenus » (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

2°) Les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficieront elles aussi d’un dispositif permettant de soutenir la rénovation énergétique. En effet, l’article 27 de la loi de finances pour 2021 crée, pour certaines dépenses strictement définies engagées entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2021, un crédit d’impôt dont peuvent bénéficier les PME au titre de la réalisation de certaines opérations de rénovation énergétique des bâtiments ou parties de bâtiments à usage tertiaire dont les PME sont propriétaires ou locataires.

3°) S’agissant des personnes publiques, l’article 242 de la loi de finances pour 2021 instaure, jusqu’au 31 décembre 2021, une dérogation au principe posé par l’article L. 1111-10, III du CGCT selon lequel la collectivité ou le groupement de collectivités maître d’ouvrage d’une opération d’investissement doit assurer une participation financière minimale de 20 %. Le préfet pourra ainsi accorder des dérogations, strictement encadrées et à certaines collectivités seulement, lorsque les opérations concernent la rénovation énergétique.

En matière de rénovation énergétique, l’article 243 de la loi de finances pour 2021 prévoyait d’instaurer des dérogations au Code de la commande publique, jusqu’au 31 décembre 2022, visant à permettre aux maîtres d’ouvrages publics de conclure certains marchés de conception-réalisation lorsque ceux-ci comprenaient des travaux de réduction de la consommation énergétique des bâtiments. Toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé que cette mesure « n’affecte pas directement les dépenses budgétaires de l’année » et l’a déclarée contraire à la Constitution (Conseil constitutionnel, 28 décembre 2020, n° 2020-813 DC, §59).

II. Incitations à la création d’obligations réelles environnementales

Le PLF 2021 met en place des dispositifs d’exonération fiscale pour les propriétaires de biens immobiliers contractant une obligation réelle environnementale (ORE, régie à l’article L. 132-3 du Code de l’environnement[1]), incitant ainsi à la mise en œuvre de cet instrument.

1°) En effet, en application de l’article 36 de la loi de finances pour 2021, ces propriétaires ne seront pas tenus de verser la contribution de sécurité immobilière (CSI), laquelle est régie à l’article 879 du Code général des impôts (CGI) qui prévoit une contribution à l’Etat de toute personne accomplissant certaines formalités de publicité.

2°) En outre, en application de l’article 130 de la loi de finances pour 2021, les communes et les EPCI pourront adopter une délibération permettant d’exonérer de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, pour la part qui leur revient, les propriétés non bâties dont le propriétaire a conclu un contrat d’ORE, et ce pendant toute la durée du contrat. Cette possibilité était déjà reconnue pour les communes à l’article 1394 D du CGI mais elle a été précisée et mentionne désormais explicitement les EPCI.

 

III. Mesures se rattachant à la thématique des déchets

Certaines mesures de la loi de finances pour 2021 traitent de la thématique des déchets, se rattachant notamment à la composante déchet de la Taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et à la part incitative de la Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

1°) Plusieurs modifications sont apportées à la composante déchets de la TGAP. L’article 62 de la loi de finances pour 2021 modifie l’article 266 nonies du Code des douanes et précise le champ d’application du dispositif de tarification réduite de la TGAP pour les déchets ayant un important pouvoir calorifique. En effet, en application du paragraphe 1, A, h de cet article du Code des douanes, les déchets à haut pouvoir calorifique identifiés comme des résidus des opérations de tri performantes bénéficient d’un tarif réduit de la TGAP. L’article 62 de la loi de finances permet de mieux identifier ces déchets et indique que le pouvoir calorifique inférieur devra être « supérieur ou égal à un seuil fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l’environnement ». Ainsi, seuls les résidus de haut pouvoir calorifique issus d’une opération de tri performante pourront bénéficier du tarif réduit de la TGAP et non l’ensemble des résidus issus d’une telle opération. La définition des opérations de tri performantes est également précisée par l’article 62 de la loi commentée.

