le 16/07/2020

La guerre des pâtisseries a eu lieu, mais ce n’est pas un accident imputable au service

CAA Versailles, 15 juin 2020, n° 18VE02936

Le principe de l’imputabilité de tout accident intervenu sur le lieu et sur le temps du service, avant d’être consacré par la loi (article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983), avait été reconnu par le Conseil d’Etat dans sa décision du 16 juillet 2014.

Pour mémoire, l’imputabilité au service devait, jusqu’alors, être démontrée par le fonctionnaire, et l’apport majeur de cette décision a été de poser le principe de la présomption d’imputabilité, ainsi que cela existe depuis plusieurs années pour les salariés de droit privé.

Une limite a cependant aussitôt été posée à cette extension de la protection des fonctionnaires, à savoir l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service.

Reste à déterminer ce qui doit être entendu par « faute personnelle » ou « circonstance particulière » détachant l’évènement du service et excluant donc que la qualification d’accident de service, et son cortège de droits attachés (maintien du salaire, prise en charge des frais médicaux, indemnisation des préjudices non couverts), puisse être reconnu au fonctionnaire.

La décision rendue par la Cour administrative d’appel de Versailles le 15 juin dernier est à cet égard particulièrement intéressant.

D’une part, il confirme qu’un temps de pause obligatoire est un « prolongement normal » du temps du service, contrairement au temps de pause non règlementaire sur lequel l’agent a quitté son service (CAA Versailles, 19 mai 2016, req. 14VE01549).

D’autre part,, le fait que l’agent ait refusé d’obéir à un ordre et qu’il ait perdu la maîtrise de lui-même sont analysés visiblement comme une faute personnelle.

A cet égard, il est vrai que les faits sont peu courants, tout du moins entre adultes : un agent A. ayant consommé « sans autorisation » une pâtisserie du service – les faits ont lieu au sein d’un syndicat intercommunal de production de repas collectifs – son collègue, visiblement affamé, a voulu « récupérer » ladite pâtisserie « que son collègue avait en tout état de cause déjà mangé », ce qui lui a valu d’être frappé au visage…

Bref, une altercation a eu lieu sur le lieu de travail, et la question qui se posait était celle de savoir si le comportement de l’agent durant cette altercation pouvait influer sur la caractérisation de l’accident de service.

On observera que par une décision du Tribunal administratif de Rennes du 31 mars 2016 (1400480), une altercation entre agents n’avait pas permis de renverser la présomption d’imputabilité, bien que son origine n’ait pas été d’ordre professionnel.

Mais la décision de la Cour administrative de Versailles laisse à penser que dès lors qu’un supérieur hiérarchique tente une médiation (en l’espèce : proposer une autre barquette de pâtisserie), le fait que l’agent persiste dans son comportement matérialise la faute personnelle qui exclut ainsi l’application de la présomption.

Dorénavant, il est établi que l’agent à l’initiative d’une altercation ne pourra plus solliciter la prise en charge de ses arrêts de travail car, par principe, il s’agit là d’une faute personnelle – sans que la qualité de la pâtisserie ne puisse être exonératoire de la faute…