le 11/07/2018

Les deux propositions de loi contre « la manipulation de l’information » ont été adoptées, en première lecture, par l’Assemblée nationale dans la nuit du 3 au 4 juillet

Proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information

Cette chronique le faisait observer, il y a peu, avant même que les propositions de loi anti-fausses nouvelles n’aient été déposées devant l’Assemblée nationale, ni examinées par le Conseil d’Etat, leur contenu, déjà dévoilé par la rumeur (!)…, suscitaient des interrogations sur certains risques qu’elles pourraient comporter pour les libertés.

Depuis, l’Assemblée nationale a adopté, dans la nuit du 3 au 4 juillet, les deux propositions de loi, après avoir connu une première séance d’examen très houleuse, qui a nécessité un report des travaux au mois de juillet.

Les députés disposaient, lors de ces débats, de l’avis rendu finalement, le 19 avril, par un Conseil d’Etat peu enthousiaste, qui commence par constater que le droit français contient déjà des dispositions visant à lutter contre la diffusion de fausses informations: la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les textes réprimant des propos erronés, diffamatoires, injurieux, rendus, de plus, applicables aux services de communication en ligne par la loi du 21 juin 2004.

Le Code électoral contient, en outre, fait observer le Conseil, des dispositions pour lutter contre la diffusion de fausses nouvelles (art 97 du Code électoral)).et le juge des référés peut être saisi pour faire cesser la diffusion de fausses informations.

L’avis du 19 avril admet que les moyens développés par des acteurs, parfois étrangers, pour lancer des fausses nouvelles pourraient être massifs et relayés par des plateformes numériques et relais sociaux, de telle sorte qu’un renforcement des moyens de lutter contre ces phénomènes n’est pas dépourvu d’une certaine pertinence.

Mais c’est pour ajouter aussitôt que la durée durant laquelle les mesures de transparence sont exigées des plateformes numériques doit être limitée et que la possibilité ouverte au juge judiciaire des référés de faire cesser, à la demande d’un candidat, durant les trois mois précédant un scrutin national, une diffusion de masse, en ligne, de fausses informations dans les 48 heures, présente des risques mal maîtrisés compte-tenu de la difficultés de réunir des preuves dans un délai si court.

L’examen  des débats , montre qu’il n’a pas toujours été aisé à la Rapporteuse de faire adopter des textes dont le but était, a-t-elle dû insister, non de viser les auteurs des fausses nouvelles, mais de faire cesser la diffusion de ces dernières.

La nouvelle formulation des « fausses informations » proposée depuis juin : « toute allégation ou imputation d’un fait, inexacte ou trompeuse, constitue une fausse information », ne suffisant pas à rassurer les députés sur l’objet réel des lois en débat, le texte a été amendé de façon à préciser que la procédure en référé ne concernait que la diffusion de mauvaise foi et délibérée de fausses informations.

Le fait que le titre des lois soit devenu, dès le débat en commission : « loi contre la manipulation de l’information », témoigne de la difficulté de proposer à des instances telles que le CSA ou le juge des référés, de dire ce qu’est une information fausse ou vraie.

Le débat a enfin porté sur les prérogatives accordées au CSA qui pourra sanctionner, suspendre, interrompre les services de télévision contrôlés par un Etat étranger portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, dont le fonctionnement régulier de ses institutions.

Les deux lois passeront ensuite devant le Sénat et il n’est nullement exclu qu’elles soient soumises au Conseil constitutionnel.