L’article 63 de la loi de finances pour 2021 modifie la réfaction de la composante déchets de la TGAP applicable à la Guyane et à Mayotte par rapport aux tarifs de droit commun, la portant à 75% puis à 70% à compter du 1er janvier 2024. Il existe une exception à cette réfaction pour les installations de stockage non accessibles par voie terrestre situées en Guyane, pour lesquelles le tarif est fixé à 3 euros par tonne.

2°) Mesures de soutien à la mise en œuvre de la part incitative de la TEOM. L’article 1522 bis, I bis, du CGI permet aux communes et aux EPCI d’instaurer une part incitative de la TEOM, assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits, durant une certaine période et sur une partie de leur territoire. A l’issue de cette période, cette tarification incitative s’appliquera sur l’ensemble du territoire de la commune ou de l’EPCI, qui pourra sinon choisir de supprimer ce dispositif. La loi de finances pour 2021 prévoit que cette période de test de la part incitative de la TEOM sera étendue de cinq à sept ans (article 135 de la loi de finances pour 2021).

Par ailleurs, afin d’inciter les communes et les EPCI à instaurer une part incitative de la TEOM, la loi de finances pour 2021 prolonge le délai d’harmonisation des modes de financement du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers pour les nouveaux EPCI issus d’une fusion (article 218). En effet, lorsqu’un EPCI est créé par fusion, celui-ci dispose d’un certain délai pour harmoniser le mode de financement de ce service public sur l’ensemble de son territoire. Ce délai a été allongé de deux années par la loi de finances pour 2021, dans le but de laisser plus de temps aux EPCI pour mettre en place un régime de TEOM incitative. Les collectivités ne sont pas tenues de choisir de l’instaurer, mais la mise en œuvre de ce dispositif nécessite plus de temps et le législateur a souhaité « ne pas en décourager le déploiement là où elle apparaît possible avec le temps inhérent à sa mise en œuvre » (amendement n° II-1423 rect. bis).

3°) Des précisions techniques sont apportées sur les modalités d’évaluation de la valeur locative des casiers d’enfouissement de déchets. L’article 133 de la loi de finances pour 2021 modifie également la rédaction de l’article 1499-00 A du CGI, qui porte des dérogations à l’article 1499 du CGI relatif à la détermination de la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Dans la nouvelle rédaction de l’article 1499-00 A du CGI, il est précisé que la méthode d’évaluation dérogatoire à l’article 1499 ne se voit appliquée qu’aux « propriétés et fractions de propriétés », que les équipements visés sont « souterrains » et que ce régime dérogatoire ne s’applique qu’aux installations de stockage de déchets « non-dangereux ». Le champ d’application de cet article est donc précisé.

4°) Enfin, le financement de la filière « navires de plaisance ou de sport » de la responsabilité élargie du producteur (REP) est augmenté. L’article 56 de la loi de finances pour 2021 modifie en effet l’ordre de priorité d’affectation du produit du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN), inscrivant les éco-organismes de la filière navires de plaisance ou de sport en première position. Il est en outre prévu que la quote-part du produit de la taxe affecté aux éco-organismes est fixé à 3% à compter du 1er janvier 2021, au lieu de 2 % actuellement, mais elle pourra être réduite à 2 % en cas de non‑atteinte des objectifs de traitement des déchets fixés pour l’année précédente par le cahier des charges.

IV. Des dispositifs de crédits d’impôt pour réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques

La loi de finances pour 2021 contient également des mesures visant à réduire l’utilisation des pesticides.

 

1°) A cet égard, l’article 140 de la loi de finances prévoit un dispositif de crédit d’impôt favorable à certaines entreprises agricoles n’utilisant pas de glyphosate. Ainsi, lorsque ces entreprises agricoles n’utilisent pas de produits phytopharmaceutiques contenant la substance active du glyphosate au cours des années 2021 et 2022, elles bénéficieront d’un crédit d’impôt au titre de l’année pendant laquelle ces produits n’ont pas été utilisés. Le montant de ce crédit d’impôt s’élève à 2 500 euros et est imputé sur l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’année où le glyphosate n’a pas été utilisé.

La date d’entrée en vigueur de ce dispositif sera précisée par décret, la Commission européenne devant d’abord donner une réponse sur la conformité de ce dispositif au droit européen des aides d’Etat.

