le 15/03/2018

La récente décision de la Cour de cassation en matière d’obligation de délivrance et les dispositions à prendre par le bailleur

Cass., 3ème civ., 18 janvier 2018, n° 16-26.011

Une association preneuse assigne la bailleresse en paiement de travaux de désamiantage effectué par son promoteur immobilier qui était chargé de réhabiliter le même immeuble.

La Cour de cassation fait droit à sa demande estimant que « les obligations pesant sur le promoteur immobilier envers le preneur, au titre des travaux de réhabilitation d’un immeuble loué, n’exonèrent pas le bailleur, tenu d’une obligation de délivrance, de la prise en charge des travaux nécessaires à l’activité stipulée au bail, sauf clause expresse contraire ».

Si nous avons pu observer que cette décision fait écho à une précédente jurisprudence du 1er juin 2005[1], il n’en demeure pas moins qu’elle peut s’avérer assez sévère pour le bailleur d’autant plus la preneuse, ainsi que l’a rappelé la Cour d’appel, avait une parfaite connaissance de l’état de l’immeuble et des travaux nécessaires à sa réhabilitation, notamment au regard des descriptions contenues dans le projet de promotion immobilière.

Toujours est-il que la Cour de cassation admet dans sa décision que par une « clause expresse contraire » les parties puissent convenir d’un réaménagement de l’obligation de délivrance incombant au bailleur.

Cette voie dérogatoire s’inscrit elle-aussi dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 3 juillet 2003, observait au regret d’une bailleresse « qu’aucune clause contractuelle ne la déchargeait de son obligation de délivrance d’un local immédiatement utilisable »[2].

Il apparaît dès lors absolument indispensable pour le bailleur de se prémunir contre tout effet de surprise susceptible de résulter des initiatives du preneur à la suite de la délivrance des lieux loués.

Il serait dès lors utile pour le bailleur, avant toute offre de bail, de procéder au diagnostic amiante avant travaux (DDAT) ou de clairement convenir avec le preneur que ces travaux seront pris en charge par lui, et d’insérer cet accord dans une clause expresse du contrat de bail.

En tout état de cause, si le bailleur entend se mettre à l’abri de la sévérité de l’obligation de délivrance telle qu’interprétée par la Cour de cassation, il importe pour les parties de prévoir au contrat de bail une clause expresse dérogatoire.

Celle-ci pourra notamment préciser que toutes diligences nécessaires à l’accomplissement de travaux suite à la délivrance des locaux, conformément à l’accord des parties, sont à mettre la charge du preneur.

Néanmoins, pour être dénuée de toute ambiguïté ou des critiques du juge, cette clause devra être accompagnée d’informations suffisantes susceptibles de permettre au preneur de donner un consentement éclairé.

[1] Civ. 3e, 1er juin 2005, n° 04-12.200. 

[2] Civ. 3e, 2 juillet 2003, n° 01-16.246.