le 27/08/2020

Le Conseil d’Etat apporte des précisions sur le contrôle de la pondération des critères de jugement des offres

CE, 10 juin 2020, Ministère de la défense, n° 431194

Dans un arrêt du 10 juin 2020, le Conseil d’Etat a précisé que l’acheteur public pouvait librement déterminer la pondération des critères de jugement des offres sauf à ce que celle-ci conduise à ne pas retenir l’offre économiquement la plus avantageuse, le juge se limitant à un contrôle restreint de la pertinence de la pondération retenue par l’acheteur. 

Dans cette affaire, le Ministère de la défense a lancé, selon une procédure adaptée, la passation d’un marché à bons de commande, en vue de la réalisation, notamment, de prestations de formation « achats publics ». A l’issue de l’analyse des offres, celles du groupement constitué des sociétés Erics Associés et Altaris ont été rejetées. Ces dernières ont formé un recours devant le Tribunal administratif de Rennes pour contester leur éviction, rejeté par la juridiction de première instance. 

Les sociétés évincées ont donc interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Nantes, qui a quant à elle considéré que la pondération des critères de jugement des offres, de 90% pour la valeur technique et de 10% pour le critère prix, était « particulièrement disproportionnée », et qu’elle conduisait à « neutraliser manifestement le critère du prix ». Ce faisant, la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Rennes.  

Saisi par le ministre des armées, le Conseil d’Etat ne suit pas le même raisonnement.  

D’une part, il rappelle, reprenant sa jurisprudence antérieure[1], que dans le cadre d’une procédure adaptée, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de procéder à une pondération des critères mais peut se contenter d’une simple hiérarchisation de ces derniers[2].  

D’autre part, il précise que « le pouvoir adjudicateur détermine librement la pondération des critères du choix des offres. Toutefois, il ne peut légalement retenir une pondération, en particulier pour le critère du prix ou du coût, qui ne permettrait manifestement pas, eu égard aux caractéristiques du marché, de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse ».  

La jurisprudence admettait déjà que le juge administratif contrôle la pertinence de la pondération des critères de jugement des offres[3]. Le Conseil d’Etat précise désormais dans cet arrêt que l’acheteur public détermine librement cette pondération, soumise à un contrôle restreint de la part du juge[4], qui devra seulement éviter qu’elle conduise à rejeter l’offre économiquement la plus avantageuse.  

Dans ce cadre, le Conseil d’Etat estime qu’au cas présent, la pondération prévue par le règlement de la consultation, à savoir un critère valeur technique pondéré à 90% et un critère prix pondéré à 10%, n’est pas manifestement disproportionnée ni de nature à neutraliser manifestement le critère prix. Par suite, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes. 

[1] Voir en ce sens les conclusions de M. Bertrand DACOSTA, commissaire du gouvernement, sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 janvier 2009, ANPE, n° 290236 

[2] On rappellera que dans le cadre d’une procédure adaptée, l’acheteur public est libre de procéder à la pondération ou à la hiérarchisation des critères de sélection des offres, alors qu’en procédure formalisée, il est tenu de procéder à la pondération des critères sauf si celle-ci s’avère impossible (voir en ce sens l’article R. 2152-11 du Code de la commande publique). 

[3] Voir notamment en ce sens CE, 7 mai 2013, Département de Paris, n° 364833 

[4] Limité à contrôler les erreurs manifestes d’appréciation