le 11/07/2018

La SAC : un outil de contrôle et de coordination à construire autour d’un pacte fort entre ses membres

Loi ELAN

Pour mettre en œuvre la réforme structurelle du tissu HLM, le gouvernement propose aux organismes HLM de se regrouper au sein de sociétés anonymes de coordination, telles que définies à l’article 25 du projet de loi Elan. Il est ainsi prévu de modifier le régime juridique des anciennes sociétés de coordination défini actuellement à l’article L. 423-1-1 du Code de la construction et de l’habitation.

Cette SAC « version Elan » sera un nouvel organisme d’habitations à loyer modéré et disposera de compétences et de pouvoirs forts sur ses membres. Ce qui doit appeler la plus grande attention des organismes HLM qui comptent mobiliser cet outil et les amener à construire leur projet de regroupement.

UNE RESPONSABILITÉ FINANCIÈRE

Chargée d’élaborer le cadre stratégique patrimonial du groupe mais également son cadre stratégique d’utilité sociale, la SAC sera responsable de la coordination des stratégies de chacun de ses membres.

Cette nouvelle « holding par le bas » qui s’inspire des organes centraux des groupes bancaires coopératifs, pourra donc être amenée à influer sur les trajectoires de ses membres. Et notamment sur leurs trajectoires financières. Bien que les associés de la SAC ne soient responsables qu’à hauteur de leurs apports du passif de cette société anonyme, on retiendra en effet que selon la dernière version du projet de loi, la SAC pourra « prendre les mesures nécessaires pour garantir la soutenabilité financière du groupe ainsi que de chacun des organismes qui le constituent ».

Si la rédaction initiale allait jusqu’à affirmer une notion de solidarité financière entre les membres de la SAC, notion qui certes a bien été retirée de la rédaction actuelle du texte, on conviendra aisément que ce renvoi au concept de soutenabilité financière, là encore inspiré du code monétaire et financier, devra attirer l’attention des futurs membres sur leurs obligations futures [L’USH engage d’ailleurs le Sénat à préciser ces notions.

POUVOIRS D’IMMIXTION DANS LA GESTION DES ORGANISMES HLM

Le législateur prévoit d’ailleurs, afin de garantir cette soutenabilité financière, de permettre à la SAC de s’immiscer directement dans la gestion de ses membres.

La SAC sera par exemple chargée d’assurer le contrôle de gestion des organismes qui seront ses associés, d’élaborer une combinaison de leurs comptes annuels et de porter à la connaissance de l’organe délibérant les documents individuels de situation de ses associés.

Si la situation financière d’un organisme le justifie, elle pourra mettre en demeure celui-ci de lui présenter les mesures qu’il s’engage à prendre en vue de remédier à sa situation dans un délai raisonnable.

Mieux encore, la SAC pourra décider d’interdire ou de limiter la distribution du résultat ou la réalisation d’un investissement d’un de ses membres.

Enfin, et à défaut de rétablissement de la situation, et nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, la SAC pourra décider de la cession totale ou partielle du patrimoine locatif conventionné de cet organisme ou sa fusion avec un autre organisme du groupe après consultation préalable des organes dirigeants des organismes concernés.

La capacité d’intervention de la SAC sur ses membres pourra donc être importante, celle-ci ayant pour rôle d’assurer la cohésion du groupe.

UN RÔLE DE COORDINATION ET DE MUTUALISATION

La SAC sera également chargée de construire l’efficacité opérationnelle et économique du groupe.

Elle définit la politique technique des associés, mais également une politique d’achat des biens et services, hors investissements immobiliers, nécessaires à l’exercice par les associés de leurs activités et développe une unité identitaire des associés.

La SAC pourra également organiser la mise à disposition des ressources disponibles, par voie, notamment, de prêts et d’avances et, plus généralement, par la conclusion de toute convention visant à accroître la capacité d’investissement des associés. Bénéficiant d’une nouvelle exception au monopole bancaire, elle pourra donc organiser les mutualisations de fonds propres entre ses membres, bien qu’ils n’aient pas de lien en capital. On rappellera à cet égard que les avances et prêts entre organismes, y compris entre mères et filles, restaient pratiquement impossibles à mettre en place, suite notamment à quelques défaillances, jusqu’à la loi du 17 mai 2011. Laquelle a autorisé ces mouvements uniquement entre sociétés liées en capital.

Enfin, la SAC pourra assurer la mise en commun de moyens humains et matériels au profit de ses actionnaires, en assistant, comme prestataire de services, ses actionnaires organismes d’habitations à loyer modéré dans toutes les interventions de ces derniers sur des immeubles qui leur appartiennent ou qu’ils gèrent.

Elle pourra également exercer, après y avoir été spécialement agréée, certaines des compétences communes aux OPH et aux ESH, sans pour autant être habilitée à construire et gérer du logement social. Deux compétences que le projet de loi ne lui prête pas, en l’état, preuve s’il en fallait qu’elle ne saurait être l’outil d’une fusion à terme de ses membres.

UNE GOUVERNANCE À ADAPTER AU PROJET D’ALLIANCE

La gouvernance devra donc être savamment conçue, les membres devant construire leur affectio societatis autour de ces pouvoirs et prérogatives.  Elle devra aussi tenir compte de la présence des collectivités locales d’implantation du patrimoine et des locataires, ce qui pourrait faire beaucoup de monde au banquet de la noce.  Il conviendra également d’anticiper les éventuelles évolutions du périmètre des membres ainsi que leurs possibilités de sortie.

En conclusion, les futurs époux, le cas échéant après une première période de maraîchinage, devront donc réussir préalablement leurs accordailles, en se confiant leurs espérances et leurs objectifs stratégiques et en se préparant à s’accorder une confiance mutuelle…