le 24/09/2020

L’anonymat incompatible avec les titres de propriété industrielle : Banksy perd sa marque « le lanceur de fleurs »

Le célèbre street-artiste qui maintient le mystère autour de son identité depuis plus de vingt ans vient de connaitre une déconvenue dont son anonymat est à l’origine.

En effet, l’artiste avait attaqué une entreprise anglaise de papeterie « Full Colour Black » lui reprochant d’avoir utilisé l’une de ses œuvres les plus connues, « le lanceur de fleurs », et ce à des fins commerciales.

En réplique, l’entreprise Full Colour Black, demandait à l’office européen des marques de faire invalider la marque représentant le célèbre lanceur de fleurs peint par l’artiste en 2005 sur un mur de Jérusalem et déposée avec succès en 2014 par l’organisation chargée de représenter l’artiste, Pest Control Office.

Cette entreprise invoquait notamment l’anonymat de l’artiste ne permettant alors pas de l’identifier comme l’auteur indubitable de ces œuvres et un dépôt de mauvaise foi car réalisée sans avoir l’intention de l’utiliser pour des produits ou service à des fins commerciale.

Après deux années de bataille judiciaire, le comité de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a tranché en défaveur de l’artiste et fait invalider sa marque dans une décision publiée le 17 septembre 2020.

En effet l’EUIPO a jugé que « il est clair que lorsque Banksy a déposé la marque, il n’avait aucune intention d’utiliser l’œuvre pour commercialiser des biens ou fournir des services. Le problème que posent les droits de Banksy sur l’œuvre « Le Lanceur de fleurs » est clair : protéger ses droits au titre de la propriété intellectuelle exigerait qu’il perde son anonymat, ce qui nuirait à son personnage. Par conséquent, il ne peut pas être identifié comme le propriétaire incontestable de telles œuvres ».

De plus, le comité a ajouté que l’artiste utilisait pour support des lieux publics ou privés, sans aucune permission et ne pouvait donc se réclamer propriétaire de ses œuvres.

En octobre 2019, Banksy avait pourtant ouvert une boutique à Croydon, dans le sud de Londres, pour contester à la société Full Colour Black le droit de vendre légalement sa fausse marchandise Banksy.

Toutefois cette initiative n’a pas eu l’effet escompté et serait même venu affaiblir le dossier de l’artiste puisque l’EUIPO a relevé que que Banksy vendait dans ce magasin des marchandises « inexploitables et offensantes », dont des boules de discothèque « fabriquées à partir de casques antiémeutes usagés de la police ».

Pour l’EUIPO, l’artiste n’avait pas pour intention d’exploiter la marque « le Lanceur de Fleurs » pour vendre des marchandises mais « pour contourner la loi » et empêcher que Full Colour Black ne l’utilise.

Aaron Mills, avocat de l’éditeur de carte de vœux interrogé par le site spécialisé World Trademark Review, a d’ailleurs réagit à propos de cet argument et estime que le jugement pourrait signifier que d’autres marques de Banksy sont concernées :

« S’il n’y a pas d’intention d’utiliser la marque, alors elle est invalide. En réalité, toutes les marques de Banksy sont en danger »

Dès lors si l’anonymat de Banksy est la marque de fabrique de l’artiste ainsi que de ses œuvres d’art, cela vient néanmoins de lui porter préjudice et il pourrait voir un grand nombre de ses marques invalidées.

La question à laquelle il faudra répondre est donc celle de savoir si Banksy risque de perdre la propriété de ses œuvres ?

Par Manon Boinet