Environnement, eau et déchet
le 06/04/2020
Solenne DAUCÉ
Arthur GAYET

Droit public – La prorogation des délais échus et l’adaptation des procédures pendant la période d’urgence sanitaire avec focus en droit de l’urbanisme

Ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif

Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période

Deux ordonnances relatives aux procédures administratives contentieuse et non-contentieuse ont été publiées le 26 mars 2020 au Journal officiel. 

I – Ordonnance portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif   

Cette ordonnance est applicable à la procédure contentieuse.  

Champ d’application organique, temporel et matériel. Les dispositions de cette ordonnance sont en principe applicables à l’ensemble des juridictions administratives, sauf lorsqu’elle en dispose autrement, notamment s’agissant de mesures qui ne s’appliquent qu’au sein de certaines de ces juridictions, et ce du 12 mars 2020 à la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire. Elles ont donc notamment une portée rétroactive.  

Cette ordonnance adapte aux exigences liées à l’état d’urgence sanitaire les règles relatives à l’organisation et au fonctionnement des juridictions qu’elle vise. Hormis les adaptations prévues aux articles 3 et 4, qui sont relatives à l’organisation interne des juridictions et qui, parce qu’elles intéressent essentiellement ces dernières, ne seront pas davantage commentées ci-après, les dispositions de l’ordonnance sont relatives à la tenue de l’audience (A), aux communications entre les parties, leur mandataire et la juridiction administrative (B) et aux délais imposés aux juges et aux parties (C). 

 

A – Règles relatives à la tenue de l’audience 

Les présidents de formation de jugement sont investis de pouvoirs spécifiques puisqu’ils peuvent décider que les audiences seront tenues à huis clos, ou en publicité restreinte avec un nombre limité de personnes (article 6), et pourront dispenser le rapporteur public qui en aurait fait la proposition d’exposer ses conclusions lors de l’audience (article 8). 

L’article 7 de l’ordonnance permet aux juridictions administratives de tenir leurs audiences par un moyen de communication audiovisuelle ou, lorsque cela est impossible, d’imposer aux parties par une décision insusceptible de recours une audience par tout autre moyen de communication électronique, y compris téléphonique. Les moyens utilisés doivent permettre de s’assurer de l’identité des parties et de garantir la qualité de la transmission. Les moyens mis en œuvre doivent également garantir la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats, lorsque l’audience est réalisée par un moyen de communication visuelle, et de tous les échanges lorsque l’audience est tenue par tout autre moyen de communication électronique. Le juge devra s’assurer du bon déroulement des échanges entre les parties et veiller au respect des droits de la défense et au caractère contradictoire des débats. Il sera dressé procès-verbal par le greffe des opérations effectuées. 

D’autres dispositions de cette ordonnance permettent au juge de statuer sans audience. Il en est ainsi d’une part des référés, l’article 9 de l’ordonnance prévoyant alors que le juge, qui devra préalablement en informer les parties et fixer une date de clôture d’instruction, statue par ordonnance motivée qui sera non susceptible d’appel sauf en matière de référé-liberté, et, d’autre part, des demandes de sursis à exécution de jugements ou ordonnances présentées devant les Cours administratives d’appel (article 10).  

 

B – Communications 

Le déroulement de la procédure d’instruction est adapté par l’article 5 de l’ordonnance qui énonce que : « La communication des pièces, actes et avis aux parties peut être effectuée par tout moyen ».  

En outre, l’ordonnance permet de procéder à la publicité des décisions par mise à disposition au greffe de la juridiction, au lieu de la prononcer en audience publique en application de l’article R. 741-1 du Code de justice administrative (CJA) (article 11). Par ailleurs, elle adapte les règles applicables à la signature de la minute des décisions (article 12), laquelle pourra être signée par le président de la formation de jugement uniquement et non plus nécessairement par le magistrat rapporteur ou l’assesseur le plus ancien, et le greffier ou le secrétaire. Il est également permis de procéder à la notification de la décision par envoi à l’avocat des parties, et non plus directement aux parties elles-mêmes (article 13). 

 

C – Délais 

Les délais imposés aux parties et aux juges pour introduire, instruire et juger les requêtes sont adaptés. 

