le 06/04/2020

Libertés publiques et virus : Attention fragile

Tout comme l’état de la santé de la population, l’état des libertés publiques, fortement remises en cause en ce moment si grave de la crise sanitaire, devra faire l’objet, d’une attention particulière, dans les temps qui suivront. 

Rédigé dans une phase de la pandémie où il reste presque impossible de déterminer si le nombre de ses nouvelles victimes enregistrerait un ralentissement   de la croissance exponentielle observée ces dernières semaines, le présent article veut croire en l’espoir né des informations parvenant de l’Asie et de quelques pays dont la situation s’améliore.  

Au moment où il apparaîtra possible de quitter ce « confinement » et cette « distanciation sociale », auxquels nous avons consenti, et continuons de consentir, pour préserver nos existences, rien ne sera plus urgent et important que de s’assurer qu’aucune des mesures instaurées pour répondre à cette crise sanitaire gigantesque ne demeurera. 

Les motifs justifiant la déclaration, le 24 mars 2020, de l‘état d’urgence sanitaire en France étaient, certes, graves et sans doute justifiés, comme l’ont laissé penser jusqu’à présent le nombre des personnes touchés et celui des décédés. 

Mais on ne peut, en cet instant même, ne pas ressentir combien nous avons accepté de renoncer, provisoirement, aux libertés essentielles : celle d’aller et venir, de nous réunir, d’entreprendre.  

Comme dans un contexte de guerre, chacun peut, à l’heure actuelle, devoir produire devant un policier, les documents l’autorisant à effectuer son déplacement.  

Chacun doit pouvoir démontrer qu’il n’aura pas passé plus d’une heure à l’extérieur de son lieu de confinement. 

La télévision ne nous offre-t-elle pas, régulièrement, le spectacle d’un promeneur isolé sur une plage, ou même à Paris, auquel un drone rappelle l’interdiction qu’il transgresse ? 

L’Etat d’urgence sanitaire permet en outre au gouvernement de légiférer par ordonnances, c’est-à-dire, dans le domaine réservé à la loi. Et les domaines de cette dernière les plus diverses ont été modifiés, pour tenir compte des spécificités des besoins de la crise sanitaire. 

Or, l’expérience montre qu’il n’est pas impossible de prendre l’habitude de vivre dans un état de restriction des libertés. 

L’état d’urgence, décrété le 13 novembre 2015, a été maintenu deux ans avant d’être levé, au mois de juin 2017. Mais une grande partie de son contenu a été intégré au droit commun. 

On a observé que l’exécutif, à la recherche des modalités d’un déconfinement qui viendra nécessairement, a d’abord chargé un comité de chercheurs et de médecins, « d’accompagner la réflexion des autorités sur l’opportunité de la mise en place d’une stratégie numérique d’identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées ».   

Mais le recours à des tels dispositifs de traçage numérique poserait la question de la protection des données personnelles. Aussi cette mesure est-elle envisagée avec beaucoup de prudence. 

C’est sans doute pour ces raisons que, à l’issue du Conseil des Ministres, la porte-parole du gouvernement, Mme Sibeth Ndiaye a jugé légitime le débat sur les libertés fondamentales demandé par Monsieur Jacques Toubon, Défenseur des droits. 

Par Jean-Louis Vasseur