le 19/10/2017

L’installation des crèches de Noël au sein des bâtiments publics continue de diviser

TA Lyon, 5 octobre 2017, n°1701752

A seulement un jour d’intervalle, le Tribunal administratif de Lyon est venu juger illégale la décision d’installer une crèche de Noël au sein de l’Hôtel de la Région Auvergne-Rhône-Alpes (TA Lyon, 5 octobre 2017, n°1701752), là où la Cour administrative de Nantes a jugé, au contraire, licite une telle pratique au sein de l’Hôtel du Département de la Vendée (CAA, 6 octobre 2017, n°16NT03735). C’est l’occasion de revenir sur la teneur de ce débat juridique.
Depuis plusieurs années déjà, la question de l’installation de crèches de Noël au sein de bâtiments publics suscite une vive polémique juridique et divise les acteurs du droit et parmi eux notamment les juridictions administratives.
Fermement attendues pour clore ce débat, les décisions rendues par le Conseil d’Etat le 9 novembre 2016 (n°3555122 et 395223) ont cependant été immédiatement commentées comme ouvrant de nouvelles incertitudes, à raison de la solution particulièrement complexe et ambiguë finalement retenue (voir notamment notre brève à ce sujet dans la LAJ du mois de novembre 2016).
Pour en synthétiser la teneur, la Haute juridiction est venue affirmer qu’il y avait lieu de distinguer les bâtiments publics des autres emplacements publics et d’appliquer les solutions suivantes :
– dans les bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public, une crèche de Noël ne peut pas être installée, sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif ou résulte d’un usage local ;
– dans les autres emplacements publics, compte tenu du caractère festif des installations liées aux fêtes de fin d’année, l’installation d’une crèche de Noël est légale, sauf si elle constitue un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse.
De nombreuses interrogations avaient alors été immédiatement soulevées quant à l’interprétation susceptible d’être effectuée des notions de « caractère culturel, artistique ou festif » et « d’usage local » augurant d’ores et déjà des applications divergentes émanant des juridictions du fond.
La survenance de ces difficultés ne se sera donc pas fait attendre !
A ce stade, il mérite cependant d’être relevé, et ce, malgré l’absence d’une jurisprudence abondante permettant de le confirmer, que le jugement du Tribunal administratif de Lyon semble s’inscrire bien davantage que celui de la Cour administrative de Nantes dans le sens des décisions du Conseil d’Etat.
Il apparait en effet manifeste que ne peut résulter d’un usage local ou présenter un caractère culturel, artistique ou festif l’installation d’une crèche de la Nativité, pour la première fois, au sein du hall de l’Hôtel de Région, en décembre 2016, alors qu’une telle pratique n’avait jamais été observée jusqu’alors, étant précisé, en outre, que le fait que cette crèche ait été réalisée par les artisans de la région ne lui conférait pas davantage un caractère artistique.
C’est dès lors, à notre sens, logiquement que le Tribunal administratif de Lyon a jugé illégale la décision du Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes d’installer une telle crèche au sein des locaux de l’Hôtel de Région.
L’arrêt de la Cour administrative de Nantes nous semble en revanche, pour sa part, plus largement contestable.
La Cour se fonde en effet sur le fait que l’installation d’une crèche de Noël dans le hall de l’hôtel du Département est récurrente depuis décembre 1990 et que cette crèche d’une hauteur de 2 mètres sur 3 mètres est située dans un hall de 1000 m2 ouvert à tous les publics et accueillant notamment des manifestations et célébrations laïques telles que l’Arbre de Noël des enfants des personnels départementaux et de celui de la DDASS.
Outre qu’on ne perçoit pas directement en quoi l’accueil, au sein du hall dans lequel est installée cette crèche, de manifestations festives, permettrait de conférer à l’installation de cette crèche de Noël également un caractère festif, il semble également contestable de considérer qu’une antériorité de vingt ans suffirait à considérer qu’une telle installation résulterait d’un usage local, alors que le Conseil d’Etat a, au contraire, jugé que ne pouvait se poursuivre l’installation d’une crèche municipale au sein de l’hôtel de ville de Melun pratiquée également depuis une vingtaine d’années selon les affirmations de son Maire (CE, 9 novembre 2016, n°395122).
Un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt a d’ores et déjà été annoncé par la Fédération de la libre pensée de Vendée.
Espérons que cette nouvelle saisine du Conseil d’Etat sur cette problématique permettra d’expliciter alors les notions d’usage local et de caractère culturel, artistique ou festif et, plus généralement, de clarifier la portée exacte de ses décisions du 9 novembre 2016, dont les premières décisions rendues sur leur fondement confirment s’il était besoin, leur caractère très ambivalent.
A suivre, encore, donc.