S’agissant du délai incombant aux parties pour introduire les requêtes, l’ordonnance, qui opère un renvoi à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du même jour, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et l’adaptation des procédures pendant cette même période (article 15), organise un mécanisme de report de l’échéance des délais de recours contentieux qui viendraient à expirer pendant la période de crise. Le renvoi opéré par l’article 15 soulève toutefois un doute sur les délais qui pourront bénéficier de ce report d’échéance, car est visée la « période mentionnée à l’article 2 » sans davantage de précision sur le point de savoir s’il s’agit de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-305 commentée ou de l’ordonnance n° 2020-306 (alors que dans ce dernier cas aucune période n’est visée, l’article 2 renvoyant sur ce point à l’article 1er). Cette imprécision a des effets sur la période de référence à prendre en compte pour apprécier si le mécanisme de report d’échéance est applicable, dès lors que la période mentionnée à l’article 2 de l’ordonnance commentée est plus restreinte que la période visée à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306. Par suite, si l’on devait considérer que l’article 15 opère un renvoi à l’article 2 de la même ordonnance, les délais qui devraient bénéficier d’un report de leur échéance seraient ceux devant expirer durant la période de l’état d’urgence sanitaire, non augmentée d’un délai d’un mois. Au contraire, si l’on considère que l’article 15 renvoie à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, lequel renvoie à son article 1er, les délais bénéficiant d’un report de leur échéance seraient ceux devant expirer durant la période de l’état d’urgence sanitaire augmentée d’un mois.  À cet égard, il importe de noter que le Conseil d’État a indiqué dans une fiche pratique que les délais visés étaient ceux expirant entre le 12 mars 2020 et un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire1. Il apparait donc que l’article 15 de l’ordonnance commentée opère un renvoi à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306, bien qu’il convienne d’être vigilant sur ce point. Il apparaît donc devoir être déduit que le terme ou l’échéance du délai imparti pour introduire une requête et expirant entre le 12 mars 2020 et un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire est reporté à l’issue de cette période pour toute la durée du délai initialement fixé et dans la limite de deux mois. Des exceptions à cette règle de report sont néanmoins énumérées en droit des étrangers et en droit électoral. En matière électorale particulièrement, le point de départ du délai pour introduire les protestations électorales à l’encontre des opérations électorales du premier tour des élections municipales, organisé le 15 mars 2020, est reporté à la date de prise de fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès ce tour (date qui devra en principe être fixée par un décret, conformément au III de l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020), pour expirer au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour suivant cette date de prise de fonction. 

Lorsqu’une clôture d’instruction doit intervenir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, celle-ci est prorogée de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge (article 16).  

Lorsque le juge doit statuer dans un délai qui lui est imparti durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, le point de départ de ce délai est en principe reporté au premier jour du deuxième mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire. Deux dérogations sont néanmoins prévues, une en droit des étrangers, une en droit électoral. Il est ainsi précisé en matière de droit électoral que, sous réserve de l’hypothèse où le juge électoral doit surseoir à statuer jusqu’à réception des décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, le délai imparti au juge pour statuer expire le dernier jour du quatrième mois suivant le deuxième tour de ces élections (article 17). 

 

II – Ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période 

Cette ordonnance est applicable aux procédures administratives contentieuses et non-contentieuses. Elle est divisée en trois titres : un Titre Ier comportant les Dispositions générales relatives à la prorogation des délais (A), un Titre II comportant d’Autres dispositions particulières aux délais et procédures en matière administrative (B) et un Titre III comportant les Dispositions diverses et finales (C).  

Il convient tout d’abord de noter que l’article 1er de cette ordonnance définit une période de référence s’étendant du 12 mars 2020 à l’expiration d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire. De nombreux délais et mesures, identifiés par cette ordonnance et expirant au cours de ladite période, seront prorogés selon des modalités précisées par le texte.  

 

A – Titre I : Dispositions générales relatives à la prorogation des délais 

Le Titre I identifie les délais pouvant bénéficier des mesures de prorogation prévues par l’ordonnance (1) puis en précise les modalités (2).  

 

1 – Champ d’application des mesures de prorogation 

Certains délais et mesures limitativement énumérés au II de cet article sont toutefois exclus des mesures de prorogation définies par l’ordonnance : il s’agit d’abord, et par souci de coordination, des délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 ou par les textes pris en application de celle-ci. Il s’agit également, plus spécifiquement, de certains délais et mesures notamment concernant les élections régies par le Code électoral et les consultations qui y sont relatives ou encore résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale. Exception dans l’exception, le III du même article prévoit que l’ordonnance sera néanmoins applicable « aux mesures restrictives de liberté et aux autres mesures limitant un droit ou une liberté constitutionnellement garanti », à condition que cela n’entraine pas un report au-delà du 30 juin 2020.  

 

2 – Modalités de prorogation des délais 

En premier lieu, l’article 2 de l’ordonnance institue un mécanisme de report de terme et d’échéance des actes, formalités et diligences qu’il énumère en indiquant que : 

« Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.  

Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. » 

Ainsi pour les actes, formalités et diligences énumérées à l’article 2, le terme ou l’échéance du délai imparti pour agir est reporté, à compter de la fin de la période de référence, pour toute la durée du délai initialement fixé sans cependant pouvoir excéder deux mois. Ainsi par exemple, lorsqu’une requête devait être introduite dans un délai de deux mois prescrit à peine d’irrecevabilité, la requête introduite dans le délai de deux mois à compter de la fin de la période de référence ne sera pas considérée comme tardive.  

Il importe de noter que les actes, formalités et diligences concernés sont ceux « prescrits par la loi ou le règlement », cette disposition ne s’applique donc pas aux actes prévus par des stipulations conventionnelles. Une autre dérogation à l’application de cet article 2 est par ailleurs à noter à l’article 10 de l’ordonnance commentée, s’agissant de certaines formalités en matière fiscale : il est ainsi prévu que le mécanisme de report des termes ne s’applique pas aux déclarations servant à l’imposition et à l’assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes.  

En deuxième lieu, l’article 3 institue un mécanisme de prorogation de plein droit pour certaines mesures administratives ou juridictionnelles limitativement énumérées, telles que notamment les autorisations, permis et agréments, les mesures d’aide, d’accompagnement ou de soutien aux personnes en difficulté sociale ou les mesures conservatoires ou d’enquête. Lorsque le terme de ces mesures est échu ou échoit durant la période de référence, elles sont ainsi prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période. Il est néanmoins précisé que cette prorogation de plein droit ne préjudicie pas aux pouvoirs du juge ou de l’autorité compétente de modifier ou de mettre fin à la mesure qui aurait été prononcée avant le 12 mars 2020. 

En troisième lieu, l’article 4 traite des astreintes et de certaines clauses contractuelles sanctionnant l’inexécution du débiteur suivant les modalités suivantes. Il institue un mécanisme de report du déclenchement ou d’interruption des effets des astreintes et de certaines clauses contractuelles sanctionnant l’inexécution du débiteur d’une obligation inscrite dans un délai expirant pendant la période de référence. Dans cette hypothèse, les astreintes et les clauses pénales, clauses résolutoires ou clauses prévoyant une déchéance sont réputées ne pas commencer à courir ou produire effet durant la période de référence, laquelle s’étend du 12 mars 2020 à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire. Si, à la fin de cette période augmentée d’un mois, le débiteur n’a pas exécuté son obligation, les astreintes et clauses courront ou prendront effet à cette date. Il instaure parallèlement la suspension de l’application des clauses pénales et du cours des astreintes ayant pris effet avant le 12 mars 2020, durant la période s’étendant du 12 mars 2020 à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire.  

En quatrième lieu, l’article 5 institue un mécanisme de prolongation des délais de résiliation et de dénonciation des conventions qui expirent pendant la période de référence. Ces délais sont prolongés de deux mois après la fin de la période de référence, courant du 12 mars 2020 jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence, s’ils interviennent ou expirent durant celle-ci. 

 

B – Titre II : Délais relatifs à l’activité des administrations 

Les dispositions relatives aux délais et aux procédures administratives prévues dans ce Titre s’appliquent aux administrations de l’Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu’aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale (article 6). 

L’ordonnance énonce les modalités de prorogation des délais et procédures applicables en matière administrative, tant s’agissant des délais généraux de l’action administrative (1) que des délais et procédures applicables dans des domaines spécifiques (2). 

 

1 – Modalités de prorogation des délais généraux de l’action administrative  

L’article 7 traite de la computation des délais imposés à l’Administration pour la naissance des décisions, accords ou avis implicites. L’article institue un mécanisme de suspension de ces délais, lorsqu’ils ne sont pas expirés au 12 mars 2020, durant la période s’étendant du 12 mars 2020 à un mois après la cessation de l’état d’urgence. En revanche, lorsque de tels délais auraient dû commencer à courir durant cette période, il instaure un report de leur point de départ jusqu’à la fin de celle-ci. Les mêmes mécanismes s’appliquent aux délais qui lui sont impartis pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande (ces délais suspendant en général eux-mêmes le cours du délai d’acquisition d’une décision) ainsi qu’aux délais prévus pour la consultation ou la participation du public.  

L’article 8 concerne les délais imposés à toute personne par l’Administration, en application d’une loi ou d’un règlement, pour réaliser des contrôles et des travaux ou pour se conformer à des prescriptions de toute nature. Les mêmes mécanismes précités de suspension ou de report du point de départ du délai pour y procéder jusqu’à l’achèvement de la période de référence sont institués, à l’exception des délais résultant d’une décision de justice, lesquels ne font l’objet d’aucune suspension (alinéa 1er). 

