le 24/05/2018

L’encadrement, par le Conseil d’Etat, du pouvoir du préfet de dévolution des actifs nets immobilisés d’un Établissement et service social ou médico-social (ESSMS) fermé

CE, 26 mars 2018 n° 404819

Dans son arrêt n° 404819 du 26 mars 2018, le Conseil d’Etat a limité les pouvoir du préfet de dévolution des actifs nets immobilisé d’un Établissement et service social ou médico-social (ESSMS) fermé, au cas où son gestionnaire n’aurait pas choisi les modalités de versement des sommes concernées dans un délai de 30 jours.

Par arrêté en date du 31 mars 2010, le préfet et le président du Conseil général du Val d’Oise avaient prononcé la fermeture définitive de l’ensemble des 11 établissements et services gérés par l’association Le Colombier. Cette fermeture intervenait en application des dispositions de l’article L. 313-16 du Code de l’action sociale et des familles (CASF), qui prévoit ce type de mesures en cas de menaces sur la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes accueillies.

Le 29 octobre 2010, les mêmes autorités signaient, conjointement avec le directeur général de l’Agence régionale de santé, un arrêté procédant à la dévolution de l’actif net immobilisé des ESSMS gérés par l’association, au bénéfice de deux autres associations. L’association Le Colombier formait un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté, devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui rejetait sa demande par un jugement en date du 5 avril 2012. Après un rejet de son appel, elle saisissait le Conseil d’Etat qui cassait l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris et renvoyait l’affaire devant celle de Versailles, qui donnait à nouveau raison aux autorités signataires de l’arrêté.

Si cette affaire a donné lieu à un si long contentieux, c’est parce que les faits se situent dans une des zones d’ombre du CASF. En effet, ce dernier prévoit, par les dispositions combinées des articles L. 313-19 et R. 314-97, que, en cas de fermeture, le gestionnaire de l’établissement dispose d’un droit d’option quant au devenir de certaines sommes « affectées à l’établissement ou service fermé, apportées par l’Etat, l’ARS, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ou par les organismes de sécurité sociale » (article L. 313-19 CASF), et notamment les subventions d’investissement non amortissables, les excédents d’exploitation provenant de la tarification affectés à l’investissement.

Il peut ainsi attribuer ces sommes à une collectivité publique ou à un établissement privé, après accord de l’autorité ou des autorités ayant délivré l’autorisation. En cas d’absence du choix du gestionnaire, ou de refus de ce choix par l’autorité, il revient au préfet d’effectuer ce choix.

L’article R. 314-97 précise les modalités de cette redistribution en disposant que l’organisme gestionnaire de l’établissement fermé peut s’acquitter de l’obligation de reversement des subventions d’investissement en procédant à la dévolution de l’actif net immobilisé. Il dispose alors d’un délai de 30 jours pour choisir entre le versement des sommes au titre de l’article L. 313-19 ou la dévolution de l’actif net immobilisé. Passé ce délai il revient au préfet d’arrêter ce choix.

Le vide juridique en question concerne donc, pour le cas où le gestionnaire n’a pas fait état de son choix dans le délai de 30 jours, le devenir des sommes qui font partie de l’actif net immobilisé, mais qui ne sont pas couvertes par les dispositions de l’article L. 313-19. Sur ce point, le Conseil d’Etat se prononce clairement :
« Il en résulte que lorsque, passé ce délai de trente jours, l’organisme n’a pas fait connaître son choix, seul le reversement des sommes énumérées par l’article L. 313-19 du CASF peut être poursuivi par le préfet, le cas échéant, par application du régime de recouvrement forcé des créances publiques ».

Ainsi, appliqué au cas d’espèce, le préfet n’aurait pas dû prononcer la dévolution de l’ensemble de l’actif net des établissements ou services concernés par la fermeture.