2°) Par ailleurs, la loi de finances pour 2021 prévoit la prolongation de la durée d’application du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique (article 150). L’article 244 quater L du CGI prévoyait déjà que certaines entreprises agricoles dont une part des recettes provient d’activités d’agriculture biologique bénéficiaient d’un crédit d’impôt s’élevant à 3 500 euros. Ce dispositif devait prendre fin en 2020, mais a été étendu jusqu’à 2022 par la loi de finances pour 2021. Il ne sera toutefois pas cumulable avec le crédit d’impôt pour les agriculteurs n’utilisant pas de glyphosate.

3°) Enfin, l’article 151 de la loi de finances pour 2021 instaure un crédit d’impôt dont le montant s’élève à 2 500 euros pour les entreprises agricoles disposant d’une certification d’exploitation à haute valeur environnementale (HVE, article L. 611-6 du Code rural et de la pêche maritime), à condition que cette certification soit en cours de validité au 31 décembre 2021 ou délivrée au cours de l’année 2022.

V. Mesures se rattachant à la thématique de la prévention des risques

1°) En matière de prévention des risques naturels, la loi de finances pour 2021 traite notamment du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM, dit « Fonds Barnier »). Tout d’abord, ce fond a été intégré au budget de l’Etat (article 85 de la loi de finances pour 2021). Il est précisé dans les travaux parlementaires que cette intégration est réalisée « dans un contexte de diminution de la trésorerie du fonds et d’augmentation inévitable de ses dépenses dans les années à venir » (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

2°) En outre, l’article L. 561-3 du Code de l’environnement a été réécrit afin de procéder à une clarification et une actualisation des interventions du Fonds Barnier (article 224, I de la loi de finances). En effet, les dispositions afférentes aux interventions du Fonds, auparavant réparties entre le Code de l’environnement et les lois de finances pour 2004 et pour 2006, sont désormais reprises au sein de cet article. Par ailleurs, un nouveau dispositif expérimental dénommé « Mieux reconstruire après inondation » a été créé (article 224, III de la loi de finances), dont l’objectif est d’encourager et de renforcer les opérations de réduction de la vulnérabilité du bâti existant après une inondation. Ce dispositif expérimental devant bénéficier aux biens à usage d’habitation couverts par un contrat d’assurance sera mis en place dans les communes désignées par arrêté ministériel parmi celles faisant l’objet, depuis moins d’un an, d’un arrêté portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle à la suite d’inondations. Cette expérimentation est limitée à trois ans et devra faire l’objet d’un rapport de présentation du Gouvernement au Parlement.

3°) Enfin, pour certains territoires d’Outre-mer, l’article 105 de la loi commentée instaure une prolongation du dispositif de réduction d’impôt prévu à l’article 199 undecies A du CGI à raison des travaux de confortation contre le risque sismique ou cyclonique. Ce dispositif, qui devait cesser de s’appliquer pour les investissements réalisés au-delà du 31 décembre 2020, sera prolongé jusqu’au 31 décembre 2023. Les travaux parlementaires indiquent que « cette prorogation se justifie, alors que ces territoires font face à d’importants aléas climatiques et que ce dispositif est le seul permettant de financer des travaux de réhabilitation indépendamment d’une acquisition » (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

4°) En matière de prévention des risques technologiques, l’article 117 de la loi de finances pour 2021 instaure une prolongation du dispositif de crédit d’impôt pour les travaux prescrits dans le cadre d’un plan de prévention des risques technologiques (PPRT). En effet, en application de l’article L. 515-16-2 du Code de l’environnement, un PPRT peut prescrire aux particuliers la réalisation de certains travaux de protection de leur logement. L’article 200 quater A, 1 bis du CGI prévoit alors que certains propriétaires peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt pour la réalisation des travaux prescrits. Ce dispositif, qui devait prendre fin au 31 décembre 2020, a été étendu par la loi de finances jusqu’au 31 décembre 2023, à condition toutefois que les travaux soient réalisés dans les délais prescrits par les textes. L’article L. 515-16-2 du Code de l’environnement dispose en effet, dans sa rédaction issue de la loi de finances pour 2021, que les travaux de protection prescrits pour les logements doivent être réalisés dans un délai de huit ans à compter de l’approbation du PPRT, ou avant le 1er janvier 2024 si le plan a été approuvé avant le 1er janvier 2016. L’exposé des motifs de l’amendement ayant introduit cette disposition expose que celle-ci « s’inscrit dans le prolongement des recommandations de la commission d’enquête du Sénat constituée après l’accident industriel majeur de Lubrizol et Normandie Logistique » (amendement n° N° II-99 rect.).

