le 14/10/2015

La négociation en MAPA, le Conseil d’Etat consacre la formule « se réserve la possibilité de négocier »

CE, 18 septembre 2015, société Axcess, n° 380821

Le Code des marchés publics laisse aux pouvoirs adjudicateurs une grande part de liberté dans la définition de la procédure de passation des marchés à procédure adaptée (MAPA). Toutefois, un débat restait ouvert sur la question d’indiquer au règlement de consultation qu’une négociation pouvait être organisée, sans que celle-ci n’intervienne avec certitude. Le Conseil d’Etat dans sa décision du 18 septembre 2015, Société Axcess, considère que le pouvoir adjudicateur peut simplement se réserver le droit de négocier.

La Direction des affaires juridiques du Ministère de l’Economie et des finances (DAJ) dans son guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics indique explicitement que : « Le recours à la négociation doit être expressément indiqué, dès le lancement de la procédure de consultation, dans l’avis de publicité ou dans les documents de la consultation, afin de permettre aux candidats d’en tenir compte lors de l’élaboration de leur offre. Il ne peut pas « se réserver le droit de recourir à la négociation », ». C’est donc tout naturellement que la DAJ conclut que « dès lors qu’il a expressément prévu le recours à la négociation, l’acheteur public est obligé de négocier. Il est vivement recommandé de faire porter la négociation sur tous les éléments de l’offre, et pas seulement sur le prix » (voir Guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, aux points 10.3 et 12.1.1, édition du 26 septembre 2014).

Les juridictions administratives, ayant un avis plus libéral, ont commencé à considérer que les pouvoirs adjudicateurs pouvaient au contraire indiquer que le recours à la négociation n’était que facultatif.

La Cour administrative d’appel de Paris, par une décision du 18 mars 2014 (n° 12PA02599), confirmée par le Conseil d’Etat dans sa décision précitée du 18 septembre 2015, avait considéré que « le pouvoir adjudicateur peut décider de recourir à une négociation et choisir librement, dans le respect du principe d’égalité de traitement entre les candidats, ceux avec lesquels il souhaite négocier, sans être tenu de s’engager au préalable à user ou non de cette faculté ».

Dans une autre décision récente, la Cour administrative d’appel de Lyon, semblait valider le recours à une négociation facultative, mais indiquait que si le pouvoir adjudicateur entendait s’en réserver la possibilité, il devait l’indiquer dans les documents de la consultation : « si le pouvoir adjudicateur décide, s’agissant d’un marché passé selon une procédure adaptée, de recourir à la négociation, le principe de transparence des procédures impose qu’il en informe les candidats potentiels dès le début de la procédure, dans l’avis public d’appel à la concurrence ou dans les documents de la consultation, ou à tout le moins qu’il précise, dans l’un de ces documents, qu’il se réserve la possibilité de négocier » (CAA Lyon, 5 mars 2015, société Montluçonnaise de Travaux Publics et Bâtiments, n° 14LY01532).

Le Conseil d’Etat dans sa décision du 18 septembre 2015 vient mettre fin à ce débat et assurer les acheteurs publics d’une plus grande sécurité juridique dans la conduite de leurs procédures de passation des MAPA.

On notera que les Juges du Palais Royal, s’appuient sur le principe de transparence, en validant le recours facultatif à la négociation, à la condition que les règles soient explicitement portées à connaissance des candidats. A cet effet, il est précisé que « considérant que si le pouvoir adjudicateur a décidé de faire usage de sa faculté de négocier dans le cadre d’une procédure adaptée, il doit en informer les candidats dès le lancement de la procédure et ne peut alors renoncer à négocier en cours de procédure ; qu’il peut aussi se borner à informer les candidats, lors du lancement de la procédure, qu’il se réserve la possibilité de négocier, sans être tenu, s’il décide effectivement de négocier après la remise des offres, d’en informer l’ensemble des candidats ».

Cette décision attendue s’inscrit dans le prolongement de la Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, qui précisent en son article 29 que « les pouvoirs adjudicateurs peuvent attribuer des marchés sur la base des offres initiales sans négociation, lorsqu’ils ont indiqué, dans l’avis de marché ou dans l’invitation à confirmer l’intérêt, qu’ils se réservent la possibilité de le faire ».

Enfin cette décision du Conseil d’Etat vient également conforter la liberté du pouvoir adjudicateur dans le choix et la définition de sa procédure de passation en matière de marché public en « considérant que la décision du pouvoir adjudicateur de recourir à la négociation dans le cadre d’une procédure adaptée ne saurait être utilement critiquée devant le Juge ». Toutefois, si le pouvoir adjudicateur décide de négocier qu’avec un nombre limité de candidats ayant présenté une offre, le Juge demeure compétent pour « s’assurer qu’il n’a méconnu aucune des règles qui s’imposent à lui, notamment le principe d’égalité de traitement des candidats ».