le 27/08/2020

Le droit de préférence légal de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce s’impose au bailleur, dans certaines conditions. La présente décision apprécie la marge de manœuvre dont celui-ci dispose lorsqu’il met en œuvre ce droit au profit de son preneur

CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 27 mai 2020, n° 19/09638

Par l’arrêt du 27 mai 2020 rapporté, la Cour d’appel de Paris est venue préciser les modalités de mise en œuvre du droit de préférence légal instauré à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, disposition déclarée d’ordre public par la 3e chambre civile de la Cour de cassation dans une décision du 28 juin 2018.  (Cass. Civ., 3ème, 28 juin 2018, n° 17-14.605, D. 2018. 1739).   

Alors qu’une procédure en fixation du loyer du bail renouvelé était pendante devant le juge des loyers, la bailleresse notifia à son preneur une offre de vente, par lettre recommandée en date du 19 octobre 2018, réitérée par acte d’huissier le 24 octobre 2018.  

L’offre était faite à un prix d’environ 5 millions d’euros (outre 300.000 € d’honoraires d’agence supportés par l’acquéreur). Le preneur contestait l’offre, le 29 octobre suivant. Le 9 novembre 2018, la bailleresse concluait avec un tiers acquéreur, une promesse unilatérale de vente sous réserve de la purge du droit de préférence du preneur, prorogée à plusieurs reprises, pour in fine expirer le 31 décembre 2020. 

La bailleresse assigna alors à jour fixe le preneur devant feu le Tribunal judiciaire de Paris – anciennement dénommé Tribunal de grande instance de Paris – afin de voir confirmer que la purge du droit de préférence légal avait bien été mise en œuvre par ses soins. Par jugement du 28 mars 2019, les juges confirmèrent que la bailleresse avait régulièrement purgé le droit de préférence, relevant que la locataire n’avait pas accepté cette offre. La locataire interjeta appel de cette décision devant la cour d’appel de Paris, qui la débouta de l’ensemble de ses demandes.  

Cet arrêt mérite d’être relevé en ce qu’il apporte et rappelle plusieurs précisions pratiques s’agissant de la vente d’un local commercial assujetti à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce. 

 

Point n° 1 : Les démarches relatives à la commercialisation du bien ne sont pas conditionnées à la mise en œuvre par le bailleur du droit de préférence légal 

C’est à notre sens, l’apport pratique le plus important de la décision rendue. S’agissant de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce, le droit de préférence du locataire prend naissance, au moment où « le propriétaire d’un local à usage commercial ou artisanal envisage » de le vendre. La difficulté tient à la définition du terme « envisager ». Selon le preneur, le droit de préférence doit préexister à toute initiative de la bailleresse quant à la vente de son bien. En d’autres termes, le preneur considérait que la bailleresse ne pouvait ni mandater un agent immobilier pour la mise en vente de son bien, ni même signer une promesse de vente sur ce bien. 

De manière particulièrement nette, la Cour d’appel a approuvé les juges du premier degré d’avoir rejeté cette argumentation, « le bailleur pouvait entamer des démarches aux fins de commercialisation de son bien, afin de déterminer sa valeur et de vérifier l’existence d’un marché ».  

 

Point n° 2 : La mention relative aux honoraires de l’intermédiaire immobilier dans la notification faite par le bailleur, n’entraîne pas la nullité de l’offre de vente 

Si le droit de préférence de l’article L. 145-46-1 du Code de commerce est d’ordre public, les erreurs relatives à son contenu ne sont pas toujours sanctionnées. En l’espèce, la bailleresse avait notifié le droit de préférence à son preneur, en faisant mention des honoraires de l’intermédiaire immobilier, mis à la charge de l’acquéreur. Si l’on sait de manière certaine que ces frais ne peuvent être imputés au preneur bénéficiant du droit de préférence, la bailleresse n’ayant nul besoin d’un agent immobilier pour réaliser cette vente, qu’en est-il lorsque la notification les fait figurer parmi les conditions financières de la vente projetée ? 

La position de la Cour est claire : « Le seul fait que l’offre de vente mentionne en sus du prix principal, le coût des honoraires de l’agent immobilier, sans introduire de confusion dans l’esprit de l’acquéreur, alors qu’ils ne sont pas dus, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente ».