le 23/01/2020

Le changement d’affectation des agents victimes de harcèlement moral

CE, 19 décembre 2019, n° 419062

L’article 6 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portants droits et obligations des fonctionnaires prévoit une protection particulière s’agissant des agents victimes d’agissements de harcèlement moral. Il dispose en effet qu’ « aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu’il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa […] ».

Par une décision en date du 19 décembre 2019, le Conseil d’Etat est venu apporter une nuance à cette interdiction de principe, en précisant que l’administration peut imposer à l’agent victime de harcèlement moral une mesure relative à son affectation, à sa mutation ou à son détachement, mais dans son intérêt ou dans l’intérêt du service.

Le Conseil d’Etat précise dans cet arrêt que l’appréciation du juge administratif sur la légalité d’une telle mesure s’opère en deux temps.

Ainsi, lorsqu’une telle mesure est contestée devant lui par un agent public au motif qu’elle méconnaît les dispositions précitées de l’article 6 quinquies, il incombe d’abord au juge administratif d’apprécier si l’agent a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral. S’il estime que tel est le cas, il lui appartient, dans un second temps, d’apprécier si l’administration justifie n’avoir pu prendre, pour préserver l’intérêt du service ou celui de l’agent, aucune autre mesure, notamment à l’égard des auteurs du harcèlement moral.

En l’espèce, l’agent, commandant de Port en position de détachement depuis son Ministère d’origine, avait déposé une plainte pénale pour des faits de harcèlement moral à la suite de tensions avec le directeur général du Port. L’autorité administrative avait en conséquence mis fin à son détachement et l’agent déposé un recours en annulation à l’encontre de cette mesure, confirmée par le Tribunal puis la Cour.

Le Conseil d’Etat a cependant considéré que la Cour avait commis une erreur de droit, dès lors qu’elle n’avait pas recherché si l’agent avait été victime d’agissements de harcèlement moral de la part du directeur général du Port et, dans l’affirmative, si son administration d’origine justifiait n’avoir pu prendre d’autre mesure que la mesure litigieuse pour préserver l’intérêt du service et celui de l’agent.

Par conséquent, si l’administration peut édicter une telle mesure à l’encontre d’un agent victime de harcèlement moral, ce n’est qu’à la condition qu’elle soit en capacité de démontrer qu’elle n’a pu prendre aucune autre mesure pour préserver l’intérêt du service ou celui de l’agent. A défaut, la mesure pourrait en effet être regardée comme fondée sur la dénonciation du harcèlement et, de ce fait, jugée irrégulière.