L’article 9 instaure toutefois des dérogations aux mécanismes de prorogation ainsi prévus. Il est ainsi indiqué qu’un décret devra déterminer « les catégories d’actes, de procédures et d’obligations pour lesquels, pour des motifs de protection des intérêts fondamentaux de la Nation, de sécurité, de protection de la santé, de la salubrité publique, de préservation de l’environnement et de protection de l’enfance et de la jeunesse, le cours des délais reprend. ». À ce titre, le décret n° 2020-383 du 1er avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d’urgence sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 a été publié au Journal officiel du 2 avril 2020 et énumère limitativement les délais soustraits aux mécanismes de prorogation prévus par l’ordonnance commentée. D’autres dérogations pourront être adoptées par décret, à condition que les personnes concernées en soient informées.  

 

2 – Modalités de prorogation des délais dans certaines procédures spécifiques  

L’article 10 prévoit la suspension d’autres délais limitativement énumérés dans le cadre de procédures fiscales, notamment le délai de reprise de l’administration fiscale, ce durant la période de référence courant du 12 mars 2020 jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence. Ce mécanisme de suspension des délais se double d’un report de leur point de départ à la fin de la période de référence pour les délais qui auraient dû commencer à courir pendant ladite période.  

L’article 11 est relatif au recouvrement des créances publiques et prévoit la suspension, jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois après la fin de la période de référence, des délais en cours à la date du 12 mars 2020 ou commençant à courir au cours de ladite période de référence, et qui seraient prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité ou déchéance d’un droit ou d’une action. 

L’article 12 traite des modalités d’adaptation des procédures d’enquêtes publiques en cours au 12 mars 2020 ou devant être organisées durant la période définie à l’article 1er. Ces enquêtes publiques pourront être conduites ou poursuivies en recourant à des moyens électroniques dématérialisées lorsque « le retard résultant de l’interruption de l’enquête publique ou de l’impossibilité de l’accomplir en raison de l’état d’urgence sanitaire est susceptible d’entraîner des conséquences difficilement réparables dans la réalisation de projets présentant un intérêt national et un caractère urgent ». Si l’enquête publique se poursuit après la période de référence, l’autorité compétente pourra décider de recourir à nouveau aux modalités d’organisation de droit commun pour la durée de l’enquête restant à courir. Dans tous les cas, le public devra être informé par tout moyen compatible avec l’état d’urgence sanitaire de la décision prise par l’autorité compétente en application de cet article.  

 

C – Titre III : Dispositions diverses 

L’article 13 dispense les projets de textes réglementaires ayant directement pour objet de prévenir les conséquences de la propagation du covid-19 ou de répondre à des situations résultant de l’état d’urgence sanitaire aux procédures de consultations préalables obligatoires. Cette dispense devra néanmoins s’opérer sous réserve des obligations internationales et européennes de la France, et des exceptions sont également prévues en droit interne : devront ainsi être consultés les autorités saisies pour avis conforme et le Conseil d’État.  

L’article 14 concerne le champ d’application territorial de l’ordonnance à l’Outre-Mer, en précisant lesquelles de ses dispositions sont applicables aux îles Wallis et Futuna, à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie. 

 

Focus : Application des ordonnances en urbanisme 

Les ordonnances 25 mars 2020 prises en application de la loi du 23 mars 2020 permettent de répondre à un certain nombre de problématiques rencontrées en matière d’urbanisme.  

Ces dispositions font l’objet de vives contestations de la part des professionnels du secteur de la construction concernant en particulier la suspension des délais d’instruction ou la prorogation des délais de recours. Une nouvelle ordonnance, portant spécifiquement sur l’urbanisme, pourrait intervenir d’ici peu pour modifier ou adapter certaines règles de suspension ou de prorogation des délais.  

Dans l’attente de l’intervention de cette ordonnance, il apparaît pertinent de revenir sur les incidences concrètes de l’application des ordonnances du 25 mars 2020, aujourd’hui applicables, sur les procédures d’urbanisme.  

A noter que les délais mentionnés ci-après sont calculés en prenant en compte la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire fixée au 24 mai 2020 en application de l’article 4 de la loi du 22 mars 2020 d’urgence pour face faire à l’épidémie de Covid-19. L’état d’urgence sanitaire peut toutefois être prorogé par une loi ou il peut y être mis fin prématurément par décret. Dans ces deux dernières hypothèses les dates mentionnées ci-après devront être mises à jour.  

