le 31/03/2020

Le sort du contentieux des clauses résolutoires à la lumière de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020

Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété

L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et ce, durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée

Ladite ordonnance comporte un titre Ier relatif aux dispositions applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et un titre II portant sur les dispositions en matière de copropriété. 

Elle prévoit plusieurs dispositions permettant d’adapter le traitement des affaires nouvelles et en cours de traitement.  

A ce titre plusieurs points méritent une attention particulière notamment dans le contentieux des baux commerciaux et, plus précisément, des acquisitions de clauses résolutoires.  

Il convient dans la présente étude de résumer les points de l’ordonnance pouvant impacter le contentieux des clauses résolutoires (A) et, dans un second temps, d’apporter certaines observations et consignes à adopter dans ce contexte (B). 

 

A – Résumé des mesures de l’ordonnance pouvant impacter le contentieux des clauses résolutoires

L’ordonnance adapte la procédure civile pour permettre autant que possible le maintien de l’activité des juridictions civiles, sociales et commerciales malgré les mesures d’urgence sanitaire prises pour ralentir la propagation du virus covid-19. 

A ce titre, ladite ordonnance, en son article 4, prévoit des modalités simplifiées de renvoi des affaires. 

Également, l’ordonnance permet à la juridiction de statuer à juge unique en première instance comme en appel dès lors que l’audience de plaidoirie, la clôture de l’instruction ou la décision de statuer selon la procédure sans audience aura eu lieu pendant la période mentionnée à l’article 1er.  

Concernant, les nouvelles affaires et au regard du contexte actuel, l’ordonnance simplifie les modalités d’échange des écritures et des pièces des parties et prévoit que le président de la juridiction peut décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte et, si nécessaire, en chambre du conseil, c’est-à-dire hors la présence du public ainsi que des audiences dématérialisées (articles 6 et 7). 

Ainsi, les audiences pourront, en première instance comme en appel, avoir lieu par visioconférence.  

En cas d’impossibilité de recourir à un tel moyen, le juge pourra décider d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique.  

Pour éviter l’engorgement des audiences de référés maintenues, la juridiction pourra en outre, par ordonnance non contradictoire, rejeter une demande irrecevable ou qui n’en remplit pas les conditions (article 9). 

Dans ce contexte, il est suggéré de prendre d’importantes précautions pouvant aller jusqu’à suspendre toutes démarches initiales à ce type d’affaires et notamment la signification des commandements de payer ainsi que les sommations d’avoir à se conformer aux clauses du bail.  

 

B – Observations et consignes à adopter dans ce contexte

En fonction du type de problématique, voici certaines prescriptions à retenir.  

1 – Concernant le défaut d’exploitation d’un local commercial : 

En application des mesures de confinement, publiée le 12 mars 2020, tout défaut d’exploitation du local donné à bail ne pourra, en l’état actuel des choses faire l’objet d’une sommation d’avoir à exploiter signifiée par huissier.   

En effet, la signification d’un tel acte risquerait fortement d’être perçue, dans le cadre d’un recours au magistrat, comme caractérisant une mauvaise foi du bailleur.  

Le magistrat pourrait allait jusqu’à déclarer la nullité d’un tel acte.  

2 – Concernant le défaut de paiements et de charges : 

Concernant le défaut de paiement des loyers et charges qui pourraient justifier une action en acquisition de clause résolutoire de la part du bailleur, il semble, a priori, que les mesures de confinement ne soient pas incompatibles avec l’obligation de verser les loyers et charges.  

Or, il convient d’attirer l’attention des bailleurs sur le fait que les locataires seraient susceptibles d’invoquer lesdites mesures de confinement ainsi que le principe de l’exception d’inexécution (Article 1219 du Code civil) afin de s’opposer à toutes mesures telles que la signification d’un commandement de payer ou l’assignation aux fins d’expulsion pour impayés.  

3 – Concernant le non-respect de l’activité initialement prévue au bail 

Enfin, le non-respect de l’activité initialement prévue au bail par le preneur semble, lui, pouvoir être poursuivi malgré le contexte.  

Or, l’analyse et l’instruction d’un tel dossier implique un certain nombre d’éléments et de preuves qui semblent matériellement compliquées voire impossible à réunir et notamment les constats devant être réalisés par Huissier de Justice sur place directement et dans un contexte où la grande majorité des commerces sont fermés.   

4 – Concernant les audiences en cours 

L’ensemble des audiences concernant l’acquisition d’une clause résolutoire fait l’objet d’un renvoi automatique à une date ultérieure indéterminée. Les dates de renvoie seront communiquées aux parties par le service du greffe.  

Par Johann Petitfils-Lamuria