le 27/04/2020

L’évaluation des capacités financières et techniques d’une société-fille exploitante soumise au régime des ICPE, et les pouvoirs du juge s’agissant de la rectification de l’autorisation environnementale

CE, 11 mars 2020, Société Eqiom, n° 423164.

Le 11 mars 2020, le Conseil d’État est venu préciser d’une part l’appréciation des capacités financières et techniques des filiales demandant une autorisation d’exploitation au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ci-après, « ICPE »), d’autre part les pouvoirs du juge dans la régularisation de l’autorisation environnementale.  

Le 6 décembre 2010, le préfet de la Charente-Maritime a autorisé une société à exploiter une unité de production de ciment et de liants hydrauliques par broyage, sur le fondement de la législation des ICPE. Le 18 novembre 2013, la société est substituée dans l’exploitation de l’installation par la maison-mère, qui la détient à 100%.  

Le 2 avril 2015, le Tribunal administratif a rejeté la demande d’annulation de l’arrêté préfectoral du 6 décembre 2010. Cependant, le même Tribunal avait accueilli, le 13 mai 2015, la demande d’annulation du même arrêté, formée par une commune et une communauté de communes. Le 12 juin 2018, la Cour administrative d’appel a rendu deux arrêts. Par le premier, elle a annulé le jugement du 2 avril 2015, ayant rejeté la requête, ainsi que l’arrêté préfectoral du 6 décembre 2010. Par le second, l’appel formé par la maison-mère devenue société exploitante, contre le jugement du 13 mai 2015 et ayant accueilli la demande d’annulation, a été rejeté. La Cour administrative d’appel estimait en effet que les informations fournies par la filiale ayant fait la demande d’autorisation au titre d’une ICPE n’étaient pas suffisamment précises et étayées sur ses capacités financières. Le Conseil d’État a pour sa part rejeté les différents moyens du pourvoi formé par la société-mère.  

Le Conseil d’État expose alors que les différentes obligations relatives à la composition du dossier de demande d’autorisation d’une ICPE constituent des règles de procédure, de sorte que toute omission ne constitue un vice que si elle a nui à l’information du public ou été de nature à influencer la décision de l’autorité administrative.  

A cet égard, on rappellera que les demandes d’autorisation de mise en service d’une ICPE nécessitent, selon l’article R. 512-3, 5° du Code de l’environnement, de renseigner « les capacités techniques et financières de l’exploitant ». Le juge retient que, malgré la circonstance selon laquelle l’article D. 181-15-2 du Code de l’environnement permet au pétitionnaire de justifier de ses capacités techniques au plus tard à la mise en service de l’installation, celui-ci n’est pas dispensé de « l’obligation de régulariser une irrégularité dans la composition du dossier au vu des règles applicables à la date de délivrance de l’autorisation dès lors que l’irrégularité en cause a eu pour effet de nuire à l’information complète du public ».  

En premier lieu, le Conseil d’État confirme la décision d’appel et retient que la précision, par la société filiale, de sa détention par la société-mère à 100%, « sans préciser s’il existait un engagement financier de la mère à l’égard de sa fille », permet de caractériser l’insuffisance de précisions par le dossier de demande sur les capacités techniques et financières, au sens de l’article R. 512-3 du Code de l’environnement.  

En second lieu, le Conseil d’État précise les pouvoirs du juge en matière d’autorisation environnementale. Sur ce point, l’article L. 181-18, I, 2° du Code de l’environnement donne pouvoir au juge de surseoir à statuer, lorsqu’un « vice entraînant l’illégalité de [l’autorisation environnementale] est susceptible d’être régularité par une autorisation modificative », jusqu’à l’expiration du délai fixé pour une telle modification. Les juges du Conseil d’État estiment que cette disposition est un pouvoir discrétionnaire en l’absence de conclusions en ce sens. Elle devient cependant une compétence liée dans le cas inverse : le Conseil d’État considère en effet que « lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu’il tient du 2° du I de l’article L. 181-18 du Code de l’environnement si les vices qu’il retient apparaissent, au vu de l’instruction, régularisables ». En l’espèce, le juge d’appel n’a pas été saisi de conclusions en ce sens. Les juges écartent donc le moyen tiré de l’erreur de droit de la cour administrative d’appel, qui a annulé l’arrêté litigieux alors qu’il aurait été régularisable selon les requérants.