VI. Mesures se rattachant à la gestion des forêts

1°) Prolongation des dispositifs de soutien aux opérations forestières. La loi de finances pour 2021 modifie l’article 199 decies H du CGI en instaurant une prorogation du dispositif d’incitation fiscale aux investissements forestiers (article 103 de la loi de finances). Ainsi, en application de cet article du CGI, les contribuables domiciliés en France bénéficient d’une réduction d’impôt lorsqu’ils réalisent certaines opérations forestières[2]. Ce dispositif devait prendre fin au 31 décembre 2020 mais a été prorogé par la loi de finances pour 2021 jusqu’au 31 décembre 2022. Ce même article de la loi instaure également une prolongation du dispositif de crédit d’impôt régi à l’article 200 quindecies du CGI pour les contribuables réalisant certaines opérations forestières[3] jusqu’au 31 décembre 2022.

 

2°) L’article 176 du projet de loi de finances pour 2021 prévoyait en outre que les agents des douanes, tenus au secret professionnel, pourraient échanger des informations intéressant la lutte contre la déforestation importée avec les agents chargés de la mise en œuvre de la stratégie nationale contre la déforestation importée (SNDI). Toutefois, le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition n’avait pas sa place au sein d’une loi de finances et a ainsi censuré ce cavalier législatif (Conseil constitutionnel, 28 décembre 2020, n° 2020-813 DC, §53).

VII. Mesures se rattachant à la lutte contre l’artificialisation des sols et pour le renouvellement urbain

En matière d’urbanisme et d’aménagement, il importe de noter que plusieurs mesures de la loi de finances pour 2021 ont pour objectif de lutter contre l’artificialisation des sols.

1°) Ainsi, tout d’abord, l’article 141 de la loi de finances pour 2021 porte plusieurs adaptations de la taxe d’aménagement, dont l’objectif est de soutenir la lutte contre l’artificialisation des sols. Ainsi, cet article permet notamment aux Départements de mobiliser la part départementale de la taxe d’aménagement pour financer des opérations de renaturation, c’est-à-dire d’acquisition de terrains pour les convertir en espaces naturels. Par ailleurs, l’article 141 assouplit les conditions permettant de recourir au taux majoré de la part communale ou intercommunale. En effet, le taux de la part communale de la taxe d’aménagement est fixé entre 1 et 5 %, mais peut, par délibération, être majoré jusqu’à 20 %. Une telle majoration est possible dans certains secteurs lorsque des travaux « substantiels de voirie ou de réseaux ou la création d’équipements publics généraux est rendue nécessaire en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs » (article L. 331-15 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction antérieure à la loi commentée). En application de la loi de finances pour 2021, il sera désormais également possible d’y recourir lorsque des travaux « de restructuration ou de renouvellement urbain pour renforcer l’attractivité des zones concernées et réduire les incidences liées à l’accroissement local de la population » sont rendus nécessaires.

