le 06/04/2020

La suspension des clauses de résiliation et de renouvellement des contrats

Circulaire du Ministère de la Justice du 26 mars 2020 N°CIV/01/20 de présentation des dispositions du titre I de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période. NOR : JUSC 2008608C

Article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

 

La loi n° 2020-290 du 23  mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (JO 24 mars), entrée en vigueur le 24 mars, instaure un état d’urgence sanitaire. En son article 11, cette loi autorise le gouvernement « à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de [s]a publication […], toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi ». 

Plus particulièrement, par l’ordonnance n° 2020-306, le gouvernement se prononce sur les modalités de prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et l’adaptation des procédures pendant cette même période. 

Une circulaire du 26 mars 2020 (circ. n° CIV/01/20 du 26 mars 2020, d’application immédiate) vient également préciser les dispositions du titre Ier de cette ordonnance. 

Ainsi, plus particulièrement s’agissant des contrats, l’ordonnance n° 2020-306, aux termes de son article 5, se prononce sur la résiliation et la tacite reconduction d’un contrat au cours de cette même période. 

 

I – Le dispositif de suspension 

Plus précisément, l’article 5 de l’ordonnance n°2020-306 indique que : 

« Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s’ils expirent durant (l’état d’urgence sanitaire) de deux mois après la fin de cette période ». 

Il s’agit notamment des conventions et contrats prévoyant, de manière très courante, un renouvellement du contrat par tacite reconduction sauf dénonciation par une des parties dans un certain délai (baux civils, conventions d’occupation…). 

Préalablement, il convient de préciser le champ d’application ainsi que le délai d’une telle disposition dont le principe est posé par l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306. 

 

1 – Le champ d’application 

S’agissant du champ d’application des contrats et conventions visées, l’article 1er exclut du champ d’application du titre I, et par conséquent des dispositions prévues par l’article 5, notamment : « les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou en application de celle-ci. » (Article 1er, II-5°). 

Par conséquent, l’ensemble des matières non exclues sont couvertes par ces dispositions, ce qui inclut notamment tous types de contrats en matière immobilière mais également les contrats en matière commerciale, qui n’auraient pas été spécifiquement adaptés par d’autres textes pris en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020.  

 

2 – Le délai de suspension 

L’article 1er précise que les dispositions du titre I de l’ordonnance sont ainsi applicables aux « délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ».  

Par conséquent, les délais de prorogation prévus par les articles du Titre I de l’ordonnance n° 2020-306, dont l’article 5, s’ajoutent à ce délai d’un mois suivant l’expiration de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

Par conséquent, le délai fixé par l’article 5 qui prévoit une prorogation de deux mois, est par application de cet article 1er porté à trois mois à compter de la cessation de l’état d’urgence

 

II – Application du dispositif

L’objectif de cette mesure est d’empêcher qu’une partie se retrouve prisonnière d’un contrat qu’elle n’a pas pu dénoncer pendant la période de neutralisation. 

Ainsi, si la date anniversaire d’un contrat est le 20 avril 2020, et qu’il est stipulé que ledit contrat sera tacitement reconduit sauf notification de la résiliation 1 mois avant son terme. Chaque partie dispose d’un délai expirant le 20 mars 2020 pour s’opposer à son renouvellement. 

Toutefois, en l’espèce, ce délai ayant expiré durant la période juridiquement protégée prévue à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306, le contractant pourra encore s’opposer au renouvellement du contrat dans les deux mois qui suivent la fin de cette période, soit dans les trois mois qui suivent la cessation de l’état d’urgence. 

Les praticiens ne manqueront pas toutefois de soulever une difficulté dans la mise en place de ce mécanisme : l’ordonnance n° 2020-306 ne prévoit pas quels sont les effets sur l’exécution du contrat concerné, qui peut être très fortement impactée par une telle mesure. 

Par Samira Nina