le 20/02/2019

Ressources humaines : les mesures à retenir de la loi « Avenir »

Loi n° 2019-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

Si la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 dite loi « Avenir » est largement consacrée à la réforme de la formation professionnelle et de l’alternance, d’autres domaines sont impactés. Voici une présentation des mesures à retenir.

Une refonte en profondeur de la formation professionnelle et de l’alternance 

L’objectif de la loi « Avenir » concernant la formation professionnelle et l’alternance est double. Il est à la fois de renforcer et d’accompagner les individus dans le choix de leur formation mais aussi de réformer l’organisation institutionnelle. De nombreuses nouvelles dispositions sont entrées en vigueur au 1er janvier 2019.

Parmi les mesures phares, le compte personnel de formation (CPF) est revisité, le législateur ayant pour objectif de faire du CPF le seul outil de mobilisation à l’initiative du salarié. Les droits inscrits sur le CPF seront comptabilisés en euros et non plus en heures de droit à formation, les personnes susceptibles d’étoffer le CPF seront plus nombreuses ce qui permettra en principe aux salariés de décider de leur avenir professionnel et d’acquérir des compétences quel que soit leur situation de départ. Concernant les modalités d’utilisation du CPF, elles sont considérablement simplifiées pour le salarié. Ce dernier n’a plus à demander l’accord préalable de l’employeur sur le contenu et le calendrier de la formation mais doit simplement lui demander une autorisation d’absence. Le droit de refus de l’employeur est maintenu mais doit être notifié dans un délai de 30 jours calendaires à compter de la réception de la demande, son absence de réponse valant acceptation.

Par ailleurs, le congé individuel de formation (CIF) disparaît au profit du CPF de transition professionnelle prévoyant un accompagnement du salarié dans sa reconversion professionnelle. Les entreprises pourront seulement reporter la demande de leurs salariés de manière motivée mais non la refuser comme cela était auparavant le cas. 

Aussi, les entreprises doivent veiller à remplacer le plan de formation par le plan de développement des compétences qui devient le seul outil « formation » à l’initiative de l’employeur.

Enfin, les entreprises devront être très attentives à leur obligation d’information en matière de formation lors des entretiens professionnels, celle-ci étant renforcée.

Autre sujet largement modifié : l’alternance que ce soit par le biais du contrat de professionnalisation dont la durée maximale est portée à 36 mois (à la place de 24 mois) ou par le biais du contrat d’apprentissage (l’âge maximal pour en bénéficier est porté à 29 ans révolus). De nouvelles règles permettent une rupture du contrat d’apprentissage plus aisée que ce soit du côté du salarié ou de l’employeur.

De surcroît, la loi simplifie le système institutionnel en confiant la gouvernance de la formation à un seul organisme : France compétences, et en mettant en place un collecteur unique : l’URSSAF.

Enfin, une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance est mise en place : la contribution à la formation professionnelle est peu modifiée mais la taxe d’apprentissage est réaménagée selon deux fractions au lieu de trois.

Ouverture d’un nouveau cas de recours au CDD

A titre expérimental, il sera possible, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019, de conclure un seul contrat à durée déterminée ou un seul contrat de travail temporaire, pour remplacer plusieurs salariés. Ce CDD pourra être mis en place dans les secteurs déterminés par un décret à paraître. Attention, une condition tout de même : ce contrat ne devra pas avoir pour objet ou pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

De nouvelles mesures ont été adoptées afin d’inciter les entreprises à ouvrir des emplois aux personnes en situation de handicap 

La loi renforce l’obligation d’emploi des personnes en situation de handicap en modifiant l’appréciation de son périmètre (entreprise et plus établissement) et en renforçant les obligations d’emploi direct des employeurs soumis à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Le télétravail est facilité lorsque la demande émane d’un travailleur handicapé ou d’un proche aidant. Enfin, un référent handicap devra être obligatoirement désigné dans les entreprises d’au moins 250 salariés. Concrètement, ce référent aura pour mission d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap, s’agissant notamment de leurs droits et des interlocuteurs privilégiés et sera sans doute un membre du service des ressources humaines.