2°) La loi de finances pour 2021 instaure également, sous certaines conditions, un abattement sur les plus-values immobilières résultant de la cession de biens immobiliers bâtis ou de droits relatifs à ces mêmes biens, situés au sein des périmètres des grandes opérations d’urbanisme ou des opérations de renouvellement du territoire (article 38 de la loi commentée). Ce mécanisme a été adopté dans un objectif affiché de lutte contre l’artificialisation des sols, visant à favoriser la construction dans certains secteurs déjà « artificialisés ». Cette disposition introduite par le Gouvernement a toutefois fait l’objet de vives critiques au sein des travaux parlementaires. Il est notamment reproché au Gouvernement de n’avoir « apporté aucune estimation sur le coût du dispositif, ni d’objectif quantitatif » ou encore de ne pas avoir démontré « en quoi l’abattement aurait un effet déclencheur significatif sur le lancement de programmes de construction », faisant craindre un effet d’aubaine (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

3°) En outre, l’article 37 de la loi de finances pour 2021 prolonge de deux ans le dispositif d’exonération d’impôt au titre de la cession d’un droit de surélévation, régi à l’article 150 U du CGI. Ce dispositif vise à favoriser la surélévation d’un immeuble plutôt que la construction sur un terrain non « artificialisé », participant ainsi à la lutte contre l’étalement urbain (Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020).

4°) Il importe néanmoins de noter que le versement pour sous-densité, mécanisme prévu à l’article L. 331-36 du Code de l’urbanisme qui visait à lutter contre l’étalement urbain et à inciter à la densification des constructions, a été supprimé par l’article 155 de la loi de finances pour 2021. Les travaux parlementaires indiquent ainsi que l’article 155 « abroge le versement pour sous-densité (VSD) institué en 2010, qui n’a été que très peu mis en place par les communes et dont le produit est extrêmement faible » (Rapport n° 3659 de M. Laurent SAINT-MARTIN, fait au nom de la commission des finances, déposé le 11 décembre 2020).

VIII. Mesures se rattachant aux thématiques des transports et de la mobilité

De nombreuses mesures de la loi de finances pour 2021 concernent les transports, certaines d’entre elles peuvent être mises en avant au regard de leur dimension environnementale affichée.

1°) Mesures concernant le développement des véhicules électriques.

Tout d’abord, l’article 53 de la loi de finances pour 2021 instaure un crédit d’impôt pour l’acquisition et la pose de systèmes de charge pour véhicule électrique, lequel sera régi à l’article 200 quater C du CGI. Sous conditions, les contribuables domiciliés en France pourront ainsi bénéficier de ce dispositif au titre des dépenses engagées pour l’acquisition et la pose d’un système de charge pour véhicule électrique dans le logement qu’ils occupent ou dont ils sont propriétaires. Ce dispositif est instauré pour les dépenses engagées entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023.

En outre, l’article 153 de la loi de finances pour 2021 introduit une nouvelle exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances, lesquelles sont énumérées à l’article 995 du CGI. Sont ainsi exonérées de cette taxe spéciale les assurances contre les risques relatifs aux véhicules terrestres à moteur électriques dont le certificat d’immatriculation est émis à compter du 1er janvier 2021.

2°) Mesures concernant les véhicules à moteur

La loi de finances pour 2021, en son article 55, opère également une refonte des taxes sur les véhicules à moteur. En particulier, en lien avec les travaux de la Convention citoyenne sur le climat, cet article prévoit une augmentation du malus CO2 à l’immatriculation, abaisse les seuils d’application de la taxe et augmente son montant marginal.

En outre, l’article 171 de la loi de finances pour 2021 instaure une taxe sur la masse en ordre de marche, c’est-à-dire le poids, des véhicules de tourisme, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2022. Il s’agit d’une mesure issue des travaux de la Convention citoyenne sur le climat. Le seuil minimal de cette taxe est de 1,8 tonnes. Ainsi, la loi de finances pour 2021 instaure un malus sur le poids des véhicules dont le poids est supérieur à 1,8 tonne.

3°) Mesures relatives au forfait mobilité durable.

Certaines mesures de la loi de finances concernent le forfait mobilité durable, qui a été instauré par l’article 82 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités et prévoit la prise en charge par l’employeur de certains frais engagés par les salariés lors leurs déplacements domicile-travail.

