le 04/10/2016

La fixation de tarifs réglementés de vente du gaz naturel n’est pas, dans son principe, contraire au droit de l’Union Européenne

CJUE, 7 sept. 2016, aff. C-121/15, Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) c/ Premier Ministre et a.

Rendu dans le cadre d’une procédure de question préjudicielle posée, en l’occurrence, par le Conseil d’Etat, l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après, CJUE) du 7 septembre 2016 confirme, au plan des principes, la conformité au droit de l’Union Européenne du mécanisme des tarifs réglementés de vente (ci-après, TRV) du gaz naturel.

Les questions posées par le Conseil d’Etat portaient sur l’interprétation de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 2003/55/CE (JO 2009, L 211, p. 94), afin de vérifier la conformité à ce texte des TRV de gaz naturel applicables en France.

En réponse, la CJUE, dans le droit fil de précédentes décisions rendues au sujet de la compatibilité avec le droit de l’Union d’une intervention étatique sur les prix, spécifiquement dans le secteur du gaz naturel (CJUE, 20 avril 2010, Federutilitye.a. C-265/08, CJUE, 21 décembre 2011, EnelProduzione, C‑242/10,CJUE 10 septembre 2015, Commission/Pologne, C‑36/14), rappelle qu’une mesure d’intervention publique sur les prix de vente du gaz naturel est une mesure qui, par sa nature même, constitue une entrave à la réalisation d’un marché intérieur du gaz opérationnel.

Elle en conclut donc que « l’intervention d’un État membre consistant à imposer à certains fournisseurs, parmi lesquels le fournisseur historique, de proposer au consommateur final la fourniture de gaz naturel à des tarifs réglementés constitue, par sa nature même, une entrave à la réalisation d’un marché du gaz naturel concurrentiel prévue à cette disposition ». La Cour précise que « cette entrave subsiste alors même que cette intervention ne fait pas obstacle à ce que des offres concurrentes soient proposées à des prix inférieurs à ces tarifs par tous les fournisseurs sur le marché » (point 33).

Néanmoins, toujours dans le prolongement de sa jurisprudence antérieure, la Cour relève qu’une telle intervention peut être admise, si trois conditions sont respectées :

  • cette intervention doit poursuivre un objectif d’intérêt économique général ;
  • elle doit respecter le principe de proportionnalité ;
  • elle doit prévoir des obligations de service public clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables et garantir un égal accès des entreprises de gaz de l’Union aux consommateurs.

S’agissant des TRV de gaz naturel français, la Cour considère que la première condition est remplie et que les objectifs tenant à la sécurité de l’approvisionnement et la cohésion territoriale constituent des objectifs d’intérêt économique général justifiant d’imposer aux entreprises intervenant dans le secteur du gaz des obligations de service public portant sur le prix de fourniture du gaz naturel.

S’agissant de la deuxième condition tenant à la proportionnalité de la mesure, la CJUE renvoie au Conseil d’Etat le soin de vérifier si elle est remplie dans le cas d’espèce dont il est saisi. Pour ce faire, la Cour rappelle qu’il appartiendra au Conseil d’Etat de vérifier (1) si la mesure est susceptible de garantir la réalisation de l’objectif d’intérêt économique général envisagé ; (2) si la durée de l’intervention étatique est limitée à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi ; (3) si la mesure ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteinte l’objectif poursuivi et enfin (4) si la mesure est nécessaire au regard de l’identité de ses bénéficiaires.

Au titre de cette seconde condition, on notera qu’après avoir relevé que le mécanisme des TRV présentait un caractère permanent, sans condamner directement ce procédé, la Cour indique néanmoins qu’ « il appartient à la juridiction de renvoi, au vu des éléments précis dont elle dispose, d’apprécier si l’imposition d’une obligation, telle que celle établie à l’article L. 410-2 du Code de commerce, ayant en substance un caractère permanent, respecte l’exigence rappelée au point 55 du présent arrêt ».

Sur la troisième condition, la Cour renvoie purement et simplement au Conseil d’Etat le soin de trancher, faute d’élément transmis par ce dernier permettant à la Cour de se forger une opinion.

Il sera intéressant de suivre la décision à venir du Conseil d’Etat sur ce point dès lors qu’en matière de gaz, les obligations de service public ne sont plus fixées par voie de concessions de services publics mais par la voie de règlements de service adoptés par les autorités organisatrices de la distribution publique du gaz.