le 12/04/2018

Le Conseil Constitutionnel se prononce sur certaines mesures de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme

Décision n° 2017-695 QPC du 29 mars 2018

A l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil Constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer à nouveau sur le texte de « succession » à l’état d’urgence, c’est-à-dire la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017, qui a créé ou modifié un certain nombre de dispositions du Code de la sécurité intérieure, dont l’une, l’article 228-2 dudit Code, avait déjà été partiellement censuré par les Sages, qui avaient également émis des réserves d’interprétation (décision QPC du 16 février 2018, M. Farouk B., n° 2017-691).

Plusieurs dispositions étaient ici critiquées.

Tout d’abord, s’agissant des périmètres de protection pouvant être institués par les préfets dans les zones exposées à un risque d’acte de terrorisme, au sein desquels l’accès et la circulation sont réglementés (et peuvent notamment être conditionnés par des palpations de sécurité, une inspection visuelle ou une fouille de bagages), le Conseil constitutionnel retient la conformité à la Constitution des dispositions contestées mais émet trois réserves d’interprétation :

  • l’assistance des agents de la force publique par des agents agréés exerçant des missions privées de sécurité doit avoir lieu sous réserve de la continuité et l’effectivité du contrôle exercé par les premiers sur ces derniers ;
  • les mesures de contrôle ne peuvent avoir lieu que sur la base de critères « excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes» (§ 33) ;
  • le renouvellement de la mesure, dont la durée de validité est d’un mois, est subordonné à la démonstration par le Préfet de la persistance du risque.

Dans ces conditions, les Sages jugent que la mesure permet une conciliation non manifestement déséquilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l’ordre public et la liberté d’aller et de venir ainsi que le droit au respect de la vie privée.

S’agissant de la fermeture provisoire des lieux de culte pour prévenir la commission d’actes de terrorisme, les juges ont souligné l’existence de plusieurs garanties (notamment, la mesure doit être justifiée et proportionnée aux raisons l’ayant motivée, elle a une durée limitée à six mois sans renouvellement possible) et retenu qu’il existait ainsi une conciliation non manifestement déséquilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle précité et la liberté de conscience et le libre exercice des cultes et qu’aucune autre liberté ou droit que la Constitution garantit, tels que la liberté d’expression et de communication et le droit d’expression collective des idées et des opinions, n’était méconnu.

En outre, le Conseil constitutionnel reconnaît la constitutionnalité des dispositions relatives aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (telles que l’interdiction de fréquenter certaines personnes), au regard notamment du droit de mener une vie familiale normale et du droit au respect de la vie privée, sous plusieurs réserves :

  • il doit être tenu compte, dans la détermination des personnes dont la fréquentation est interdite, des liens familiaux de l’intéressé ;
  • la mesure ne peut excéder une durée totale cumulée, continue ou non, de douze

Il censure par ailleurs le délai de quatre mois laissé au juge administratif pour se prononcer sur une demande d’annulation d’une telle mesure, en considérant que ce délai doit être plus bref, ainsi que la possibilité de renouvellement de la mesure au-delà de six mois sans qu’un juge du fond puisse être préalablement saisi, seule la saisine du juge des référés-liberté ayant été prévue.

Enfin, s’agissant des visites et saisies à des fins de prévention du terrorisme, le Conseil censure l’absence de règle encadrant l’exploitation, la conservation et la restitution des documents et objets saisis au cours de la visite (alors que des règles sont bien prévues pour les données et supports) au titre de la méconnaissance du droit de propriété.

La première et la dernière déclaration d’inconstitutionnalité sont d’effet immédiat, tandis que la seconde (saisine d’un juge du fond en cas de renouvellement de mesures de contrôle et de surveillance) prend effet au 1er octobre 2018.

Communiqué de presse – 2017-695 QPC