1 – Délais d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme 

Afin éviter que les retards pris dans l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme du fait de la crise sanitaire ne donnent naissance à des décisions implicites involontaires, l’article 7 de l’ordonnance relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire prévoit plusieurs mécanismes permettant une interruption de ces délais d’instruction.  

Il est ainsi prévu que lorsque le délai d’instruction a commencé à courir avant le 12 mars et expire pendant la période juridiquement protégée, c’est-à-dire la période prévue à l’article 1er I. de l’ordonnance précitée, il est suspendu jusqu’à la fin de cette même période et recommence donc à courir, en l’état actuel, le 25 juin 2020 pour sa durée restante.   

Dans l’hypothèse où le délai d’instruction commencerait à courir pendant la période juridiquement protégée, il est prévu que le point de départ de ce délai est alors reporté à l’expiration de cette période c’est-à-dire le 25 juin 2020, et commence donc à courir à compter de cette date.  

Il est enfin précisé que cette interruption des délais vaut également pour les délais impartis à l’autorité qui instruit la demande d’urbanisme pour solliciter des pièces complémentaires.  

Si l’article 9 prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat doit intervenir pour déterminer les dérogations à cette suspension des délais, ce décret, paru le 2 avril 2020, ne concerne pas les autorisations d’urbanisme.  

Les délais d’instruction des demandes d’urbanisme sont donc suspendus pendant la période de crise sanitaire afin d’empêcher la délivrance d’autorisations implicites alors que les services chargés de l’urbanisme sont actuellement, dans leur grande majorité, à l’arrêt.  

Pour autant, rien ne s’oppose à ce que les autorités compétentes instruisent et délivrent si elles le peuvent, pendant cette période, des autorisations explicites (cela devrait principalement concerner les services ayant généralisé le recours à la téléprocédure).  

 

2 – Délais de retrait d’une autorisation d’urbanisme 

L’article 7 de l’ordonnance peut également trouver à s’appliquer en matière de retrait des autorisations d’urbanisme.   

Pour rappel, le Code de l’urbanisme prévoit que les autorisations d’urbanisme ne peuvent être retirées que si elles sont illégales, et ce dans un délai de trois mois suivant la date de ces décisions (L. 424-5 CU).  

Si le délai dont dispose l’administration pour retirer une décision commence à courir pendant la période juridiquement protégée, le point de départ de ce délai sera alors reporté après la fin de cette période, c’est-à-dire au 25 juin 2020.  

En revanche, si le délai de retrait a commencé à courir avant le 12 mars 2020 mais doit expirer pendant la période juridiquement protégée, alors ce délai sera suspendu pendant toute cette période et recommencera à courir le 25 juin 2020.  

 

3 – Délais de validité d’une autorisation d’urbanisme 

L’ordonnance comporte également des dispositions permettant l’interruption des délais de validité des autorisations d’urbanisme pendant la période de crise sanitaire.  

Pour rappel, la durée de validité des autorisations d’urbanisme est, sauf prorogation, de trois ans (article R. 424-17 et suivants). A l’issue de ce délai, et si les travaux prévus n’ont pas été entrepris, ou si l’opération faisant l’objet de l’autorisation n’a pas eu lieu, l’autorisation est caduque.   

Sur ce point l’article 3 de l’ordonnance 2020-306 prévoit que les autorisations, permis et agréments, « dont le terme vient à échéance au cours de la période définie au I de l’article 1er sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période » c’est-à-dire, en l’état actuel, jusqu’au 25 août 2020.  

On constate cependant que n’est pas envisagée ici l’hypothèse dans laquelle le point de départ du délai de validité se situe pendant la période juridiquement protégée, ni celle dans laquelle le délai de validité court pendant cette période.     

 

4 – Délais de recours à l’encontre d’une autorisation ou d’un refus d’autorisation d’urbanisme 

Sur ce point, il convient, en l’état, d’appliquer les règles de prorogation résultant des dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 expliquées et commentées ci-avant (point I. C).  

Comme alors évoqué, il subsiste une question s’agissant de l’application du mécanisme de report, aux délais expirant entre la fin de l’état d’urgence sanitaire et le délai d’un mois supplémentaire mentionné dans l’ordonnance précitée, soit entre le 24 mai et le 24 juin 2020.  

Cela étant, s’agissant des délais bénéficiant de la prorogation, leur point de départ est reporté à l’expiration de la période juridiquement protégée et pour sa durée initiale sans pouvoir excéder deux mois.  

A ce titre, le Conseil d’Etat dans la fiche pratique précitée du 30 mars 2020 considère ainsi que les recours enregistrés jusqu’au 24 août 2020 seront recevables.  

Par Solenne Daucé, Arthur Gayet et Mona Rousseau