Tout d’abord, l’article 57 de la loi de finances pour 2021 augmente le plafond d’exonération d’impôt sur le revenu pour les sommes versées au titre de la prise en charge par l’employeur des frais personnels occasionnés par certains moyens de transport plus « propres » identifiés par l’article L. 3261-3-1 du Code du travail[4], qui évolue de 400 à 500 euros. Il s’agissait également d’une mesure issue des travaux de la Convention citoyenne sur le climat. L’article 119 de la loi prévoit quant à lui la possibilité pour l’employeur de prendre en charge, dans le cadre du forfait mobilité durable, les frais liés aux engins de déplacement personnel motorisés, c’est-à-dire aux trottinettes électriques personnelles.

                                          

4°) Autres mesures dans le domaine des transports

La loi de finances pour 2021 contient d’autres mesures liées au secteur des transports. Ainsi, l’article 59 instaure une augmentation de la taxe intérieure de consommation sur l’essence utilisée pour l’aviation de tourisme privée. L’article 58 vise quant à lui à renforcer les incitations à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports, via une modification de la taxe incitative relative à l’incorporation des biocarburants codifiée à l’article 266 quindecies du Code des douanes. Enfin, l’article 60 apporte des précisions techniques sur le périmètre d’application du tarif réduit de taxation de l’industrie extractive de l’andalousite s’agissant du gazole non routier, notamment en définissant l’andalousite de manière plus précise.

IX. Mesures diverses

1°) Il importe de souligner que l’article 244 de la loi de finances pour 2021 définit des contreparties pour les personnes morales de droit privé qui bénéficient des crédits ouverts par la présente loi au titre de la mission « Plan de relance ». Celles-ci sont en effet tenues à plusieurs obligations, devant être respectées avant le 31 décembre 2022. A cet égard, il est notamment prévu que les entreprises de plus de 50 salariés n’étant pas déjà soumises à cette obligation devront établir un bilan simplifié de leurs émissions de gaz à effet de serre, lequel sera rendu public. Toutefois, contrairement à d’autres obligations, son non-respect n’apparaît assorti d’aucune sanction financière.

2°) L’article 246 de la loi commentée institue quant à lui un mécanisme de suivi de l’exécution du plan de relance. Il s’agit d’un comité de suivi, placé auprès du premier ministre, dont la mission est notamment de suivre l’exécution budgétaire du plan et son efficacité économique, sociale et environnementale au regard des objectifs poursuivis.

3°) La loi de finances pour 2021 modifie le plafonnement du montant annuel des taxes et redevances perçues par les Agences de l’eau (article 82 de la loi commentée). En effet, s’il était auparavant prévu que le plafond en cause ne prenait pas en compte la part de ces taxes et redevances destinée au versement de la redevance au profit de l’Office français de la biodiversité prévu par l’article L. 213-10-8, V du Code de l’environnement, tel n’est plus le cas.

Solenne Daucé et Julie Cazou

[1] L’alinéa 1er de l’article L. 132-3 du Code de l’environnement définit le régime des obligations réelles environnementales comme suit : « Les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques ».

[2] L’article 199 decies H vise notamment l’ « acquisition de terrains en nature de bois et forêts ou de terrains nus à boiser de 4 hectares au plus lorsque cette acquisition permet d’agrandir une unité de gestion pour porter sa superficie à plus de 4 hectares […] » ou les « souscriptions ou acquisitions en numéraire de parts d’intérêt de groupements forestiers qui ont pris l’engagement d’appliquer pendant quinze ans un plan simple de gestion agréé […] ».

[3] L’article 200 quindecies du CGI vise notamment les « travaux forestiers effectués dans une propriété lorsqu’elle constitue une unité de gestion d’au moins 10 hectares […] » ou les « travaux forestiers payées par un groupement forestier ou une société d’épargne forestière dont le contribuable est membre […] », le crédit d’impôt étant accordé en contrepartie d’engagements du bénéficiaire visant notamment à la conservation des parcelles. 

[4] L’article L. 3261-3-1 du Code du travail vise la prise en charge par l’employeur de « tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec leur cycle ou cycle à pédalage assisté personnel ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage, ou en transports publics de personnes à l’exception des frais d’abonnement mentionnés à l’article L. 3261-2, ou à l’aide d’autres services de mobilité partagée définis par décret sous la forme d’un “ forfait mobilités durables ” dont les modalités sont fixées par décret ».