Chômage 

La loi étend quelque peu le principe de l’indemnisation chômage. Pour les travailleurs indépendants, une allocation forfaitaire est créée (800 € par mois pendant 6 mois) dans l’hypothèse où l’entreprise est en liquidation ou redressement judiciaire. De leur côté, les salariés démissionnaires deviennent éligibles à l’indemnisation chômage s’ils poursuivent un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou d’un projet de création ou de reprise d’entreprise. Le projet devra néanmoins présenter un caractère réel et sérieux attesté par une commission paritaire interprofessionnelle régionale et le salarié démissionnaire devra avoir demandé, préalablement à sa démission, un conseil en évolution professionnelle afin d’établir ce projet. La loi prévoit également des mesures concernant la gestion et le financement de l’indemnisation chômage et des mesures d’accompagnement et de contrôle des demandeurs d’emploi. Les organismes en auto assurance pouvaient être amenés à financer la reconversion professionnelle de leurs salariés démissionnaires. 

Lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes 

A compter du 1er janvier 2019, les obligations de l’employeur, en matière de lutte contre le harcèlement et les agissements sexistes, sont renforcées.

Dans les entreprises employant au moins 250 salariés, un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes doit être désigné. Cette mesure permettra à l’avenir aux salariés victimes de tels agissements d’identifier facilement leur interlocuteur et de pouvoir dénoncer les faits. Si la loi ne précise ni la personne qui peut être nommée « référent » ni la manière dont il est désigné, on peut supposer qu’il pourra être le responsable des ressources humaines, un membre de ce service ou encore un salarié chargé de la prévention des risques psychosociaux dans l’entreprise.

Par ailleurs, la loi prévoit que chaque comité social et économique (CSE) devra désigner parmi ses membres un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Cette désignation se fera sous la forme d’une résolution adoptée à la majorité des membres présents pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. Ce référent bénéficiera d’une formation en matière de santé, sécurité et conditions de travail comme tous les membres du CSE. Il faut relever néanmoins que la loi ne prévoit pas d’obligation de désigner un tel référent parmi les membres des délégués du personnel, des comités d’entreprise ou des CHSCT encore en place qui doivent être remplacés par un CSE avant la fin de l’année 2019 même si en pratique ces institutions représentatives du personnel ont déjà un rôle en la matière.

Enfin, l’obligation d’information des salariés par l’employeur est renforcée. Les entreprises doivent informer les salariés, en application de la loi Avenir, des voies de recours civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et fournir les coordonnées des autorités et des services compétents (décret du 8 janvier 2019).

Cette information doit être délivrée aux salariés, aux personnes en formation ou en stage et aux candidats à l’embauche, à une formation ou à un stage, dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux où se fait l’embauche. L’information peut se faire par tous moyens (affichage mural, site internet/intranet, courriel ou remise d’un document papier), l’essentiel étant de garantie une information effective pour tous.

L’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes 

La loi prévoit des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise afin de rendre l’arsenal juridique existant plus effectif et d’atteindre une égalité réelle (cf. notre LAJ NOVEMBRE 2018). L’égalité salariale devient une obligation de résultat et les entreprises de plus de 50 salariés doivent, à cet effet, publier chaque année des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Les indicateurs sont au nombre quatre ou de cinq selon la taille de l’entreprise. A ces indicateurs sont attachés des résultats exprimés en pourcentage et traduits selon un système de points. Quel que soit la taille de l’entreprise, un minimum de 75 points devra être atteint pour ne pas être considérée comme défaillante.

Les entreprises doivent mettre à disposition du CSE les indicateurs et le niveau de résultat via la base de données économique et sociale (art. D 1142-5 du Code du travail). Concrètement, une nouvelle rubrique peut être créée dans la BDES ou les indicateurs peuvent intégrer la rubrique « égalité professionnelle » déjà existante. Attention, l’entrée en vigueur de cette nouvelle contrainte légale varie selon la taille de l’entreprise entre le 1er mars 2019 et le 1er mars 2020.

Désormais, si les résultats sont inférieurs à 75 points, l’entreprise aura 3 ans pour se mettre en conformité au risque d’une pénalité financière qui ne pourra excéder 1 % de la masse salariale. Aussi, l’employeur devra veiller à ce que la négociation obligatoire sur l’égalité professionnelle, qui doit en principe être organisée tous les 4 ans minimum, porte sur les mesures de correction et le cas échéant sur la programmation de mesures financières de rattrapage salarial. Si, au terme de la négociation, aucun accord n’est intervenu, un plan pour l’égalité professionnelle pourra être mis en œuvre par l’employeur, sous réserve d’avoir préalablement consulté et recueilli l’avis du comité social et économique.

Détachement 

La loi modifie la définition du travailleur détaché, assoupli certaines règles relatives au détachement (zones transfrontalières, obligations de déclarations) mais renforce les sanctions pour renforcer la lutte contre la fraude.

Par Clara Bellest.